Pourquoi le manganèse est essentiel pour la santé, mais toxique à très haute dose
OLIGO-élément•A Saint-André-de-Sangonis, la teneur en manganèse est trop forte dans l’eau du robinet, et la population est invitée à ne pas la boireNicolas Bonzom
L'essentiel
- Dans le village de Saint-André-de-Sangonis, la teneur en manganèse est trop forte dans le réseau d’eau potable. La préfecture et l’Agence régionale de santé déconseillent fortement à la population de boire de l’eau du robinet.
- 20 Minutes vous explique ce qu’est le manganèse, un élément présent partout dans l’environnement, essentiel pour l’organisme, mais toxique à haute dose.
- En cas d’absorption de très grandes quantités de manganèse, on risque, notamment, de développer des troubles neurologiques.
A Saint-André-de-Sangonis (Hérault), il est recommandé aux habitants de ne pas boire l’eau du robinet. Cette mesure, imposée depuis le 13 septembre dernier aux enfants et aux nourrissons de moins de 4 ans, a été étendue, mercredi, par précaution, aux quelque 6.000 habitants de ce village, à l’ouest de Montpellier. Car dans les canalisations de Saint-André-de-Sangonis, coule, plus qu’ailleurs, du manganèse. Beaucoup trop de manganèse.
Les teneurs dans l’eau distribuée dans cette commune sont au-delà de la valeur maximale admissible fixée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), c’est-à-dire 60 microgrammes par litre (ug/l) pour les enfants de 0 à 3 ans inclus, et 300 ug/l pour la population générale. Les analyses, effectuées le 12 octobre dernier, font état à Saint-André-de-Sangonis d’une teneur en manganèse de 55 ug/l à la sortie du réservoir d’eau, et entre moins de 10 ug/l et 1.017 ug/l dans le réseau de distribution. « Ces résultats confirment le caractère très fluctuant des teneurs en manganèse observées dans l’eau distribuée sur ce réseau, et nécessitent la prise de mesures de précaution renforcées », indiquait la préfecture, mercredi. Mais pourquoi les autorités craignent-elles tant les concentrations de manganèse ?
Le manganèse est un « élément de la croûte terrestre, comme le cuivre, le fer, etc. », explique à 20 Minutes Jacques Gardon, médecin épidémiologiste, chercheur à l’IRD (Institut de recherche pour le développement) et directeur adjoint du laboratoire Hydrosciences, à Montpellier. Cet oligo-élément est présent partout, naturellement. Dans la roche, le sol, l’air, l’eau… C’est l’un des minéraux les plus abondants, dans l’environnement. Sur nos tables, on le retrouve tout particulièrement dans les moules, les noisettes, les flocons d’avoine, l’ananas ou le thé. Mais pas de panique : le manganèse est essentiel pour l’organisme. « Le manganèse fait partie des rares éléments qui sont, à la fois, essentiels, et potentiellement toxiques », à très haute dose, indique le chercheur.
Des risques neurologiques en cas d’absorption de très grandes quantités
Le manganèse est particulièrement nécessaire au métabolisme des acides aminés, des lipides et des glucides, et favoriserait même la formation osseuse. Mais lorsque le corps en ingurgite beaucoup trop, cela peut être néfaste pour la santé. Au-dessus de 400 ug/l, détaille le chercheur montpelliérain. Une telle quantité élevée de manganèse peut notamment entraîner, selon certains articles scientifiques qui ont documenté ses effets, des troubles, chez les jeunes enfants, « sur leur développement intellectuel ou sur leur attention à l’école », en particulier, explique le directeur adjoint d’Hydrosciences.
Si les plus petits sont plus sensibles que les autres, c’est parce qu’ils sont susceptibles de consommer « plus d’eau proportionnellement à leur poids », et qu’ils l’éliminent « moins facilement, indiquait l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, le 13 octobre.
« Les nourrissons représentent la population la plus à risque, en particulier s’ils sont alimentés exclusivement au biberon à partir de préparations commerciales reconstituées avec de l’eau du robinet présentant des concentrations élevées en manganèse », détaillaient les autorités sanitaires. Et quand les teneurs dépassent très, très largement les seuils recommandés ? « Lorsque les valeurs sont très, très élevées, des valeurs que l’on ne retrouve généralement pas dans l’eau mais dans des atmosphères minières contaminées, elles peuvent provoquer des troubles neurologiques importants », souligne Jacques Gardon. Même chez les adultes. Mais là, on ne compte plus les teneurs en manganèse en microgrammes par litre, mais en milligrammes par litre (mg/l). Soit bien plus hautes que les quantités observées, jusqu’ici, dans les canalisations, à Saint-André-de-Sangonis.
Les niveaux bas de la nappe alluviale pourraient être en cause
Mais pourquoi, dans ce village de la vallée de l’Hérault, les concentrations de l’eau en manganèse sont-elles plus importantes qu’ailleurs ? Selon l’ARS, « les niveaux très bas de la nappe alluviale exploitée par le puits de Saint-André-de-Sangonis pourraient expliquer une augmentation du manganèse dans l’eau prélevée. Le manganèse réagit avec le chlore utilisé pour rendre l’eau potable. Cette réaction forme des dépôts dans les canalisations, qui correspondent aux dépôts colorés que les consommateurs peuvent observer dans l’eau du robinet sur ce réseau. » Et la station d’eau potable du coin n’est pas capable, pour l’instant, de traiter de telles concentrations en manganèse.
NOTRE DOSSIER SUR L'EAU« Plusieurs solutions sont possibles, évoquaient les services de l’ARS, le 13 octobre. La mise en place d’un traitement notamment, constitué d’un filtre permettrait de retenir ces dépôts. L’ARS accompagne le producteur d’eau pour qu’un plan d’action soit déployé à l’échéance du 1er novembre, visant à la fois à déterminer l’origine des teneurs élevées en manganèse et à proposer des modalités adaptées pour rétablir la qualité de l’eau distribuée aux consommateurs. » En attendant, des contrôles de l’eau sont réalisés régulièrement, dans ce village de l’Hérault. Et des bouteilles d’eau minérale sont distribuées, du lundi au vendredi, de 13 heures à 19 heures, à l’Alternateur.