Les maîtres de la pluie
SCIENCE•Les chinois ne sont pas les premiers à s’être intéressés aux manipulations climatiques. Depuis plus de 60 ans…Yaroslav Pigenet
Les chinois ne sont pas les premiers à s’être intéressés aux manipulations climatiques. En effet, depuis plus de 60 ans, une trentaine de pays ont conduit, avec plus ou moins de réussite, des expériences de contrôle des précipitations à l’aide des techniques d’ensemencement.
C’est en 2000, lors des célébrations du 55ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre Mondiale en Russie, que Jiang Zemin a décidé de créer un Bureau des Modifications Climatiques à Pékin. L’ex leader du PC chinois avait été fortement impressionné quand les russes étaient parvenus à éliminer des nuages menaçants en déclenchant une averse avant les cérémonies. En fait, les russes utilisent les techniques d’ensemencement pour créer du « beau temps » depuis les JO de Moscou en 1980. Et chaque célébration du 9 mai est désormais l’occasion de démontrer, que le gouvernement contrôle tout, y compris la pluie.
La technique de l’ensemencement n’est pourtant pas d’origine russe. Elle a été découverte dès les années 40 par trois ingénieurs de la société General Electric. Ces derniers avaient constaté que quand on injecte des cristaux de glace carbonique dans un nuage, on provoque la condensation de petites gouttes d’eau qui s’agrègent et finissent par donner des précipitations. La même réaction peut être déclenchée avec des agents chimiques dits glaçogènes, comme l’iodure d’argent. En théorie, il semble donc possible de déclencher la pluie en dispersant au dessus des nuages des paillettes glaçogènes à l’aide d’un avion, d’un canon ou d’une fusée.
Jusqu’au début des années 80, le gouvernement américain semble avoir cru à cette technique puisqu’il a alloué jusqu’à 20 millions de $ (15 millions €) par an aux programmes de manipulation du climat. Il a notamment financé, de 1962 à 1983, l’ambitieux projet Stormfury, qui avait pour but de contrôler la force des cyclones en ensemençant leur œil. Toutefois, faute de résultats probants, la plupart de ces programmes ont fini par être abandonnés dans les années 80-90.
Depuis, seule l’US Army a montré un réel intérêt pour la question dans un rapport publié en 1996, mais qui semble avoir plus inspiré les auteurs de SF que les militaires. Le coup de grâce est venu de l’US National Academy of Science qui, en 2003, a considéré que les bases scientifiques des techniques d’ensemencement étaient discutables. Ainsi aujourd’hui, aux Etats-Unis, seuls quelques savants et inventeurs fous entretiennent la flamme et tentent de convaincre la Nasa, la NOAA ou l’armée de financer leur projets plus ou moins délirants de manipulation du climat.
<div>Le désintérêt des américains n’a pas dissuadé d’autres pays de tenter l’expérience. C’est notamment le cas de la Thaïlande, qui utilise depuis 30 ans l’ensemencement pour combattre les sécheresses. Une équipe de 600 « faiseurs de pluie » gère ainsi un budget annuel de 25 millions $ (18 millions €). Reste qu’aujourd’hui, la Chine est le pays qui consacre le plus de moyens aux recherches sur les modifications climatiques. Dans son 11ème plan quinquennal, le gouvernement prévoit la « fabrication » de 48 à 60 milliards de m3 de pluie par an. En outre, le Bureau des Modifications Climatiques de Pékin possède un budget annuel de plus de 50 millions $ (38 millions €).