NutritionLe Nutri-Score nouvelle version, amélioration ou coup d’épée dans l’eau ?

Nutri-Score nouvelle version : Vraie amélioration ou coup d’épée dans l’eau ?

NutritionDepuis le 1er janvier 2024, une version revue et corrigée du Nutri-Score est mise en place
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Le Nutri-Score, système d’étiquetage nutritionnel existant depuis 2017 en France et cinq autres pays d’Europe, a vocation à aider les consommateurs à s’orienter vers les aliments les plus sains.
  • Mais depuis sa création, le Nutri-Score fait l’objet de critiques même parmi ses défenseurs.
  • Pour mieux coller aux recommandations nutritionnelles, une nouvelle version est en place depuis le début de l’année. Mais convaincra-t-elle ?

Il est toujours présent sur nos paquets de yaourts, biscuits et autres plats préparés, mais il n’est plus tout à fait pareil. Le mode de calcul du Nutri-Score, l’étiquetage nutritionnel appliqué en France et d’autres pays européens sur les emballages d’aliments depuis 2017, devient plus exigeant.

Depuis début janvier, ses pastilles, allant du vert au rouge et assorties des lettres de A à E, sont attribuées sur de nouveaux critères, moins favorables à de nombreux aliments ultratransformés. Une évolution plébiscitée au nom de la santé publique mais qui ne convainc toujours pas une partie de la communauté scientifique. Alors, ce Nutri-Score nouvelle version, révolution utile ou outil inefficace pour conseiller les consommateurs ?

Une vision « réductionniste »

Depuis sa création, le Nutri-Score fait l’objet de critiques, même parmi ses défenseurs, qui, sans remettre en cause son bien-fondé, pointent le caractère obsolète ou inadapté de certaines de ses recommandations. C’est pour rectifier le tir que les responsables ont révisé son algorithme de calcul, « afin de mieux coller aux recommandations nutritionnelles, comme le fait de consommer plus de fruits et légumes, ou moins de produits sucrés », explique Mathilde Touvier, épidémiologiste en nutrition à l’Inserm, directrice de l’équipe de recherche qui a inventé le Nutri-Score. Dans les rayons, les céréales Chocapic sont ainsi rétrogradées de A en C. Les boissons édulcorées, elles, passent de B à C. Un changement reflétant les conclusions de récents travaux qui ont suggéré que les édulcorants avaient « des effets délétères sur la santé », souligne Serge Hercberg, professeur de nutrition à l’université Sorbonne Paris Nord et concepteur du Nutri-Score.

Des modifications qui ne convainquent pas le Dr Anthony Fardet, auteur de Pourquoi tout compliquer ? Bien manger est si simple (éd. Thierry Souccar), chercheur en alimentation préventive, durable et holistique, et spécialiste européen des aliments ultratransformés. « Je suis contre le Nutri-Score -et plus généralement contre les scores de composition- comme outils pour les consommateurs, pour des raisons scientifiques : ces scores sont inadaptés, parce qu’ils ne considèrent l'aliment que comme un groupe de quelques nutriments. Ce système est basé sur l’idée communiquée aux consommateurs qu’un aliment sain serait équilibré sur le plan nutritionnel, or aucun aliment n’est équilibré à lui seul, à part le lait maternel. C’est bien pour cela qu’on recommande aux gens de manger varié ».

Pour le chercheur, le problème majeur du Nutri-Score est qu’il « ne prend pas en compte le degré de transformation des aliments, or c’est un facteur bien plus important pour la santé : la consommation fréquente d’aliments ultratransformés est associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires, d’obésité et de cancer, insiste-t-il. Or, le Nutri-Score donne de bonnes notes à de tels produits, à l’instar de nombreux steaks végétaux, notés A ou B, et qui ne contiennent plus un seul vrai ingrédient tellement ils sont ultratransformés. Ils ont pourtant la même note que des galettes végétales composées d’ingrédients nobles. Cela ne fait qu’induire le consommateur en erreur, parce que l’approche scientifique qui a donné lieu au Nutri-Score est la même que celle de l’industrie de l’ultratransformation : une vision réductionniste qui n’aborde l’aliment que comme une somme de nutriments. Résultat : plus de la moitié des aliments industriels notés A ou B au Nutri-Score sont ultratransformés ».

L’importance du degré de transformation

Alors, comment aider les consommateurs à reconnaître les aliments les meilleurs pour leur santé ? « C’est simple, un aliment sain est le moins transformé possible, rappelle Anthony Fardet. Donc il faut orienter le consommateur non pas vers le Nutri-Score et la table de composition qui indique le nombre de calories d’un produit et sa teneur en sucre, gras et sel, mais vers la liste des ingrédients, qui est le meilleur indicateur du véritable potentiel santé de l’aliment. Il faudrait que la liste des ingrédients soit écrite en gros, sur le devant des emballages, avec un score qui rende compte du degré de transformation. Parce que deux aliments peuvent avoir la même composition mais pas la même structure, et avoir pourtant le même Nutri-Score, alors qu’ils n’ont pas les mêmes effets physiologiques, métaboliques et bienfaits sur la santé à long terme ».

Besoin d’une illustration ? Prenez les galettes de riz, snack noté A et plébiscité par beaucoup de personnes persuadées que c’est un encas sain. « Elles n’ont plus rien à voir avec la céréale de base : elles sont élaborées par cuisson extrusion, où le riz est chauffé à haute température et soufflé, de sorte que sa matrice originelle est tellement dégradée qu’il est transformé en produit à indice glycémique élevé : c’est plus proche du sucre au niveau métabolique que d’un féculent », décrit le chercheur.

De meilleurs conseils possibles

Annabelle, mère de famille de 34 ans, ne s’y retrouve pas avec le Nutri-Score : « Je cuisine beaucoup, je mange bio et je fais la chasse aux additifs chimiques aux effets cancérogènes et perturbateurs endocriniens. Quand je m’autorise une mousse au chocolat, ce qui m’intéresse ce n’est pas de savoir qu’elle est notée E au Nutri-Score parce qu’elle est trop grasse et sucrée, je m’en doute bien, mais de savoir qu’elle contient du vrai beurre, de vrais œufs et du vrai chocolat, et qu’elle n’est pas bourrée de cochonneries chimiques. Et pour ça, le Nutri-Score ne m’est d’aucune utilité ».

Existe-t-il un score idéal prenant en compte ces facteurs ? « Il a existé, répond Anthony Fardet, c’est le SIGA, un score qui prend en compte le degré de transformation des aliments, donc la présence de composés cosmétiques ultratransformés [dont les additifs chimiques]. Et qui prend en compte non pas les sucres et acides gras totaux, mais ceux qui sont ajoutés. Le score SIGA préconise d’opter en premier choix pour des aliments vrais, bruts, comme les fruits et légumes, et de favoriser les aliments peu transformés. Dans cette optique, pour le goûter, alors qu’un fruit sec comme l’abricot est cinq fois plus sucré qu’un soda, il vaut mieux le privilégier à une canette de soda, qui est un aliment ultratransformé, liquide, avec des sucres ajoutés, et associé à un risque accru de diabète. On en revient à l’importance de se focaliser sur la liste des ingrédients, martèle le Dr Fardet, sur des méthodes holistiques vertueuses, bonnes pour la santé et pour la planète ».