Cas de botulisme à Bordeaux : Comment « l’antidote », sous contrôle de l’armée, est mis à disposition des hôpitaux
bioterrorisme•Le stock de cet antidote au botulisme, utilisé lors de l’intoxication collective de Bordeaux, étant sous supervision de l’armée, le protocole pour le rendre accessible se fait au cas par cas, sous l’égide de Santé Publique FranceElsa Provenzano
L'essentiel
- L’administration de l’antitoxine botulique, qui permet de raccourcir le temps d’hospitalisation des personnes intoxiquées au botulisme, comme à Bordeaux au début du mois, est très réglementée.
- Comme elle est considérée comme une potentielle arme biologique, le stock de son antidote est sous surveillance de l’armée et géré par l’établissement pharmaceutique de Santé publique France, pour le compte de l’Etat.
- Elle ne dispose pas d’autorisation de mise sur le marché mais peut au cas par cas être mobilisée, dans un délai de douze heures, grâce à un protocole particulier.
Une quinzaine de cas de botulisme, dont un décès, ont été recensés en lien avec la consommation, entre le 4 et 10 septembre, de sardines en boîte mal stérilisées, dans le restaurant « Tchin Tchin Wine bar », à Bordeaux. On dispose de peu d’outils de lutte contre cette intoxication rarissime qui génère en moyenne 15 à 20 cas par an, en France. L’antitoxine botulique peut « permettre de raccourcir le temps d’hospitalisation », précise prudemment le ministère de la Santé. Mais, pour y recourir, le protocole est très encadré.
Une potentielle arme biologique
« Le risque de bioterrorisme par toxine botulinique existe, donc c’est l’armée qui est responsable du stock d’anti-toxinique, localisé à Marseille », précisait le 13 septembre Benjamin Clouzeau, médecin réanimateur et chef de pôle au service de médecine intensive réanimation (MIR) du CHU de Bordeaux, lors d’une conférence de presse sur l’intoxication collective. Les « Recommandations Bichat sur la prise en charge clinique des patients présentant un botulisme lié ou non à un acte de bioterrorisme » ont été écrites en 2004 par des experts réunis dans une task force sur les menaces biologiques et chimiques et à destination la Commission européenne. On peut y lire que « sous forme aérosolisée, la toxine botulique pourrait être utilisée comme arme biologique ».
Dans ce rapport, les spécialistes précisent qu’au début des années 1990, la secte japonaise Aum Shinrikyo a tenté par trois fois de la répandre sous cette forme dans Tokyo sans y parvenir, optant finalement pour le gaz sarin. « Il est probable que plusieurs pays aient mis au point et détiennent des armes contenant de la toxine botulique », avance cette task force. Néanmoins elle conclut que si la production de la toxine a été rapportée dans plusieurs pays « son utilisation n’a jamais été prouvée ».
Un « médicament » exceptionnel
Au regard de l’intoxication collective survenue dans la capitale girondine, un prépositionnement de l’antidote avait été réalisé au CHU de Bordeaux, sous la houlette de Santé Publique France, l’agence nationale de santé publique sous tutelle du ministère de la Santé. Aucune pharmacie, de ville ni hospitalière, ne dispose d’un stock propre, tout est centralisé à Marseille et c’est l’établissement pharmaceutique de Santé publique France qui gère, pour l’Etat, le stock d’antitoxine botulique.
« L’autorisation d’injecter l’antitoxine botulique est donnée par l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sollicitée pour chaque patient afin de vérifier la conformité de la demande, explique à 20 Minutes le service communication de Santé Publique France. Il s’agit d’une demande d’autorisation d’accès compassionnel (AAC) car il n’y a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les antitoxines botuliques. » On comprend que hors de ce circuit normal d’autorisation de mise sur le marché, le protocole est très rigoureux pour sécuriser l’utilisation de cet antitoxinique.
Il est crucial d’administrer l’antidote le plus rapidement possible après l’apparition des symptômes. « Santé publique France organise la mobilisation et le transport jusqu’à l’établissement de santé dans des délais inférieurs à 12 heures entre la demande et la livraison sur tout le territoire national comme cela a été fait récemment vers le CHU de Bordeaux. » L’envoi par moyen aérien permet de tenir ce délai « sur tous les territoires même les plus éloignés (Outre-Mer et Corse) grâce à un prépositionnement ponctuel de ces traitements », précise l’agence.
Ni l’armée ni la pharmacie du CHU de Bordeaux, sollicités par 20 Minutes, n’ont souhaité répondre à nos questions, pour des raisons de confidentialité.