Don de sperme: l'Académie de médecine opposée à la levée de l'anonymat

Don de sperme: l'Académie de médecine opposée à la levée de l'anonymat

L'Académie de médecine s'oppose à la mesure phare du projet de ...
© 2010 AFP

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L'Académie de médecine s'oppose à la mesure phare du projet de loi de bioéthique, la levée de l'anonymat des donneurs de sperme, "première entaille" au dogme français de l'anonymat dont les conséquences pratiques n'ont pas été évaluées, selon la société savante.

"Nous mettons le doigt dans l'engrenage de +qui est de qui+", a souligné mardi au cours d'une conférence de presse "le père des dons de sperme", Georges David, fondateur des CECOS (Centres d'études et de conservation des oeufs et du sperme) en 1973.

"Je suis un fervent défenseur de l'accès aux origines, la difficulté est de savoir de quelles origines on parle", a pour sa part affirmé Pierre Jouannet. Pour ce biologiste de la reproduction, les origines d'un enfant issu d'un don de gamètes (sperme ou ovocyte), c'est avant tout l'histoire d'un couple confronté à des difficultés de procréation.

Le Pr Jouannet en a donné pour exemple le jeune acteur Grégoire Leprince-Ringuet, conçu grâce à un don de sperme, qui dans une interview récente à Libération a déclaré : "Mes origines, ce n’est pas mes gènes, ça n’a aucun sens pour moi. Mes origines, ce sont mes parents qui ont voulu que je sois vivant".

Pour le Pr Jouannet, "il n'est pas clair que la levée de l'anonymat puisse résoudre le mal-être de quelques dizaines d'enfants sur les 50.000 nés d'un don de sperme".

Le projet de loi présenté le 20 octobre en Conseil des ministres prévoit pour les quelque 1.300 enfants qui naissent chaque année d'un don de gamète, la possibilité, à leur majorité, d'avoir accès à l'identité du donneur, à condition que celui-ci y consente expressément.

Le président de l'Académie de médecine Roger Henrion y a vu "une première entaille" à l'anonymat "qui était un véritable dogme en France", tandis que le Pr Jouannet déplorait l'absence d'étude "sur les conséquences pratiques".

En Suède, la demande de levée de l'anonymat est possible depuis 1985 lorsque l'enfant a 16 ans. En visite dans ce pays l'année dernière, le Pr Jouannet a constaté que "pas un seul enfant n'avait souhaité rencontrer les donneurs". De fait, a-t-il expliqué, "une grande majorité" de parents n'informent pas l'enfant des modalités de sa conception.

"Au lieu de favoriser l'accès de l'enfant à ses origines, à son histoire, on a renforcé le secret", a-t-il dit. De plus, le recours aux dons "a chuté", les couples demandeurs préférant se rendre dans des pays où l'anonymat est préservé.

Par ailleurs, a souligné le Pr Jouannet, l'accès à l'identité ne se borne pas à connaître un nom. C'est aussi potentiellement avoir accès à l'identité des autres enfants conçus par le donneur.

Plus prosaïquement, le Pr David a posé la question de la véritable paternité. "L'axiome de base selon lequel le donneur est le géniteur n'est pas toujours vrai", a-t-il relevé. En cas d'insémination avec don de sperme, l'enfant peut quand même "avoir été conçu dans d'autres circonstances"...

La position de l'Académie de médecine rejoint celles de la Fédération des CECOS et du Groupe d'études pour le don d'ovocytes (GEDO).

Le président de la Fédération des CECOS, Louis Bujan, redoute lui aussi des conséquences pratiques. Que se passerait-il, par exemple, au sein d'une famille, si l'un des enfants issu d'un don de sperme obtenait l'identité de son donneur alors que l'autre se heurtait à un refus ?

La mission parlementaire sur la révision des lois de bioéthique, dont Jean Leonetti était le rapporteur, s'était également prononcée pour le maintien de l'anonymat du don de gamètes. Le Conseil d'Etat avait en revanche souhaité qu'il puisse être levé.

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