Un père médecin pharmacologue et son fils initié au chamanisme renouent le dialogue
Rencontre•Arthur Laurent et son père, Stéphane Laurent, ont confronté pour « 20 Minutes » deux visions de la médecineEmilie Jehanno
L'essentiel
- A la manière du Moine et du philosophe, Arthur Laurent et son père, Stéphane Laurent, débattent des pratiques de guérison dans Le chamane et le médecin.
- Pour 20 Minutes, ils reviennent sur le chemin de cette conversation.
L’un a été initié au chamanisme au Pérou, l’autre est médecin cardiologue et professeur émérite de pharmacologie à l’université Paris-Cité. Arthur Laurent et son père, Stéphane Laurent, ont confronté pour 20 Minutes deux visions de la médecine. Dans Le Chamane et le médecin, paru en septembre aux éditions Odile Jacob, le père et le fils débattent des pratiques de guérison. Avec en commun leur passion des plantes, ils renouent le dialogue dans la lignée du Moine et du philosophe, écrit par Matthieu Ricard et Jean-François Revel.
Quelles sont les différences entre les deux médecines ? La médecine conventionnelle soigne avec des médicaments, de la chirurgie, etc., et « suit des recommandations, avec chacune leur niveau d’évidence, leur niveau de preuve, rappelle Stéphane Laurent. Ça s’appelle le gold standard de la méthodologie », qui cherche à montrer la preuve statistique de l’efficacité d’un traitement.
La médecine traditionnelle se situe d’abord dans un lieu, la forêt amazonienne, souligne Arthur Laurent, et sur une période plus ou moins longue, soigne par les plantes, ce qu’il appelle « l’esprit des plantes ». Le docteur en sciences sociales étudie depuis quinze ans à la médecine chamanique auprès des Shipibo, un peuple autochtone d’Amazonie, mais il a aussi participé à une cérémonie chamanique au Mexique.
L’ayahuasca, interdit en France depuis 2005
Au cœur des pratiques chamaniques, il y a la prise de l’ayahuasca, un breuvage à base d’une liane, considéré comme une drogue et interdit en France depuis 2005 en raison des risques de neurotoxicité et d’addiction. Dans la médecine chamanique, ce n’est pas un médicament comme on pourrait le penser un peu vite, le breuvage fait entrer le chaman dans un état modifié de conscience et, avec les chants créés lors de la cérémonie, permet « d’obtenir des informations précises de diagnostic de la maladie du patient », détaille Arthur Laurent.
Les deux insistent sur le fait que cette décoction est interdite en France. Dans la médecine Shipibo, l’ayahuasca est « une plante parmi des centaines », il est « inconcevable de pouvoir utiliser ce breuvage hors d’un contexte de guidance par un spécialiste », ajoute Arthur Laurent, qui a déjà fait les frais d’une mauvaise expérience.
« Des frictions au début de l’écriture »
Si le lien n’a jamais été rompu, le dialogue entre le père et le fils, et deux visions de la médecine, était loin d’être évident. « Il y a eu des frictions au début de l’écriture du livre parce qu’il a fallu comprendre comment chacun pensait », relate le médecin. Mais tous deux habité par le même désir de soigner ont voulu dialoguer et « chercher à se comprendre ».
« Sur un plan personnel, Arthur est parti outre-Atlantique pendant des années, il s’est éloigné intellectuellement, poursuit le pharmacologue. J’avais besoin d’aller rechercher un lien avec lui. Et je pense que cette discussion, ce livre, ça nous a redonné du lien. » Après avoir fait face à une levée de boucliers de ses proches, Arthur Laurent estime qu’il a changé d’approche « pour arriver à quelque chose de plus personnel, moins dans le grand débat d’idées à la française, mais plutôt dans le vécu, de dire à quel point cette médecine m’a aidé ». Le temps aidant, la conversation a pu se nouer.