Savoie : On en est où du cluster de 14 contaminations au VIH ?
3 QUESTIONS À•En décembre, un cluster avec 14 cas d’infection au VIH en Savoie avait été détecté. À l’occasion du Sidaction, « 20 Minutes » fait le point avec Nathalie Grangeret, médecin et conseillère technique de l’ARS dans ce département
Propos recueillis par Elise Martin
L'essentiel
- Un cluster de VIH a été identifié en Savoie fin 2024, touchant principalement des hommes hétérosexuels ayant des pratiques sexuelles non protégées. À l’occasion du Sidaction qui se déroule ce week-end, 20 Minutes fait le point.
- Les autorités sanitaires ont réagi en menant une large campagne de communication pour encourager le dépistage, ciblant à la fois les professionnels de santé et le grand public via les réseaux sociaux.
- « Utilisez systématiquement un préservatif, dès lors qu’il y a un rapport sexuel à risque », insiste Nathalie Grangeret, médecin et conseillère technique de l’ARS pour la Savoie, auprès de 20 Minutes.
En décembre dernier, les infectiologues de l’hôpital de Chambéry ont constaté une hausse inhabituelle des contaminations au VIH. Des analyses ont permis de découvrir qu’un cluster viral circulait en Savoie.
Trois mois après, où en est-on ? Comment ce cluster a-t-il été contrôlé ? Que retenir de ce phénomène rare ? Réponses avec Nathalie Grangeret, médecin et conseillère technique de l’ARS pour la Savoie, à l’occasion du Sidaction qui a lieu ce week-end.
Le cluster est-il aujourd’hui sous contrôle ?
Depuis janvier 2025, nous n’avons plus observé de nouveaux cas avec cette souche particulière. Cela suggère que le cluster est en voie de stabilisation, mais nous restons prudents. Certaines personnes ont peut-être été contaminées il y a plusieurs mois et n’ont pas encore été diagnostiquées car elles ne se sont pas présentées à un dépistage.
Pour rappel, nous avons découvert ce cluster parce que les souches des gens qui sont dépistés comme porteurs du VIH sont systématiquement envoyées dans des centres biologiques de référence. Ces derniers effectuent des pipages des résistances qui permettent d’adapter le traitement qui va être prescrit au patient.
Dans ce contexte, le laboratoire de référence a identifié des similitudes sur une souche en particulier, qui signifiait qu’il y avait un cluster viral qui circulait en Savoie. Les résultats d’une enquête menée sur tout le territoire français ont révélé que cette souche circulait très majoritairement dans le secteur Rhône et Alpes depuis 2012, mais de façon discrète. Elle s’est affirmée début 2023 avec une concentration sur le territoire de la Savoie et les départements limitrophes comme l’Isère, la Loire et la Haute-Savoie.
Quel était le profil des personnes concernées ?
En termes d'épidémiologie, les personnes concernées étaient très majoritairement, à plus de 80 %, des hommes, âgés entre 25 et 65 ans, et qui ont expliqué avoir des pratiques sexuelles non protégées. Pour certains, c’étaient des pratiques avec des partenaires multiples. Pour d’autres, lors d’un rapport unique. Et pour la très grande majorité, par contact hétérosexuel.
Comment avez-vous fait pour tenter de maîtriser ce cluster après sa découverte ?
Le problème avec l’infection VIH, c’est qu’elle évolue à bas bruit et qu’elle peut ne pas se manifester pendant des années. La moitié des cas développent des symptômes précoces, les primo-infections, mais l’autre moitié n’en développera pas. Ce qui veut dire qu’en dehors d’une prise de risque, les potentielles personnes contaminées n’auront pas l’idée d’aller se faire dépister.
L’idée, pour tenter de maîtriser la situation, c’était de communiquer largement pour pousser au dépistage. D’abord, vers les professionnels (médecins généralistes, laboratoires d’analyses, pharmaciens) susceptibles d’être en contact avec ces personnes. Ensuite, vers les publics les plus à risque avec des campagnes de communication digitale sur les réseaux sociaux et sur des applications de rencontres. Le message de prévention reste donc d’actualité.
Quel message voulez-vous faire passer ?
On le répète encore et encore et on le fera autant qu’il le faudra : utilisez systématiquement un préservatif, dès lors qu’il y a un rapport sexuel à risque. Il existe également d’autres options de prévention comme la PrEP (traitement préventif avant exposition) ou le traitement post-exposition, efficace jusqu’à 72 heures après un rapport à risque. Le dépistage est également essentiel. Même si la prise de risque remonte à longtemps, il est toujours pertinent de se faire tester. Car une fois qu’on est porteur du VIH, on ne guérit pas, et si on interrompt son traitement, on redevient contagieux.
Notre dossier sur le sidaLe sida est toujours là. Il existe toujours. Ce n’est pas parce qu’on ne meurt plus de la maladie, qu’elle a disparu. D’ailleurs, vivre avec reste très difficile. C’est une infection chronique, avec un traitement à vie et des effets indésirables.
Enfin, il faut rappeler que la vigilance concerne tout le monde. Dans les années 1980 et 90, les usagers de drogue intraveineuse et les hommes homosexuels étaient les publics les plus touchés. Aujourd’hui, ils sont bien informés et la majorité des nouvelles contaminations concernent des hétérosexuels. Chacun doit se sentir concerné et adopter les bons réflexes de prévention.