Hypertrophie bénigne de la prostate : « Les hommes ont peur de consulter, que Charles III en parle est très bien »
Interview•Le roi Charles III doit être opéré cette semaine d’une hypertrophie bénigne de la prostate
Propos recueillis par Anissa Boumediene
L'essentiel
- Buckingham Palace a annoncé l’opération cette semaine du roi Charles III pour une hypertrophie bénigne de la prostate.
- Il s’agit d’un grossissement de la prostate lié à l’âge, et qui peut nécessiter dans certains cas une opération chirurgicale.
- Quels sont les signes de l’hypertrophie de la prostate ? Quand faut-il consulter et quelle prise en charge existe-t-il ? Le Pr François Desgrandchamps, urologue et chef du service d’urologie à l’hôpital Saint-Louis à Paris, explique tout à « 20 Minutes ».
La nouvelle a surpris outre-Manche et bien au-delà. Le roi Charles III, 75 ans, doit être hospitalisé cette semaine en raison d’une hypertrophie bénigne de la prostate, a annoncé le palais de Buckingham. « Comme des milliers d’hommes chaque année, le roi a consulté pour une hypertrophie de la prostate. Ce dont est atteinte sa Majesté est bénin et il se rendra à l’hôpital pour une procédure correctrice », a annoncé le palais dans un bref communiqué.
Une annonce qui a engendré une explosion des recherches liées à cette pathologie sur Internet : plus 247 % au Royaume-Uni et plus 217 % à travers le monde ces derniers jours. Qu’est-ce que l’hypertrophie bénigne de la prostate ? Quels en sont les signes et est-ce grave ? « On peut très bien vivre avec une grosse prostate », rassure le Pr François Desgrandchamps, urologue, chef du service d’urologie de l’hôpital Saint-Louis à Paris et auteur de La prostate : on en parle ? (éd. Hachette), qui nous explique tout ce qu’il faut savoir à propos de cette petite glande.
Qu’est-ce que l’hypertrophie bénigne de la prostate, ou adénome de la prostate, et est-ce une maladie grave ?
C’est le fait d’une augmentation du volume de la prostate, liée au vieillissement de l’homme. La prostate grossit naturellement avec l’âge : 50 % des hommes de 50 ans ont une prostate trop grosse, 70 % des plus de 70 ans, etc. Et ce n’est pas une maladie d’avoir une grosse prostate, c’est juste un signe de vieillissement, c’est normal. Dans l’immense majorité des cas, la prostate est grosse, mais ne gêne pas.
On peut vivre sans problème avec une grosse prostate. C’est le cas de l’homme qui a la plus grosse prostate au monde : elle pèse 3,5 kg, c’est une tumeur bénigne, et le patient, un Espagnol, vit toujours avec parce que cela ne le gêne pas au quotidien.
L’hypertrophie de la prostate n’est pas une maladie grave, elle n’est pas associée au cancer et n’est pas une maladie précancéreuse.
Quand devient-elle problématique au point de devoir consulter ?
La maladie vient à partir du moment où on est gêné. Le tout premier signe, c’est de se lever la nuit mais ce n’est pas spécifique. A partir de deux levers la nuit, cela se précise, mais cela peut être dû à autre chose : on boit trop, on a un mauvais sommeil, mais cela peut être la prostate.
En principe, la miction dure une minute, elle est sans effort, avec un débit dru et fort, et elle s’arrête. En moyenne, on urine six fois par jour et une fois par nuit.
Le signe caractéristique d’un trouble prostatique, c’est la difficulté à la miction : un faible débit d’urine, que l’on se présente aux toilettes mais qu’il faut attendre un peu avant que cela vienne, le jet est faible et entrecoupé. Et quand on croit que c’est fini et qu’on se rhabille, il y a des gouttes retardataires. Donc à partir du moment où la miction dure plus d’une minute, qu’elle est difficile et qu’on urine plus souvent, cela peut être la prostate et il faut consulter.
Si le roi Charles III est hospitalisé, c’est a priori qu’il ressent cette gêne, voire plus ?
La première étape, c’est quand cela commence à affecter la qualité de vie, comme on vient de le décrire. L’étape d’après, c’est quand la vessie est bloquée de façon chronique, il peut se former des calculs dans la vessie.
Pour le roi Charles III, il pourrait s’agir d’un adénome compliqué, soit avec sonde dans la vessie ou avec formation de calculs dans la vessie. On ne peut pas savoir quel est son état, mais dans tous les cas, on guérit de l’hypertrophie de la prostate, il suffit d’enlever la partie qui est en excroissance, et tout rentre dans l’ordre.
Quels sont les traitements ?
On n’opère qu’un malade sur dix. Neuf fois sur dix, les médicaments et une modification du mode de vie suffisent à guérir les patients.
L’adénome de la prostate suit la corpulence de l’homme, c’est le syndrome métabolique : après 50 ans, les hommes prennent souvent du poids, notamment au niveau du ventre. Or, cette graisse abdominale est toxique, elle modifie les hormones du corps et augmente la taille de la prostate. Il a même été établi de manière scientifique un parallèle entre le tour de taille et la taille de la prostate. On prescrit donc aux hommes concernés, s’ils sont en surpoids, de pratiquer une activité physique pour perdre un peu de poids. La marche est très bénéfique : si l’on regarde la télévision plus de 10 heures par semaine, on a cinq fois plus de risques d’être traité pour un adénome de la prostate, lié au vieillissement mais aussi à la sédentarité.
Quels risques le roi Charles III court-il en subissant une intervention chirurgicale de la prostate ?
Il ne risque rien, ce n’est pas une opération lourde, elle est bénigne, cause très peu de saignements et ne nécessite qu’une courte hospitalisation de deux jours.
Il ne risque pas de séquelles d’incontinence urinaire ou de troubles érectiles. Simplement, il ne pourra plus avoir de descendance, parce que la chirurgie de l’adénome de la prostate a pour seule séquelle de provoquer une éjaculation rétrograde : le sperme est fabriqué au milieu de la prostate, et pour qu’il puisse sortir, il faut que la prostate se contracte de haut en bas, bloquant ainsi le passage entre l’intérieur de la prostate et la vessie. Si la prostate est élargie, le sperme part directement dans la vessie. Donc après l’intervention, il ne sortira plus durant l’orgasme. Mais les orgasmes et les érections sont préservés.
Les problèmes liés à la prostate sont tabous pour beaucoup d’hommes. Le fait que le roi Charles III en parle publiquement permet de libérer la parole…
C’est une très bonne chose ! Avant lui déjà, il y a eu François Hollande, qui n’a pas caché s’être fait opérer pour une hypertrophie de la prostate il y a quelques années.
Très souvent, ce qui touche à la prostate est péjoratif, les hommes se sentent diminués parce que pour eux, il s’agit de « maladies de vieux », qui entraînent incontinence et impuissance. En pratique, c’est souvent les femmes qui les poussent à consulter, eux sont donc très réticents, il y a une pudeur voire une grande frayeur : ils ont peur d’être opérés, d’avoir un cancer et de perdre leur virilité.
Donc le fait que le roi en parle est formidable, parce qu’en consultant précocement, on évite que les choses n’empirent : un homme sur deux qui a des problèmes de prostate a des difficultés d’érection, les deux sont liés. Et des médicaments tout comme une amélioration du mode de vie peuvent soigner les deux soucis à la fois. Donc c’est très bien d’en parler !