Dépassements d'honoraires: L'Assurance maladie s'inquiète du tarif des spécialistes
SANTE•La «dérive» s'accentuerait d'année en année...© 2011 AFP
«On ne peut laisser monter les tarifs jusqu'au ciel»: le directeur général de l'Assurance maladie a tiré la sonnette d'alarme mardi à propos de la forte progression ces dernières années des dépassements d'honoraires des médecins, essentiellement de la part des spécialistes. Le panorama donné mardi par l'Assurance maladie porte sur 35 ans. Il montre l'ampleur de la «dérive» qui s'accentue d'année en année, selon les termes du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS) Frédéric van Roekeghem.
Les dépassements d'honoraires sont régulièrement dénoncés par les associations qui soulignent le «reste à charge» grandissant pour les patients. Les mutuelles se plaignent de devoir augmenter les cotisations pour rembourser le complément, ou du moins une partie, à leurs adhérents. Selon la Sécu, en 2010 un médecin sur quatre exerce en secteur à honoraires libres dit «secteur 2», soit un total de 29.000 praticiens.
Dépassement d'honoraire pour plus de 4 spécialistes sur 10
Mais cette proportion monte à plus de 4 sur 10 parmi les médecins spécialistes (hors spécialités de médecine générale comme l'homéopathie, l'acuponcture etc...). Par comparaison 115.000 médecins, généralistes et spécialistes, exercent en «secteur 1» et pratiquent des tarifs conventionnels.
Les différences sont grandes entre les spécialités, avec 85% des chirurgiens en secteur 2, 50% des ORL, des ophtalmologistes ou des gynécologues. Cependant les radiologues, pneumologues ou cardiologues sont moins de 20% à réclamer un supplément au tarif conventionnel.
Plus de dépassements à l'hôpital public
Depuis 1985 le niveau moyen des dépassements facturés aux patients n'a cessé de progresser par rapport au tarif de base fixé par la Sécu et a plus que doublé entre 1990 et 2010, passant de 25% à 54%. Les taux de dépassement les plus élevés sont pratiqués... à l'hôpital public où un petit nombre de praticiens (1.850) ont un secteur privé.
L'assurance maladie s'inquiète aussi du rythme élevé avec lequel ces spécialistes passent en secteur 2: 6 sur 10 y sont venus en 2010, et notamment 84% des ORL. Les dépassements sont davantage constatés dans la région parisienne, et dans les départements des Alpes-Maritimes, du Rhône et en Alsace. En 2010, ces dépassements ont représenté 17% des honoraires des spécialistes en général et 32% des chirurgiens en particulier.
«La banalisation des dépassements modifie la nature même de notre système de protection sociale»
«Si nous ne proposons pas d'alternative qui soit crédible sur le moyen terme pour réformer cette situation, il ne faudra pas s'étonner que cela continue à dériver», a déclaré Frédéric van Roekeghem. Pour remédier à la situation, la Sécu souhaite la mise en oeuvre du secteur dit «optionnel», signé le 15 octobre 2009 par les représentants des médecins libéraux et des organismes complémentaires, une solution qui plafonne les dépassements, avec des contreparties mais qui est actuellement au point mort.
Les négociations actuelles entre syndicats médicaux et l'Assurance maladie sont un moyen de relancer le secteur optionnel. Mais elles sont actuellement dans l'impasse. Sinon, ce sera du ressort du politique, a prévenu Frédéric van Roekeghem. Selon Etienne Caniard, président la Mutualité française, qui regroupe la quasi totalité des mutuelles santé, «la banalisation des dépassements modifie la nature même de notre système de protection sociale». «Nous vivons dans la fiction d'un taux de remboursement du régime obligatoire qui ne correspond plus à la réalité», a-t-il ajouté. Pour sa part Jean-Loup Durousset, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) a affirmé que «moins de 20% des dépassements» provenaient des cliniques privées.