Nice : L’annonce par Christian Estrosi de la création d’un méga hôpital fait monter la fièvre
CODE BLEU•Le maire promet la création, d’ici à 2023 et pour près de 600 millions d’euros, d’un complexe de 125.000 m2 regroupant à l’ouest de la ville plusieurs structures qui disent ne pas avoir été concertées
Fabien Binacchi
L'essentiel
- L’annonce d’un projet de méga hôpital promis par Christian Estrosi dans la plaine du Var, dans l’ouest de Nice, d’ici à 2032, et regroupant plusieurs structures existantes, a pris tout le monde de court.
- Le Centre de lutte contre le cancer Antoine-Lacassagne et la fondation Lenval assurent que « le principe d’un tel regroupement […] n’a pas encore donné lieu à un travail préparatoire et de réflexion autour d’un programme commun ».
- Selon la CGT, il n’est pas non plus « envisageable que les seuls pôles de santé publics soient situés aux extrémités de Nice : à l’est et à l’ouest ».
Déclaration précipitée ? Sans concertation ? Dévoilée mardi sur le site de Nice-Matin, l’annonce d’un projet de méga hôpital promis par Christian Estrosi dans la plaine du Var d’ici à 2032, et regroupant plusieurs structures existantes, a pris tout le monde de court. Les syndicats. Et surtout les principaux intéressés. Les établissements, privés, qui ont appris avec « beaucoup d’étonnement » leur prochain déménagement.
Dans un communiqué commun, diffusé ce jeudi matin, le Centre de lutte contre le cancer Antoine-Lacassagne et la fondation Lenval assurent que si « le principe d’un tel regroupement a effectivement déjà été évoqué », il « n’a pas encore donné lieu à un travail préparatoire et de réflexion autour d’un programme commun ».
Sur l’emprise du quartier le plus pauvre de France ?
Dans l’article du quotidien régional, le maire assure pourtant, sans utiliser le conditionnel, que « ce pôle santé rassemblera » bien leurs activités, en totalité ou en partie, avec celles des sites des hôpitaux du CHU de Nice l’Archet et de Cimiez. Le site est même identifié : « il s’agit de celui sur lequel se trouve la résidence Nicéa [le quartier le plus pauvre de France selon la Fondation abbé Pierre, qui se retrouverait ainsi rasé], propriété de Côte d’Azur Habitat et que gère le bailleur social Adoma », indique l’édile, qui y projette un ensemble de bâtiments pour un total de 125.000 m2.
« Le cahier des charges sera finalisé d’ici la fin de l’année pour pouvoir lancer, dès janvier 2024, l’appel d’offres pour l’assistance à maîtrise d’ouvrage », détaille même Christian Estrosi. Le budget, de 500 à 600 millions d’euros, serait lui aussi arrêté. Une paille dont le « financement demeure » pourtant, « à date, encore très incertain », soulignent de leur côté le centre Antoine-Lacassagne et la fondation Lenval.
« Concertation, coordination et respect de l’autonomie de chacun »
Les deux structures rappellent qu’elles sont des « établissements de santé privés d’intérêt collectif, dont la gouvernance est assurée par un Conseil d’administration indépendant et une direction générale ». Et, qu’à ce titre, « toute décision concernant la localisation de leurs activités, leur devenir et leur périmètre, ainsi que les investissements nécessaires relèvent de ces instances ».
« Les réflexions préalables à un tel projet devront être conduites à l’aune de ces principes et ne pourront s’envisager que dans le cadre d’une concertation, d’une coordination, d’un respect de l’identité et de l’autonomie de chacun », appuient-elles également, histoire de remettre franchement les barres sur les « t » et les points sur les « i ».
Selon l’entourage du maire, sollicité par 20 Minutes, la municipalité n’avait pas prévu de communiquer aussi tôt sur le sujet et de cette manière. Mais l’information serait arrivée jusqu’aux oreilles des journalistes de Nice-Matin à qui Christian Estrosi a fini par détailler le projet. Avec un certain aplomb. « La sismicité de l’Archet est loin d’être exemplaire, Cimiez a besoin d’un nouvel élan, Lacassagne est à l’étroit », a-t-il justifié, assurant « travailler » sur ce projet « depuis 2008 », année de son élection à la tête de la cinquième ville de France.
Une opération de « diversion » ?
Le député LR Éric Ciotti, lui, aurait une toute explication à ce qui relève, selon lui, d’une opération de « communication ». Voire de « diversion », alors que « la mairie de Nice donne l’impression d’être un navire sans capitaine, sans cap, qui prend l’eau de toute part », tançait, ce jeudi matin sur le plateau de BFM Nice Côte d’Azur, le parlementaire qui ne cache pas ses ambitions pour les prochaines municipales.
« On est dans une annonce non préparée, non réfléchie, non financée qui traduit un petit vent de panique », a-t-il appuyé, avant de dénoncer la gestion par la métropole niçoise, également dirigée par Christian Estrosi, des travaux de reconstruction des vallées des Alpes-Maritimes, post-tempête Alex. Un document, révélé par Mediapart, pourrait faire croire que la collectivité aurait elle-même décidé de ralentir la cadence de ces chantiers pour obtenir des crédits de l’Etat.
Une autre histoire, en tout cas bien éloignée de celle d’un super hôpital, qui regrouperait plusieurs structures, actuellement étalées dans la ville, et qui ne ravit déjà pas la CGT. « Il n’est pas envisageable que les seuls pôles de santé publics soient situés aux extrémités de Nice : à l’est [avec le CHU Pasteur] et à l’ouest », se crispe le secrétaire général du syndicat, Stéphane Gauberti, dans les colonnes du quotidien régional. La ville promet d’en dire davantage sur le projet dans la journée.