SantéLa France en retard sur la prévention et le dépistage du cancer

Pourquoi la France est-elle tant en retard sur la prévention et le dépistage du cancer ?

SantéSelon un rapport publié ce lundi, la France prévient et dépiste moins bien le cancer qu’ailleurs en Europe
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Ce lundi, l’Organisation européenne du cancer (ECO) publie un rapport selon lequel la France est en retard sur ses voisins européens dans la prévention et le dépistage du cancer.
  • En cause : tabagisme excessif ou encore pénurie de soignants et déserts médicaux.
  • Dans ses préconisations, l’ECO vise une génération sans tabac d’ici à 2040.

Les résultats sont alarmants. Selon le rapport de l’Organisation européenne du cancer (ECO) publié ce lundi, la France accuse un gros retard dans la prévention et le dépistage du cancer.

En cause, nos (mauvaises) habitudes de vie, au premier rang desquelles figure la consommation excessive de tabac et d’alcool. Mais aussi le manque de soignants et les déserts médicaux, qui privent nombre de Françaises et de Français d’un accès à un dépistage précoce de la maladie.

Alcool et tabac en cause

Sur le terrain de la prévention défaillante, l’Hexagone pêche sur plusieurs tableaux. D’abord aux sources de la maladie : la France est ainsi « le deuxième pays où l’on fume le plus en Europe. Ce tabagisme excessif tue plus de 48.000 Français chaque année, soit jusqu’à 60 % de plus que dans d’autres pays européens », pointe le rapport. En comparaison avec nos voisins, « 25 % de la population française fume des cigarettes quotidiennement, contre 18 % en moyenne en Europe », poursuit l’ECO.

Autre mauvaise habitude des Français : une consommation excessive d’alcool, avec en moyenne 10,5 litres d’alcool par an et par habitant (de plus de 15 ans), contre 10 litres en moyenne en Europe, selon les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Loin devant les Norvégiens, dont la consommation moyenne est de 6,6 litres, les Italiens, qui boivent en moyenne 7,7 litres, ou encore les Belges, avec 9,2 litres.

Or, selon une étude du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) sur les cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France publié en 2018, 4 cancers sur 10 seraient évitables. Des cas de cancers dont les deux premières causes sont une consommation excessive de tabac et d’alcool, bien devant l’alimentation déséquilibrée ou la pollution atmosphérique, elles aussi responsables chaque année de nouveaux cas de cancer. Conséquence : l’incidence du cancer est plus élevée en France, avec 618,9 cas de cancer pour 100.000 habitants, que dans le reste de l’Europe, selon les chiffres du Système européen d’information sur le cancer (ECIS), contre 571,5 cas pour 100.000 personnes dans le reste de l’Europe. Autant de chiffres qui illustrent la défaillance de la France à prévenir le cancer.

Déserts médicaux et pénurie de personnel

Autres facteurs aggravants soulignés par le rapport de l’ECO : les déserts médicaux et la pénurie de soignants, qui prive une partie de la population d’un accès au dépistage précoce du cancer. Côté chiffres, la France compte ainsi « deux fois moins d’oncologues que la moyenne européenne : 1,52 oncologue pour 100.000 habitants, alors que la moyenne européenne est de 3,24, rappelle l’ECO. Et 858 infirmières pour 100.000 personnes, contre 879 en moyenne dans le reste de l’Europe. De telles pénuries mettent en grave danger la survie et la qualité de vie de tous les Français affectés par la maladie ».

Et non seulement l’Hexagone est sous-doté en soignants et praticiens, mais leur répartition sur le territoire est inégale. Résultat : à ce jour, « 30 % de la population française vit dans un désert médical, affectant particulièrement les zones rurales et les populations âgées ».

Conséquence de ces chiffres : un « dépistage insuffisant, déplore l’ECO. Le taux de dépistage du cancer colorectal en France n’est que de 34 %, bien loin des 80 % atteints ailleurs en Europe ». Et pour le cancer du sein, le taux de dépistage n’est que de « 46,9 % en France », contre « 54 % en moyenne dans le reste de l’Europe », indique le rapport.

Objectif : prévention des cancers évitables et dépistage précoce

Pour inverser la tendance, l’ECO a lancé le « Manifeste Européen contre le cancer », qui prévoit des mesures phares pour mieux prévenir la maladie. Un plan qui propose d’adopter « un âge minimum de 21 ans pour la vente de tabac, pour parvenir à une génération sans tabac d’ici 2040 ». Mais aussi de « taxer les nouveaux produits à base de tabac et de nicotine » et d’augmenter « les taux d’imposition sur les cigarettes et le tabac ». Et ainsi réduire les cas de cancer évitables liés au mode de vie.

Autre mesure permettant une meilleure prévention des cancers : la vaccination. A ce jour, en France, la couverture vaccinale contre le papillomavirus (HPV), responsable notamment du cancer du col de l’utérus, n’est que de 42 % chez les filles de 9 à 14 ans, bien loin des objectifs européens de 90 %. Une vaccination pourtant déterminante, puisque selon une étude publiée en 2023 dans la revue scientifique The Lancet Global Health, près d’un tiers des hommes dans le monde sont infectés par le HPV.

Dans l’Hexagone, la vaccination est aujourd’hui recommandée aux filles et aux garçons de plus de 11 ans. Un mode de prévention a fait ses preuves : l’Australie, où la couverture vaccinale contre le HPV est très élevée, est en passe de devenir le premier pays au monde à éradiquer le cancer du col de l’utérus.