Santé sexuelleC'est quoi mycoplasma genitalium, cette IST souvent antibiorésistante ?

« Mycoplasma genitalium »... Quelle est cette IST souvent résistante aux antibiotiques ?

Santé sexuelleFréquemment asymptomatique, cette infection sexuellement transmissible est depuis quelques années de plus en plus résistante aux antibiotiques
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • L’infection à Mycoplasma genitalium est une IST peu connue et souvent asymptomatique.
  • Une IST qui se soigne par traitement antibiotique.
  • Mais cette bactérie a développé ces dernières années une résistance grandissante aux antibiotiques.

Un nom peu ragoûtant et souvent inconnu au bataillon pour le grand public. Si on vous dit Mycoplasma genitalium (MG), ou mycoplasmes urogénitaux, vous ne savez probablement pas de quoi il s'agit. On parle pourtant d’une infection sexuellement transmissible (IST) qui toucherait rien qu’au Royaume-Uni plus de 500.000 personnes, selon une étude britannique récemment publiée. Et en France, cette maladie peu connue circule-t-elle également ?

Quels sont les symptômes de cette IST ? Est-elle grave ou bénigne ? Peut-elle avoir des répercussions sur la santé ou la fertilité ? Et existe-t-il des traitements efficaces ? On fait le point.

Une IST souvent asymptomatique

Mycoplasma genitalium, kézako ? « La flore génitale abrite naturellement un large ensemble de micro-organismes, parmi lesquelles des bactéries telles que des lactobacilles, mais aussi des Mycoplasma hominis par exemple, qui participent à l’équilibre du microbiote, plante le Dr Odile Bagot, gynécologue et autrice de l’ouvrage Vagin & Cie, on vous dit tout ! (éd. Mango) et du blog « Mam Gynéco ». Le MG, lui, a une connotation 100 % sexuellement transmissible. Ce n’est pas aussi dangereux qu’une infection à Chlamydia ou à gonocoque, mais c’est surtout un marqueur d’IST, donc il faut toujours rechercher "l’association de malfaiteurs" avec d’autres infections ».

En pratique, « c’est une IST qui ressemble à l’infection à Chlamydia trachomatis – beaucoup plus fréquente. Le problème c’est que les deux sont fréquemment asymptomatiques, explique le Pr Cécile Bébéar, cheffe du service de bactériologie du CHU de Bordeaux, directrice du Centre national de référence des IST bactériennes et spécialiste des infections à mycoplasma genitalium. Chez les hommes, MG peut causer une urétrite, une inflammation de l’urètre, ou ne donner lieu à aucun symptôme ». Et chez la femme, « identifier des symptômes évocateurs n’est pas non plus chose aisée, abonde le Dr Bagot. Cela ne donne pas lieu à une pelvipéritonite – une inflammation pelvienne le plus souvent d’origine bactérienne – aussi marquée qu’avec une infection à gonocoque ou chlamydia ».

Une IST à la prévalence peu connue

De plus, « MG est une bactérie dont on ne connaît pas très bien l’histoire naturelle, rappelle le Pr Bébéar. Il y a des cas symptomatiques et d’autres non, et on ne connaît pas bien les risques de séquelles à long terme chez l’homme comme chez la femme. Il est possible que cela cause parfois des cas de salpingite [une infection des trompes reliant l’utérus aux ovaires], avec potentiellement des effets pouvant affecter la fertilité ». Comment ? « Tout déséquilibre de la flore, même avec des infections non sexuellement transmissibles, peut augmenter le risque de fausse couche ou affecter la fertilité », répond le Dr Bagot.

Et si au Royaume-Uni, un demi-million de personnes seraient touchées par cette IST, « en France, on n’a pas de chiffres parce qu’à ce jour, il n’y a pas eu d’études, souligne le Pr Bébéar. L’étude PrévIST, menée par Santé publique France, est en cours pour déterminer la prévalence de MG en population générale dans l’Hexagone, et on estime qu’elle se situerait entre 1 et 3 % de la population ». « Principalement les jeunes adultes, ajoute le Dr Bagot. Pour autant, pas question de basculer dans l’alarmisme. MG n’est pas si fréquent, et lorsque l’on prescrit une recherche d’IST, on le dépiste systématiquement ». Pour se prémunir de cette IST, « se protéger avec un préservatif reste la protection la plus efficace », insistent de concert le Dr Bagot et le Pr Bébéar.

Une IST de plus en plus résistante aux antibiotiques

Heureusement, des traitements antibiotiques sont disponibles pour soigner une infection à MG. Mais s’il est aussi important de se protéger, « c’est parce que cette bactérie présente des résistances aux antibiotiques, beaucoup plus importantes que pour le traitement des chlamydia par exemple, indique le Pr Bébéar. Des études internationales et menées par notre CNR mettent en avant des chiffres très inquiétants : MG présente en France un taux de résistance d’environ 35 % au traitement par macrolides, une famille d’antibiotiques à laquelle appartient l’azithromycine, le traitement de première intention de cette infection ».

Et pourquoi la bactérie a-t-elle développé autant d’antibiorésistance depuis dix ans ? « Parce qu’on a traité beaucoup de cas de chlamydia avec ce médicament, considéré pour cette infection comme un traitement minute, détaille la directrice du CNR des IST bactériennes. Malheureusement, cela a sélectionné des bactéries résistantes dont MG. C’est pour cela qu’il est recommandé dans un certain nombre de pays – et a priori très bientôt en France aussi – d’utiliser de préférence de la doxycycline, qui appartient à une autre famille d’antibiotiques, pour traiter les infections à chlamydia », poursuit le Pr Bébéar.

Vers un meilleur dépistage

Le dépistage de MG devrait lui aussi évoluer. « Longtemps, on n’a pas su le détecter, se souvient le Pr Bébéar. Mais nous le pouvons aujourd’hui, grâce à des méthodes de dépistage par PCR qui fonctionnent très bien. En revanche, son dépistage n’est pas encore remboursé par la Sécurité sociale, ce qui devrait changer d’ici 2024, conformément aux recommandations de la HAS de juillet 2022 ».

Pour l’heure, « le dépistage et les traitements par antibiotiques ne s’adressent qu’aux personnes symptomatiques et à leur partenaire », précise le Pr Bébéar. Un accès restreint justifié par la lutte contre l’antibiorésistance. Le cas échéant, « MG pourrait devenir intraitable – parce que le traitement de deuxième intention après les macrolides, ce sont les fluoroquinolones, une autre famille d’antibiotiques, qui se heurtent aussi à une résistance grandissante. Et après, il n’y a plus grand-chose d’autre dans l’arsenal thérapeutique ».