Prendre trois semaines de vacances ferait perdre 20 points de QI ? Attention à cette affirmation
Fake Off•Invité dans l’émission « Quelle époque ! » sur France 2 samedi, le médecin Frédéric Saldmann a affirmé qu'« en trois semaines de vacances on perd 20 points de QI »Achille Dupas
L'essentiel
- Invité pour parler de son dernier livre dans l’émission Quelle époque ! sur France 2 samedi, le médecin Frédéric Saldmann affirmait qu'« en trois semaines de vacances on perd 20 points de quotient intellectuel ».
- Cette affirmation circule depuis plus d’une vingtaine d’années dans différents médias, mais l’étude de référence reste introuvable. Contacté, Frédéric Saldmann n’a pas apporté d’autres éléments précis pour appuyer cette affirmation.
- Pour le chercheur en sciences cognitives et directeur de recherche au CNRS Franck Ramus, une perte de 20 points de QI est trop importante pour être envisageable. Il est par ailleurs avéré que les vacances peuvent provoquer une baisse du niveau scolaire.
Invité à l’occasion de la sortie son nouveau livre Votre avenir sur ordonnance (paru aux éditions Laffont) samedi dans l’émission Quelle époque ! sur France 2, le médecin Frédéric Saldmann affirmait : « en trois semaines de vacances on perd 20 points de quotient intellectuel ».
Faisant la promotion du jeûne séquentiel, le cardiologue et nutritionniste est lancé par Léa Salamé : « […] sur l’intellectuel il y a plein de petits trucs il n’y a pas que le jeûne, il y a aussi ne jamais faire de grasse mat', et ne pas prendre trop de vacances ! Vous dites on devient débile au-delà de trois semaines de vacances, et je dois dire que vous avez raison. »
Le passage en question a provoqué de nombreuses réactions négatives ou moqueuses sur les réseaux sociaux. Le replay de l’émission est disponible sur le site de France Télévision (le passage en question se trouve vers 1h29).
A la recherche de l’article perdu
Contacté par 20 Minutes au sujet des sources sur lesquels il s’appuie pour affirmer que les vacances font perdre des points de QI, Frédéric Saldmann explique : « Je me basais sur une étude allemande, réalisée sur un groupe de 120 personnes entre 20 et 60 ans, qui ont passé un test avant et après les vacances. » Le médecin précise notamment que « la perte était plus importante chez les personnes de plus de 40 ans. »
Frédéric Saldmann indique le nom de la revue, de l’étude en question et ceux de ces auteurs : « ''The effect of vacation length on cognitive performance : A longitudinal study" Schwarzer, G., Schulz, R., & Gerst, M. (2009). Journal of Applied Psychology, 94 (2), 375-383. » Problème : aucune trace de cette étude sur Internet. Le numéro 94 du Journal of Applied Psychology, paru en 2009, existe bel et bien, mais ne contient aucun article de ce nom. Les pages 371 à 391 sont occupées par un autre article. Une recherche via le nom des chercheurs ne permet pas non plus de mettre le doigt sur la fameuse étude.
Une étude maintes fois citée, jamais sourcée
Par la suite, Frédéric Saldmann citera un autre chercheur, plus facilement identifiable : le psychologue allemand Siegfriend Lehrl (décédé en 2023). On trouve en effet sur Internet de nombreux articles de presse lui attribuant une étude démontrant que trois semaines de vacances pouvaient faire perdre 20 points de QI.
Toutefois, là encore, nous n’avons pas été en mesure de mettre la main sur l’article de recherche, dont on trouve des mentions au moins à partir de l’année 2000 dans des titres de presse. Dans un récent article, Libération identifie l’article en question (mentionné par Siegfriend Lehrl dans une autre publication) : une étude nommée « Die Talfahrt des IQ im Krankenhaus » (« La baisse du QI à l’hôpital »), publiée en 1984.
Cette étude est malheureusement elle-même introuvable en ligne. Contactée, l’université d’Erlangen-Nuremberg, dans laquelle Siegfriend Lehrl a réalisé la majorité de sa carrière universitaire, n’a pas été en mesure d’apporter plus d’éléments.
Une baisse de QI qui « paraît très peu plausible »
Pour le chercheur Franck Ramus, spécialisé en sciences cognitives et directeur de recherche au CNRS, une baisse de 20 points de QI à la suite de trois semaines de vacances « paraît très peu plausible » : « on sait que l’intelligence générale mesurée par les scores de QI est stable tout au long de la vie. Il y a une marge d’erreur : d’un test à l’autre ça peut fluctuer de quelques points, notamment à cause des conditions de passation. Mais une variation de 20 points je n’ai jamais vu ça, il faudrait une lésion cérébrale. »
Une baisse de niveau scolaire (différent du QI, donc) dû aux vacances est néanmoins possible, et documentée au niveau scientifique. « Chez les élèves lors des vacances d’été, les performances dans les tests baissent un petit peu, ils oublient une partie des matières. C’est un effet bien établi, qui représente un dixième d’écart type, qu’on pourrait comparer à 1,5 point de QI. Si tant est que cette baisse scolaire reflète une baisse d’intelligence », précise Franck Ramus.
Toutes les enquêtes de notre cellule « Fake Off »Une méta analyse publiée en 1996 concluait par exemple que « les résultats des tests de connaissances diminuent pendant les vacances d’été » et que « l’effet des vacances d’été a été plus préjudiciable pour les mathématiques que pour la lecture et plus préjudiciable pour le calcul et l’orthographe mathématiques ». Si ces écarts dans les performances scolaires sont bien établis, ils ne sont absolument pas définitifs. Ils sont aussi variables, notamment en fonction du milieu socioculturel de l’élève, et des activités dont il aura pu bénéficier durant ses vacances.