ESPACETchouri va chauffer en passant au plus près du Soleil

Mission Rosetta: La comète Tchouri va chauffer en passant au plus près du Soleil

ESPACEUne aubaine pour la sonde européenne et les chercheurs qui vont avoir accès à des données inédites…
Nicolas Bégasse

Nicolas Bégasse

Ce jeudi, comme tous les six ans et demi, la comète Tchourioumov-Guerassimenko, dite Tchouri, va passer au plus près du Soleil. Ce point de son orbite s’appelle le périhélie. Mais cette fois-ci, la comète ne sera pas seule : Rosetta, la sonde qui l’escorte depuis près d’un an, va recueillir toutes des données inédites que ce passage près de notre étoile va dévoiler.

« Welcome to perihelion day ! Today, 13 Aug, I’m 185,986,924 km from the Sun & 265,138,407 km from Earth #Perihelion2015 pic.twitter.com/8R9xOTC3JC — ESA Rosetta Mission (@ESA_Rosetta) August 13, 2015 »

Que se passe-t-il au périhélie ?

En deux mots, ça chauffe. L’activité de la comète va croître, ses dégazages et éjections de poussières vont être plus nombreux et plus puissants et sa surface va se modifier. Un pic d’activité qui ne concerne pas que cette journée du 13 août : « Ce jour-là est théorique, il n’y a pas une grosse différence entre la veille et le lendemain », prévient Philippe Gaudon, chef de projet Rosetta pour le Cnes. Ce « maximum d’activité » va même être plus fort dans les semaines à venir qu’au jour même du périhélie, « car il y a un effet retard, la comète emmagasinant la chaleur », explique-t-il. Ce sursaut d’activité pourrait aller jusqu’à casser la comète en deux -même si les scientifiques n’y croient pas trop.

« On ne peut absolument rien prédire, c’est ça qui est intéressant », s’enthousiasme Nicolas Altobelli, responsable scientifique adjoint de la mission à l’ESA. « C’est la première fois qu’une sonde accompagne une comète de l’état non-actif à ce pic d’activité. » D’où les incertitudes concernant les conséquences exactes du passage au périhélie. Qu’on va scruter dans les moindres détails.

En quoi est-ce une aubaine scientifique ?

Trois aspects principaux seront observés. D’abord la modification de la surface de la comète : « On va comparer l’avant et l’après périhélie de façon inédite, explique Nicolas Altobelli, en couplant observation au sol et avec Rosetta. » La sonde, qu’on a éloignée pour éviter que les projections de Tchouri ne l’abîment ou la perturbent, conserve en effet une résolution de 10m au sol. L’autre aubaine sera offerte par la partie sud de Tchouri, « une région qui n’a pas été illuminée depuis des années, et qui va l’être de manière brève et intense », décrit le responsable scientifique, avec sans doute à la clé une érosion importante de ce coin de comète. De la matière enfouie depuis des milliards d’années pourrait alors se montrer aux capteurs de Rosetta.

Mieux : si la comète se casse effectivement en deux, c’est « la matière la plus ancienne du Système solaire, qui se trouve au centre et est donc restée "pure", qui se dévoilerait », avance Philippe Gaudon. Enfin, ce sursaut d’activité sera l’occasion d’observer l’interaction entre l’atmosphère de la comète et le vent solaire, comme a pu le faire l’ESA lors d’un récent dégazage puissant.

Pourquoi la comète ne s’est-elle pas encore désintégrée, depuis le temps ?

Le passage au périhélie « abîme » la comète, et il intervient tous les six ans et demi. Or, Tchouri existe depuis la formation du Système solaire, il y a 4,6 milliards d’années. Comment a-t-elle pu survivre tout ce temps ? « Il n’y a pas longtemps qu’elle est sur cette orbite, nous éclaire Philippe Gaudon. Elle a été capturée par Jupiter vers 1950, avant elle était plus loin dans le Système solaire, elle provient d’au-delà de Pluton. »

C’est ce qui rend la comète si précieuse : s’étant tenue éloignée du Soleil pendant des milliards d’années, elle n’est pas « usée ». Ce qui va vite changer : sur cette nouvelle orbite, estime Philippe Gaudon, « sa durée de vie n’est sans doute plus que de quelques milliers d’années ».