Pourquoi une séquence de Slam sur la réflexologie plantaire fait polémique

Pourquoi une séquence de « Slam » sur la réflexologie plantaire fait polémique

Fake OffSur X, un internaute a critiqué un extrait viral du jeu de France 3, qui évoque la réflexologie plantaire sans recul scientifique
Emilie Jehanno

Emilie Jehanno

L'essentiel

  • La vidéo a été vue 1,4 million de fois. Le 2 janvier, une participante au jeu « Slam » répond aux questions très enthousiastes de Cyril Féraud sur son activité de réflexologue plantaire.
  • Dans un thread viral, un internaute dénonce de la « publicité pour une pratique pseudo-médicale totalement inefficace, avec une figure d’autorité […] qui leur dit que c’est mieux que les médicaments ».
  • Deux spécialistes confirment à 20 Minutes que les études ont échoué à prouver l’efficacité de cette pratique alternative.

Cette fois, ce n’est pas sur une grille de mots fléchés que le débat a eu lieu, mais sur une pratique alternative. Une séquence du populaire jeu télévisé « Slam », diffusée sur France 3, est devenue virale sur X, dans un extrait vu 1,4 million de fois. Le 2 janvier, une participante au jeu répond aux questions de Cyril Féraud sur son métier : elle est réflexologue plantaire. L’animateur se dit passionné et pose plusieurs questions. Il demande si plutôt que de « se bourrer de médicaments, il suffirait d’appuyer sur des zones précises du pied » pour soulager ses douleurs. La réflexologue répond par l’affirmative, alors que les spectateurs applaudissent.

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Un internaute, qui indique dans son thread avoir signalé la séquence au gendarme de l’audiovisuel, l’Arcom, dénonce de la « publicité pour une pratique pseudo-médicale totalement inefficace, avec une figure d’autorité […] qui leur dit que c’est mieux que les médicaments ». Avec à l’appui, un extrait de la page Wikipédia sur la réflexologie, qui explique que « l’idée qu’il existerait des voies réflexes entre une aire donnée du pied, de la main ou de l’oreille et un organe particulier est une croyance sans fondement biologique ». Une justification insuffisante pour certains commentateurs sous sa publication.

« Pas de bases sérieuses »

Pour en avoir le cœur net, nous avons contacté deux spécialistes, qui nous confirment que les études ont échoué à prouver l’efficacité de cette pratique alternative. La réflexologie fait partie des 400 pratiques de soins non conventionnelles recensées par l’Organisation mondiale de la santé. « La réflexologie plantaire ne repose pas sur des bases sérieuses, indique Bruno Falissard, directeur du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (Cesp), et qui travaille sur l’évaluation des soins non conventionnels. Il n’y a rien de crédible dans ce soin. Mais est-ce que cela peut aider certaines personnes ? Pourquoi pas, bien sûr. Mais c’est une autre histoire… »

Plusieurs études ont échoué à montrer l’efficacité de la réflexologie plantaire, comme l’a recensé Edzard Ernst en 2009 dans une méta-analyse. Le professeur honoraire à l’université d’Exeter, spécialiste de l’évaluation des médecines alternatives dont l’homéopathie, a conclu que les essais contrôlés randomisés n’apportaient pas de preuves suffisantes. « Les meilleures preuves cliniques ne démontrent pas de manière convaincante que la réflexologie est un traitement efficace quelle que soit la condition médicale », a-t-il écrit en 2011, avec deux autres collègues dans Maturitas, une revue scientifique recommandable, d’après la liste des revues présumées non prédatrices de la faculté de médecine de Sorbonne-Université.

Des signaux d’alerte

« Les études menées ont montré que les conditions méthodologiques dans lesquelles elles avaient été faites ne permettaient pas de distinguer l’effet placebo et l’effet propre, ou que la taille de l’effet [la mesure de l’évolution du symptôme lors d’un traitement] était trop faible pour dire que c’était lié à la technique », complète Nicolas Pinsault, vice-président du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes (Cnom) et professeur des universités à Grenoble.

Dans un livre qu’il a coécrit en 2014 sur les thérapies manuelles, le kinésithérapeute donne des outils méthodologiques pour distinguer science et pseudoscience. « Sur la réflexologie, il y a plusieurs signaux d’alerte », nous explique-t-il. Premièrement, une découverte faite par un seul individu « de manière épiphanique, note-t-il, c’est souvent mauvais signe pour la technique ». Ici, c’est Fitzgerald, un médecin ORL aux Etats-Unis qui a écrit un livre sur les zones thérapies au début du XXe siècle.

« Depuis un siècle, la théorie sur la réflexologie plantaire n’a pas bougé, ajoute-t-il. Ça aussi, c’est mauvais signe, puisque en sciences les choses évoluent. » Enfin, « tous les essais ont échoué à montrer qu’il y avait quelque chose d’autre que le placebo, poursuit Nicolas Pinsault. On ne peut jamais fermer définitivement la porte en sciences, mais, là, la théorie sous-jacente n’est pas bonne puisqu’elle n’a jamais été démontrée. » Cette base « jamais démontrée » explique aussi qu’il n’y a pas beaucoup d’études qui ont été réalisées pour tester la technique.

En France, la pratique de la réflexologie est libre et non réglementée. « Vu que tout le monde peut pratiquer sans avoir de formation médicale préalable, ça crée un risque supplémentaire », détaille le kinésithérapeute. Le principal étant de passer à côté d’une maladie grave si le patient va consulter un réflexologue plutôt qu’un médecin « avec un retard de diagnostic et potentiellement une perte de chance ».

Une séquence « problématique »

Le commentaire enthousiaste de Cyril Féraud sur la réflexologie plantaire a suscité une réaction différente de la part des experts. « Est-ce que l’on prend trop de médicaments pour des troubles fonctionnels assez fréquents ?, interroge Bruno Falissard. En pratique, la réponse est sûrement oui. » Il souligne que c’est alors plutôt « un problème systémique » puisque les patients peuvent avoir l’impression de ne pas avoir été pris au sérieux si des médicaments n’ont pas été prescrits.

Mais pour Nicolas Pinsault, cette séquence est « problématique » en ce qu’elle oppose médecine conventionnelle et une technique dont l’efficacité n’a pas été prouvée. « A priori, si un médecin a considéré qu’un traitement médicamenteux était nécessaire pour traiter une pathologie, il y a peu de chances que la réflexologie puisse faire quelque chose pour cette pathologie », souligne-t-il. Il regrette aussi les relances faites par le présentateur, qui accrédite la thèse défendue sans contrefeu critique.

Nous avons sollicité l’agence de presse de Cyril Féraud pour une réaction, mais n’avons pas eu de retour pour l’heure.