Atteinte d’encéphalomyélite myalgique, Laëtitia vit « un enfer » dans son « corps de centenaire »
Témoignage•Un rassemblement national a lieu ce samedi à Rennes pour informer sur cette maladie dévastatrice mais méconnue qui toucherait à des degrés divers plusieurs centaines de milliers de FrançaisJérôme Gicquel
L'essentiel
- Maladie neurologique invalidante, l’encéphalomyélite myalgique reste encore très méconnue en France.
- Atteinte de cette maladie, qui touche à des degrés divers plusieurs dizaines de milliers de personnes en France, Laëtitia Kerlo a accepté de raconter son quotidien à 20 Minutes.
- Un rassemblement national pour faire connaître et rendre visible l’encéphalomyélite myalgique a lieu ce samedi après-midi à Rennes.
Elle s’excuse d’emblée de nous recevoir en pyjama dans son lit, son unique « espace de vie » aujourd’hui. Une vie de recluse entre les quatre murs d’une chambre, à l’abri de la lumière et des bruits qu’elle ne supporte plus. « Je ne sors que deux fois par an de chez moi et uniquement pour me rendre à l’hôpital », raconte Laëtitia Kerlo. Cela fait près de cinq ans que le destin de cette mère de famille de 47 ans habitant dans l’agglomération rennaise a basculé. Le 1er février 2019 précisément. Pleine de vie, elle était alors enseignante en classe de CP dans une école à Rennes. Alors que le week-end démarrait, une sévère grippe est venue la clouer au lit. « Je ne suis plus jamais relevée depuis et je n’ai plus jamais revu mes élèves », confie-t-elle en essuyant quelques larmes.
Pendant un an, des médecins ont essayé de comprendre le mal qui la rongeait. En vain. « L’un d’entre eux m’a même dit que j’inventais mes symptômes », se souvient Laëtitia. Ce n’est finalement qu’en 2020 qu’un spécialiste du CHU d’Angers lui a diagnostiqué sa maladie, l’encéphalomyélite myalgique. Une maladie neurologique reconnue depuis 1969 par l’Organisation mondiale de la santé mais qui reste encore méconnue en France où elle toucherait pourtant à des degrés divers plusieurs dizaines voire centaines de milliers de personnes. « On a longtemps appelé ça syndrome de fatigue chronique, explique la quadragénaire. Mais ce n’est pas de la fatigue dont je souffre mais d’un épuisement généralisé du corps. »
Une croix sur sa vie professionnelle, familiale et sociale
Au quotidien, la vie de cette mère de famille ressemble en effet à « un enfer » dont elle ne voit « pas le bout du tunnel. » Chaque geste anodin comme se préparer un café, se brosser les dents et même parler lui demande un effort surhumain, l’obligeant ensuite à se reposer. « Je dois écouter mon corps et fractionner chaque activité », détaille-t-elle. De sa vie d’avant, il ne reste plus grand-chose hormis l’amour que lui portent son fils et son mari « qui s’occupe d’absolument de tout et n’a plus de loisirs ». Reconnue en tant qu’invalide de catégorie 2, elle a bien sûr tiré un trait sur son métier qu’elle aimait tant. Peinant à se déplacer dans son « corps de centenaire », elle a également renoncé à toute activité extérieure. « J’ai réussi à aller une fois sur ma terrasse cet été, un vrai exploit, sourit-elle. Pour le reste, mon mari et mon fils partent seuls en vacances et moi je reste ici. »
Le plus dur à supporter pour cette mère de famille est de ne pas pouvoir s’occuper de son fils de dix ans. « Il me raconte sa journée d’école mais je ne peux pas l’aider à faire ses devoirs ni jouer avec lui, c’est injuste », souffle-t-elle. Sournoise et complexe, sa maladie a également réduit en miettes sa vie sociale. « J’ai perdu contact avec une grande majorité de ma famille et de mes amis, indique Laëtitia. J’ai essayé de leur expliquer mais ils ne comprennent pas ce dont je souffre. Et je ne peux pas faire ce travail à leur place. »
Il n’existe aucun traitement pour soigner la maladie
Chaque jour, elle reçoit tout de même la visite d’une personne du service d’entraide fraternelle de la commune où elle réside. « C’est une grande souffrance de ne voir personne, on a besoin de contacts humains pour se sentir vivant », assure-t-elle. Pour le reste, et quand son corps lui laisse un peu de répit, Laëtitia essaye de dessiner et de griffonner quelques grilles de jeux de logique dans son lit.
Aux côtés de l’association Millions Missing France qui organise ce samedi après-midi un rassemblement national, elle se bat également pour faire connaître et rendre visible l’encéphalomyélite myalgique, l’EM comme ils l’appellent entre eux. « Il faut que la France avance sur cette maladie avec une vraie ligne directrice car rien n’est fait pour les malades », déplore Laëtitia, rappelant qu’il n’existe à ce jour aucun traitement dans le monde pour soigner, ou du moins atténuer la maladie. « Je ne sais pas si je guérirais un jour. Ou alors si, peut-être un jour, mais je serai alors vieille », lâche-t-elle fataliste.