Gironde : Fermeture de la baignade au lac d’Hostens en raison de cyanobactéries
SANTE•Le conseil départemental de la Gironde, gestionnaire du site, a pris la décision ce vendredi de fermer à la baignade le lac d’Hostens, après de nouvelles analyses indiquant « la présence de cyanobactéries toxinogènes »
Mickaël Bosredon
L'essentiel
- De nouvelles analyses de l’eau du lac d’Hostens, ont été commandées par le département de la Gironde, après la mort brutale d’un chien qui s’était baigné le 17 août dernier.
- Les premiers résultats partiels comuniqués vendredi indiquent la présence de cyanobactéries toxinogènes, faisant craindre la présence de toxines dangereuses, ce qui a entraîné une décision de fermeture à la baignade du lac.
- Une décision qui peut paraître tardive, et qui pose la question de l’évolution, dans le futur, de la méthodologie quant à la recherche des cyanobactéries dans le lac d’Hostens.
Les résultats de nouvelles analyses concernant la présence de cyanobactéries dans les eaux du lac du domaine d’Hostens (Gironde), sont tombés jeudi soir. « Les premiers résultats partiels indiquent la présence de cyanobactéries toxinogènes, faisant craindre la présence dans les résultats à venir de toxines dangereuses » indique ce vendredi le conseil départemental de la Gironde, propriétaire du domaine, dans un communiqué.
Même si ces résultats doivent être consolidés d’ici à lundi au plus tard, « par mesure de précaution, le département a décidé de fermer la baignade d’Hostens à compter de ce vendredi 1er septembre et ce jusqu’à réception des analyses complémentaires. »
Résultats contradictoires
Ces analyses font suite à la mort brutale d’un chien qui s’était baigné dans les eaux du lac le 17 août. Un deuxième chien s’était retrouvé subitement malade après s’être baigné le 23 août, mais avait pu être sauvé après avoir été emmené en urgence chez un vétérinaire. Des analyses effectuées par l’antenne départementale de l’ARS (Agence régionale de santé), les 19 et 28 août, ne démontraient pourtant pas, ou peu, de présence de cyanobactéries dans l’eau du lac d’Hostens.
Les propriétaires du chien décédé commandaient de leur côté une analyse indépendante au laboratoire Aqua Gestion, situé dans la Haute-Vienne, et spécialisé dans les phénomènes de cyanobactéries. Ses résultats montraient, eux, un fort développement de cyanobactéries toxinogènes, jusqu’à quarante fois le seuil.
« Plus possible de maintenir la baignade ouverte »
« Ces résultats d’analyse nous ont interpellés, a reconnu vendredi soir, au cours d’une conférence de presse, Carole Guère, vice-présidente du conseil départemental, mais nous avions des interrogations concernant la façon dont ces prélèvements avaient été effectués, conditionnés et transportés. Dans un souci de sécurité et de transparence, nous avons donc effectué de nouveaux prélèvements, que l’on a envoyés à notre laboratoire départemental et transmis à Aqua Gestion. »
Ces nouveaux résultats viennent, a priori, confirmer les analyses réalisées préalablement par Aqua Gestion. Joint par 20 Minutes ce vendredi, le responsable d’Aqua Gestion, Philippe Combrouze, se dit « soulagé. » Le département « a pris la bonne décision, car il n’était plus possible de maintenir la baignade ouverte » estime-t-il.
Analyses planctoniques et benthiques
Mais comment expliquer que l’ARS n’a rien trouvé dans les deux analyses qu’elle a effectué dans les eaux du lac ? Philippe Combrouze explique que « c’est normal » au regard de la méthodologie adoptée par l’ARS, qu’il remet en cause. « Elle n’a analysé que des prélèvements planctoniques, alors que de mon côté j’ai échantillonné et du planctonique et du benthique, avec les deux échantillons que la propriétaire du chien m’a fait parvenir. »
Explications. « Les cyanobactéries, vous en avez des planctoniques qui vivent et se développent dans la masse d’eau, et vous en avez des benthiques qui se développent sur un substrat [de la vase, du sable, des galets…], précise Philippe Combrouze. Ce sont deux catégories qui ne se croisent pas, elles ne vivent pas dans la même niche écologique. Mais il faut chercher les deux, car ce sont les cyanobactéries benthiques qui créent les mortalités animales, il ne faut donc pas passer à côté. »
Lorsqu’il y a des mortalités brutales de chien ou de faune sauvage, « dans 95 % des cas c’est lié à une neurotoxine qui, la plupart du temps, est produite par des cyanobactéries benthiques, et en particulier par un genre qui s’appelle Oscillatoria, ajoute le scientifique. Et c’est bien Oscillatoria que j’ai retrouvé dans l’échantillonnage benthique du lac d’Hostens, ce qui vient conforter le schéma explicatif de cette mortalité de chien. »
« Tirer les leçons pour mettre en œuvre de nouvelles dispositions »
Ce vendredi soir, l’ARS a assuré durant la conférence de presse organisée par le département avoir strictement suivi le protocole de la Direction générale de la santé (DGS). « Une baignade à risque de cyanobactéries benthiques, est une baignade en rivière dont le niveau d’eau varie, et/ou avec présence de galets, de cailloux, car dans ce contexte il peut y avoir arrachage du biofilm [amas structurés de cellules bactériennes], qui peut alors entrer en contact avec le baigneur », explique Bénédicte Motte, directrice de l’ARS en Gironde.
Dans le département, « nous avons deux rivières qui sont concernées, mais pas Hostens qui est un lac sur sable, et dont la baignade est classée à risque planctonique, poursuit la directrice départementale. Les prélèvements ont donc été effectués dans la masse d’eau, car les baigneurs ne sont pas particulièrement en contact avec du biofilm, puisque c’est du sable. On ne manipule pas de cailloux à cet endroit. Et les résultats ont montré qu’il y avait très peu de cyanobactéries dans la masse d’eau, ainsi qu’une absence de toxines. »
Faut-il dès lors revoir la classification du lac d’Hostens ? « Nous verrons à la fin de la saison comment nous classerons ce lac la saison prochaine, mais nous allons tenir compte de ces résultats » annonce Bénédicte Motte. Philippe Combrouze, qui dit travailler avec « une dizaine d’ARS départementales depuis trente ans » assure de son côté que « dans les autres départements, il y a systématiquement des échantillonnages benthiques qui sont réalisés. » « Dans la Vienne par l’exemple, une baignade [de lac] est fermée depuis six mois à cause d’une prolifération de cyanobactéries benthiques. »
« Une augmentation de la prolifération de cyanobactéries d’année en année »
Le responsable d’Aqua Gestion s’inquiète par ailleurs de « l’augmentation de la prolifération de cyanobactéries d’année en année, qui provoque de plus en plus de mortalité animale. » Il se dit « convaincu que, dans un délai [qu'il] ne connai[t] pas, il y aura un impact sur les humains. »
Thierry Touzet, directeur adjoint de la direction départementale de la protection des populations, est plus mesuré sur ce point, rappellant que le chien a un « comportement très spécifique quand il se baigne », à savoir qu'il a « une tendance à avaler beaucoup d’eau. » Par ailleurs, « il est très attiré par l’odeur dégagée par tout ce qui est biofilm. » Deux raisons qui font « que le chien ingère potentiellement beaucoup de cyanobactéries. » Enfin, « il est sans doute sensible à une dose plus faible de toxines. » Tout cela explique au final « que nous avons régulièrement des cas d’intoxication de chiens aux cyanobactéries, qui entraînent souvent la mort, dans des périodes de forte chaleur, dans des plans d’eau ou des rivières. C’est pourquoi nous conseillons aux propriétaires d’éviter à leur chien de s’y baigner durant ces périodes. »
La prolifération des cyanobactéries est liée à la présence de phosphore. « S’il n’y avait pas de phosphore en excédent dans l’eau, il n’y aurait pas de développement des cyanobactéries, explique Philippe Combrouze. Il faut donc s’interroger sur les sources du phosphore, qui provient généralement du rejet de nos eaux usées et de notre agriculture. » En revanche, « le développement des cyanobactéries n’a rien à voir avec la chaleur, on en a aussi en plein hiver. »