Mais que sont devenus les antivax avec la fin de la crise du Covid-19 ?

La crise du Covid-19 est passée… Mais qu’est devenu le mouvement antivax ?

scepticisme en veilleLe mouvement des antivax est en sommeil avec le net recul de l’épidémie de Covid-19. Mais la méfiance vaccinale perdure, comme le montrent les campagnes contre la grippe ou le papillomavirus, dont les succès sont limités
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • La crise du Covid-19 a donné une visibilité inédite aux antivaccins, mais les catastrophes annoncées par leurs discours n’ont pas eu lieu, et ils sont désormais moins audibles.
  • Certaines méfiances persistent néanmoins, avec un impact sur la couverture vaccinale contre la grippe ou l’HPV.
  • Ces discours antivaccins s’activent surtout en temps de crise, chez des personnes en défiance vis-à-vis des institutions, et peuvent structurer des thèses conspirationnistes.

Le vaccin contre le Covid-19 entraînerait des effets secondaires dangereux. Pire, pour certains, il contiendrait une puce pour capter la 5G. Si les détracteurs des vaccins existent depuis le XIXe siècle, quand est né le vaccin contre la variole, ils ont eu une visibilité particulière pendant la crise du Covid-19, qui a surpris jusqu’à la communauté médicale. « On avait une pandémie tellement importante en matière d'effets sur la société que la communauté scientifique pensait, peut-être un peu naïvement, que l’adhésion vaccinale ne poserait pas de problème. Au contraire, on a assisté à une amplification de l’intérêt et de la médiatisation de ces thèses vaccino-sceptiques », se souvient Jocelyn Raude, chercheur en psychologie de la santé et maladies infectieuses à l’EHESP (Ecole des hautes études en santé publique), à Rennes.

Mais aujourd’hui, alors que la pandémie est derrière nous, qu’est devenu le mouvement antivax ? Est-il complètement en veille, ou continue-t-il de produire des effets ? 20 Minutes s’est posé la question.

« Les catastrophes annoncées n’ont pas eu lieu »

Depuis deux ans, donc, on les entend beaucoup moins. Même si le professeur Didier Raoult – ou d’autres émissaires de la cause antivaccin – font encore parler d’eux de temps en temps, ils n’imposent plus de débats forts dans la société. Il faut dire que les catastrophes annoncées n’ont pas eu lieu. « Il y a eu une déception par rapport aux attentes apocalyptiques prévues en lien avec le vaccin à ARN messager, commente Jocelyn Raude. Comme ils se sont révélés plutôt plus sûrs que les méthodes vaccinales traditionnelles, cela a coupé l’herbe sous le pied à ces critiques plutôt radicales ».

Selon les dernières données de Santé publique France, publiées le 22 avril 2024, l’adhésion à la vaccination progresse : « 84 % des personnes interrogées en France hexagonale déclarent être favorables à la vaccination en général, avec une tendance à la hausse de la proportion de personnes très favorables à la vaccination par rapport à 2022 ». Néanmoins, certaines couvertures vaccinales restent insuffisantes et elle a « tendance à diminuer chez les personnes âgées, en comparaison aux années précédentes », nuance l’Agence nationale de santé publique.

Des méfiances anciennes persistent

« On voit que la dernière campagne de rappel de la Covid-19 pour les plus de 65 ans n’est pas facile, note le professeur Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale au CHU de Bordeaux. Or, si on baisse la garde sur les questions de vaccination et de rappels, notamment chez les plus âgés, on aura encore pas mal de morts de la Covid-19 ».

Sur la grippe aussi, on peut penser que le discours antivaccin continue à produire des effets. « Plus de 60 % de la population âgée était vaccinée contre la grippe en 2008. À partir de 2009-2010, on a une explosion de la visibilité des hérauts de la cause vaccino-critique. La vaccination chute alors en dessous de 50 %, analyse Jocelyn Raude. Si elle remonte progressivement, mais on constate qu’en 2023/2024, les niveaux de couverture vaccinale sont encore en dessous de ceux de 2008. »

De nouvelles émergent…

Et ce n’est pas le seul exemple. Une campagne de vaccination contre le papillomavirus a commencé à la rentrée dans les collèges, pour les adolescents âgés de 11 à 14 ans. « Les critiques vaccinales ont du mal à porter sur la vaccination en général. Par contre, elles peuvent avoir des effets vaccin par vaccin, estime Jocelyn Raude. Et le HPV est la "tête de turc" des vaccino-sceptiques, qui ont déployé beaucoup de communication sur ce vaccin-là ».

Ce vaccin peine donc à convaincre les familles, et le bilan de cette campagne est au mieux mitigé. « Même si on n’a pas encore tous les chiffres, c’est plutôt décevant, à mon avis, estime Mathieu Molimard. La désinformation vaccinale continue à agir et c’est vraiment dommage. Ce vaccin prévient le cancer du col chez la femme et peut réduire le risque d’infections par les HPV, de l’anus et de la verge qui précèdent le cancer, avec un risque très faible, car il est utilisé depuis plus de quinze ans. »

Les spécialistes espèrent que l’exemple de l’Ecosse et de l’Australie, qui vaccinent leurs adolescents depuis dix ans et qui commencent à avoir des données claires sur la prévention des cancers concernés, permettra de convaincre du bien-fondé du vaccin HPV davantage de familles en France.

Des discours « activés » en temps de crise

Les antivaccins ont pour point commun une défiance envers les institutions et une certaine dépolitisation. « Ils se reconnaissent comme ni de gauche ni de droite ou peuvent avoir adopté la posture "tous les politiques sont pourris" », pointe Jocelyn Raude, en ajoutant qu’ils ont une proximité avec les « gilets jaunes ». Entre le « bien commun » d’une politique de santé publique et l’atteinte à leurs libertés individuelles, ils ont tranché. « On pense toujours qu’on va passer entre les mailles du filet, pointe le professeur Mathieu Molimard. Mais il faut comprendre que les risques de la vaccination sont toujours plus faibles que la maladie, d’autant que le rôle de la pharmacovigilance consiste justement à diminuer ces risques. On manque d’une éducation à la santé et à ses enjeux en France. »

Au côté d’un courant « médecine naturelle » et d’extrême droite identitaire, on trouvait, parmi ces opposants aux vaccins, des conspirationnistes, qui allaient jusqu’à croire que le vaccin contre le Covid-19 participait d’un plan pour anéantir une partie de l’humanité. « Progressivement, la question vaccinale est venue structurer les thèses conspirationnistes, ce qui n’était pas encore le cas il y a vingt ans », constate le chercheur en psychologie de la santé.

« Il y a chez l’être humain une aversion à l’incertitude, et cela favorise les discours de gens qui pensent avoir des explications finales du sujet, poursuit-il. Paradoxalement, cela peut calmer les angoisses de penser qu’il y a un scénario bien écrit, même s’il est très noir et un peu radical ». Et à chaque crise, le risque que ce type de discours « hétérodoxe » émerge et trouve une audience est accru.