Plus de 10 % des 18-30 ans se disent « insomniaques », selon notre étude #MoiJeune
INFO « 20 Minutes »•67% de ces 18-30 ans souffrent « régulièrement » de troubles du sommeil, selon un sondage exclusif OpinionWay pour « 20 Minutes »Lise Abou Mansour
L'essentiel
- 20 Minutes publie une étude réalisée sur son panel #MoiJeune sur les troubles du sommeil des 18-30 ans. Dans cet article, nous vous donnons ses résultats et expliquons pourquoi les jeunes dorment peu (et mal).
- Des changements hormonaux expliquent ce manque de repos. La modification de l’horloge biologique et le sommeil lent moins profond à l’adolescence et au début de l’âge adulte doivent d’abord être pris en compte.
- Mais ce n’est pas la seule explication. Les écrans et les troubles psychiques ont aussi un rôle majeur dans les troubles du sommeil des jeunes.
Se retourner des dizaines de fois dans son lit à voir les heures s'écouler, à scruter le plafond, tenter de compter les moutons et se demander dans quel état on va être le lendemain, ça nous est tous arrivé au moins une fois. Mais les jeunes seraient particulièrement sujets à ce type de troubles du sommeil. C’est ce qui ressort de l’étude #MoiJeune* réalisée par 20 Minutes.
La moitié des 18-30 ans interrogés dort moins de sept heures par nuit en semaine. C’est bien moins que ce qui est recommandé. Selon Armelle Rancillac, neuroscientifique de l’Inserm au Collège de France et spécialiste du sommeil, un adolescent a besoin de dormir entre huit et dix heures par nuit.
Une explication physiologique
S’il a davantage besoin de roupiller qu’un adulte, c’est parce qu’il traverse des changements physiologiques. A l’adolescence et au début de l’âge adulte, le sommeil lent est moins profond et donc moins réparateur. Mais ce n’est pas tout. « Le sommeil joue un rôle dans la plasticité cérébrale et la mémoire, souligne Virginie Sterpenich, chercheuse en neurosciences à l’Université de Genève. Quand on est jeune, on apprend beaucoup de choses donc on a besoin de dormir davantage pour tout assimiler. »
Des changements au niveau de l’horloge biologique, faisant des jeunes des couche-tard/lève-tard, doivent également être pris en compte. « C’est à 19 ans pour les femmes et 21 ans pour les hommes qu’on est au pic de ce changement », ajoute la chercheuse. Le soir, ils ne ressentent pas la pression de se coucher, et le matin, n’ont pas envie de se lever. Et l’heure du début des cours ne s’adapte pas à ce changement physiologique, ce qui explique les chiffres de notre étude : 63 % des 18-30 ans ressentent des difficultés à se réveiller, dont 41 % régulièrement.
Les jeunes dorment mal et peu
La durée moyenne d’une nuit d’un Français en semaine est de 6h41, selon l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV). Un chiffre en baisse depuis des années. A ce repos trop court s’ajoutent des troubles du sommeil. Plus d’un jeune interrogé sur quatre (28 %) a régulièrement des difficultés à s’endormir et plus d’un sur trois (31 %) se réveille régulièrement la nuit. 91 % des 18-30 ans interrogés expérimentent donc au moins un de ces troubles régulièrement ou occasionnellement (67% régulièrement). Et parmi eux, 13 % se qualifient même d’insomniaques, un chiffre qui monte à 18 % chez les filles.
Pour comprendre ces chiffres, plusieurs facteurs entrent en jeu, notamment celui de l’activité effectuée juste avant de s’assoupir. 60 % des jeunes interrogés regardent une série, un film ou autre vidéo avant de dormir. 45 % tuent le temps en scrollant sur les réseaux sociaux. Seuls 29 %, soit moins d’un sur trois, choisissent d’ouvrir un livre ou une BD.
La lumière bleue des écrans empêche de dormir
Et selon nos deux spécialistes, le principal coupable, c’est lui : l’écran. L’horloge biologique, également appelée rythme circadien, qui nous dit à quelle heure se réveiller et à quelle heure se coucher, est réglée par la lumière, les interactions sociales ou encore la température.
Quand on regarde son téléphone portable, sa tablette ou son ordinateur, la lumière bleue arrive directement dans le noyau suprachiasmatique, la partie du cerveau responsable du contrôle de ce fameux rythme circadien. « Quand les photorécepteurs de nos yeux qui servent à percevoir la lumière la perçoivent, ils envoient l’information au cerveau en lui disant qu’il n’est pas l’heure de dormir », résume la chercheuse. De plus, l’exposition à la lumière inhibe la synthèse de la mélatonine, l’hormone facilitant l’endormissement.
Notifications et contenu « émotionnellement fort »
Que ce soit parce qu’on est un parent inquiet qui attend des nouvelles de son petit dernier sorti faire la fête, un amoureux transi attendant un texto de son nouveau crush ou qu’on est tout simplement quelqu’un qui ne veut rien rater, on laisse parfois notre téléphone en mode vibreur. Cela crée des flashs lumineux venant perturber le sommeil. « Il faut au moins trois secondes d’éveil pour créer un souvenir, rappelle la neuroscientifique. Si à chaque notification, on se réveille, même une seule seconde et sans s’en rendre compte, notre nuit sera fragmentée. »
Et mettre un filtre anti-lumière bleu ne résout rien selon Virginie Sterpenich car le contenu peut être « émotionnellement fort ». Regarder son nombre de likes sur Instagram ou attendre les réactions sous son tweet sont autant de décharges d’adrénaline peu propices à l’endormissement.
Stress, difficulté à lâcher prise et charge mentale
Pourtant les écrans et les réseaux sociaux n’arrivent qu’en troisième position (28 %) des causes de trouble du sommeil citées par les jeunes que nous avons interrogés. Bien à avant (43 %), ils incriminent leur difficulté à lâcher prise et à arrêter de réfléchir. Ce chiffre grimpe à 54 % chez les femmes. Le stress et la charge mentale sont cités au même niveau, à 43 % (36 % chez les hommes et 48 % chez les femmes).
Des chiffres peu étonnants au regard des dernières études sur la santé mentale des jeunes. 20,8 % des 18-24 ans ont connu un épisode dépressif en 2021, selon Santé publique France, contre 11,7 % quatre ans plus tôt. Les jeunes femmes sont plus concernées (26,5 %) que les jeunes hommes (15,2 %). « Il existe un lien très fort entre troubles psychiques et troubles du sommeil », confirme Armelle Rancillac. Le fait d’être anxieux ou dépressif peut rendre insomniaque. Et cette privation de sommeil va engendrer une difficulté à réguler ses émotions. Une mauvaise humeur qui va compliquer le retour à l’apaisement, facilitateur de l’endormissement. Un cercle vicieux. Dormir est aussi primordial pour mémoriser et se concentrer. 77 % des 18-30 ans interrogés évoquent des problèmes de concentration et de mémoire, 67 % des sautes d’humeur et d’irritabilité et 66 % de l’anxiété et/ou de la déprime.
Quelques conseils
Face à ce problème d’ampleur, que faire ? Parmi les 91 % des 18-30 ans qui expérimentent au moins un trouble du sommeil régulièrement ou occasionnellement, 14 % prennent des somnifères et 4 % quotidiennement. Une fausse bonne idée selon la chercheuse : « les somnifères semblent la solution la plus simple pour dormir mais il faut en réalité s’attaquer aux causes de l’insomnie. De plus, les somnifères ne créent pas un sommeil réparateur. » En dehors de certains cas purement physiques comme l’apnée du sommeil, la plupart des troubles du sommeil peuvent être rétablis par une thérapie.
Quelques conseils, en vrac, de nos deux expertes, pour réussir à fermer l’œil : sortir le téléphone portable de sa chambre, avoir un rythme de sommeil régulier, ne pas faire de sieste en fin d’après-midi ni faire de sport ou boire trop d’alcool, de soda ou de café avant de se mettre au lit et, dans la mesure du possible, avoir une chambre propice à l’endormissement, sans bruit et sans lumière. Dernier conseil : marquer la différence entre le lieu d’éveil et le lieu de sommeil en évitant de regarder une série dans son lit avant de se coucher, par exemple. Maintenant, on vous laisse tester tout ça.
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