En Inde, médecins et étrangers minimisent les craintes de la "superbactérie"

En Inde, médecins et étrangers minimisent les craintes de la "superbactérie"

Carla admire la vue sur Bombay depuis la fenêtre d'un hôtel de ...
© 2010 AFP

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Carla admire la vue sur Bombay depuis la fenêtre d'un hôtel de luxe, les ecchymoses aux joues et les points de suture derrière ses oreilles partiellement masqués par ses cheveux. Ravie, elle ne craint pas d'avoir contracté de superbactérie lors de son opération esthétique.

Cette chef d'entreprise italienne de 50 ans, qui partage sa vie entre les Etats-Unis et l'Europe, s'est fait lifter le visage dans un hôpital privé voici deux semaines et elle s'apprête à quitter la capitale économique indienne aussi jeune physiquement qu'elle se sent intérieurement, assure-t-elle.

Carla, dont le prénom a été modifié à sa demande, fait partie des quelque 150.000 étrangers qui viennent en Inde chaque année pour des interventions médicales bien moins coûteuses que dans leur propre pays, de la chirurgie esthétique aux soins dentaires en passant par de complexes opérations du coeur.

Selon l'Association indienne des chambres de commerce et d'industrie, le tourisme médical progresse à un taux annuel de 30% et pourrait représenter d'ici 2012 deux milliards de dollars.

Mais en août, la revue spécialisée The Lancet a évoqué l'émergence d'un nouveau mécanisme de résistance aux antibiotiques pouvant constituer une sérieuse menace dans la guerre contre les bactéries, en particulier en raison de l'augmentation du tourisme médical.

Le premier cas d'infection par une entérobactérie productrice d'une enzyme de type "New Delhi métallo-beta-lactamase" (NDM-1) a été identifié en 2009 chez un Suédois qui avait été hospitalisé en Inde.

Depuis la parution de l'article, plusieurs cas ont été rapportés en Europe, au Canada, aux Etats-Unis, au Kenya, en Australie, à Hong Kong et au Japon, et il s'agissait à chaque fois de patients rentrant d'Inde ou du Pakistan.

Carla, qui veut revenir en Inde pour une opération des yeux au laser, affirme ne pas être découragée par ce nouveau phénomène. Elle et son mari disent avoir soigneusement vérifié les informations sur le médecin, la procédure et la propreté de l'hôpital avant l'opération.

Les chiffres montrent que l'apparition de la NDM-1 n'a absolument rien changé aux pratiques. "Nous n'avons eu aucune annulation", affirme Vishal Bali, directeur du groupe Fortis Hospitals, qui estime que d'ici mars 2010 10.000 étrangers seront passés chez lui, soit près de 40% de plus qu'en 2009-2010.

"Nous avons beaucoup de patients des Etats-Unis et de pays développés", dit-il, reconnaissant que certains posent toutefois des questions sur la superbactérie.

Mais selon lui, les craintes devraient s'estomper avec le temps comme ce fut le cas avec le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), d'abord nommé pneumopathie atypique, qui a tué près de 800 personnes dans le monde en 2003, ou la grippe H1N1 l'an dernier.

Aucun de ces virus n'a affecté les voyages dans le monde de manière significative, juge-t-il, s'interrogeant en outre sur l'échantillon représentatif de l'étude sur la superbactérie.

En Inde, certains ont considéré l'article du Lancet comme inutilement alarmiste, voire comme une tentative de saborder le secteur du tourisme médical en pleine croissance. Le gouvernement indien s'était d'ailleurs indigné du nom choisi pour cette superbactérie.

Le chirurgien qui a opéré Carla, Mohan Thomas, estime que la question de la superbactérie doit être jugée à l'aune des succès que l'Inde enregistre dans le domaine, soulignant que le pays s'est hissé à la cinquième place mondiale en matière de chirurgie esthétique.

"Nous n'étions même pas sur la carte (du tourisme médical) il y a encore quelques années", se félicite ce praticien rentré à Bombay en 2002 après 25 ans d'exercice aux Etats-Unis.

Comme M. Bali, il reconnait toutefois qu'il est encore possible de s'améliorer, notamment concernant l'administration excessive d'antibiotiques qui a contribué au problème mondial de la résistance aux médicaments.