Pourquoi fait-il plus chaud dans l'atmosphère du Soleil qu'à sa surface?
ASTROPHYSIQUE•Une équipe de chercheurs français a percé ce mystère…Anissa Boumediene
Pourquoi la température de l’atmosphère du Soleil est-elle plus élevée qu’à la surface de l’astre ? Les astrophysiciens du monde entier s’arrachent les cheveux devant cette observation depuis les années 1940. Aujourd'hui, on sait enfin pourquoi. L’astrophysicien Tahar Amari, directeur de recherche au CNRS, et ses collègues Jean-François Luciani et Jean-Jacques Aly ont mis au jour les mécanismes de chauffage de l’atmosphère solaire. Une découverte à paraître ce 11 juin dans Nature, la revue scientifique de référence.
Une casserole en ébullition
Sous nos latitudes terrestres, le Soleil nous réchauffe. Jusqu’à une trentaine de degrés aux beaux jours, voire une quarantaine en cas d’épisode caniculaire. Au plus près de l’astre, c’est une autre histoire. Au cœur du Soleil, la température atteint environ 15 millions de degrés Celsius, pour descendre à 6.000 degrés à la « surface » de l’étoile.
Si la chaleur baisse à la surface, pourquoi augmente-t-elle à nouveau quand on s'éloigne du Soleil? La logique voudrait que plus on s’éloigne, plus la température baisse, à la manière d'un feu de cheminée. Si on met les mains près des flammes, il brûle, mais en s'éloignant, on ressent moins sa chaleur. Ici, c'est le contraire. Dans la chromosphère, la basse atmosphère du soleil, le thermomètre grimpe à 10.000 degrés et dans la couronne solaire, la partie haute de l’atmosphère, qui s’étend sur plusieurs milliers de kilomètres, on dépasse le million de degrés. Comme si on se brûlait en s'éloignant.
Grâce à leur travail de simulation de l’évolution du soleil, les trois chercheurs français ont compris pourquoi. « A environ 1.500 kilomètres sous la surface du Soleil, il y a une fine couche qui se comporte comme une casserole en ébullition », explique Tahar Amari, qui a fait cette découverte. « Ce potage de plasma en ébullition crée et amplifie un champ magnétique », poursuit-il. En remontant à la surface du Soleil, ce champ magnétique constitue alors une réserve d’énergie capable de chauffer les couches successives de l’atmosphère solaire.
Une « végétation » magnétique
Pour être capable de chauffer si loin dans l’atmosphère solaire, cette réserve d’énergie se diffuse via une « végétation » magnétique qui se déploie telle une mangrove. « La casserole en ébullition est comme un terreau pour cette mangrove magnétique », décrypte l’astrophysicien. Ses racines s’entrechoquent et produisent une multitude de micro-éruptions, puis elles s’enchevêtrent autour de troncs d’arbres magnétiques, qui forment de grandes lignes verticales allant jusqu’à la couronne solaire.
« Lorsque les racines cognent ces troncs d’arbres, cela engendre alors des ondes magnétiques qui font remonter l’énergie le long des troncs, un peu comme un son sur une corde pincée », précise le chercheur. Et c’est la dissipation de cette énergie dans la couronne solaire qui fait grimper la température à un million de degrés, voire deux.
L’une des sources des vents solaires
Tahar Amari se réjouit de cette découverte fondamentale. Il a, avec son équipe, coupé l’herbe sous le pied de la Nasa qui planchait elle aussi sur le mystère de la température de l’atmosphère solaire. « Ce mécanisme de chauffage de l’atmosphère participe activement à la création des vents solaires, qui se déplacent jusqu’à parvenir à la Terre. Mais les recherches doivent se poursuivre, prévient-il. Mieux nous comprenons ce phénomène, mieux nous pourrons comprendre les conséquences des vents solaires sur notre planète ».