Fausse couche : Après la fin des jours de carence, pourquoi pas un vrai congé dédié ?
GROSSESSE•Ce mercredi, Élisabeth Borne va annoncer la fin des jours de carence pour les femmes prenant un arrêt maladie à la suite de leur fausse couche
Lise Abou Mansour
L'essentiel
- Ce mercredi, Élisabeth Borne va annoncer la fin des jours de carence pour les femmes prenant un arrêt maladie à la suite de leur fausse couche.
- Si le collectif Fausse couche, vrai vécu se réjouit de cette avancée, il demande la création d’un véritable congé dédié, à l’instar de ce qui existe en Nouvelle-Zélande.
- Le but : faire reconnaître symboliquement l’existence de cet événement et le deuil périnatal qu’il peut induire, et donner le temps au couple de s’en remettre.
Une fausse couche a lieu toutes les trois minutes en France. C’est une femme sur dix qui sera touchée au moins une fois dans sa vie. Si certaines ne vivront pas cet événement comme un traumatisme, d’autres auront besoin de temps pour s’en remettre, à la fois physiquement et psychologiquement. Douleurs, perte de sang, tristesse liée au deuil périnatal, l’après fausse couche peut s’avérer difficile. Afin de permettre aux femmes ayant subi une interruption de grossesse involontaire de prendre un arrêt maladie tout en restant payée, Élisabeth Borne va annoncer, ce mercredi, la fin des jours de carence dans ce cas précis.
Sandra Lorenzo, cofondatrice du collectif Fausse couche, vrai vécu et autrice du livre Une fausse couche comme les autres et du podcast du même nom, se souvient comme si c’était hier du moment où elle a appris que sa grossesse avait pris fin. « Au bout de cinq secondes d’échographie, la radiologue m’a dit “la grossesse s’est arrêtée.” Je suis restée là, sidérée. » Le rendez-vous est expédié en quelques minutes. Sous le choc, Sandra ne pense même pas à un éventuel arrêt maladie.
« Je ne me sentais pas légitime à demander un arrêt »
La jeune femme se dit que si on ne lui propose pas d’arrêt, c’est qu’elle n’en a pas besoin. « Je ne me sentais pas légitime à le demander. Pour moi, un arrêt de travail, ça ne se demande pas. C’est au médecin de le prescrire. » Après l’aspiration de son fœtus, elle perd beaucoup de sang et est sujette à de nombreuses crises de larmes. Elle décide alors de se rendre chez un médecin généraliste qui l’arrête quatre jours et lui propose de revenir si jamais elle se sent toujours mal. « Au bout de quatre jours, ça n’allait pas mieux, mais je n’ai pas eu la force de demander un nouvel arrêt. »
Et Sandra n’est pas un cas à part. Un mois après leur interruption de grossesse, 29 % des femmes souffriraient de stress post-traumatique, 24 %, d’anxiété sévère et 11 % auraient développé une dépression modérée à sévère, selon une étude de l’Imperial College of London et de l’université KU Leven. Et selon Judith Aquien, autrice de Trois mois sous silence, le traumatisme peut être, dans certains cas, renforcé par la mauvaise prise en charge médicale.
Des médecins plus ou moins compréhensifs
Face à l’absence d’un congé automatique, « on peut tomber sur un médecin compréhensif, qui respecte ce que le corps de la femme traverse. Mais aussi sur tout l’inverse », résume Judith Aquien. Avec son collectif Fausse couche, vraie vécu, elle souhaite que les soignants proposent des arrêts de manière systématique.
C’est la raison pour laquelle Paula Forteza, ancienne députée (Groupe Écologie démocratie solidarité), a fait une proposition de loi en mars 2022 visant à instaurer un parcours de soins commun aux femmes victimes d’une fin de grossesse involontaire. Elle comprenait notamment l’instauration d’un congé spécial de trois jours. « La fin des jours de carence, c’est déjà un premier pas, mais il faudrait aller plus loin, considère-t-elle. Nous, on proposait un congé qui était un vrai droit, quelque chose d’automatique, à la fois pour la mère qui a fait la fausse couche, mais aussi pour le deuxième parent. »
« Il y a toute une batterie de mesures à prendre »
En Nouvelle-Zélande, depuis le 24 mars 2021, trois jours de congé sont attribués automatiquement aux parents en cas de fausse couche ou d’enfant mort-né. « Symboliquement, c’est génial, mais trois jours, c’est vraiment rien », nuance Sandra Lorenzo, qui a eu besoin d’un long accompagnement psychothérapeutique pour se remettre du deuil périnatal qu’elle traversait.
Certaines entreprises ont pris les devants en octroyant un congé en cas de fausse couche d’une salariée. L’Oréal, par exemple, donne trois jours de congé rémunérés à 100 %. Les femmes de la branche du Syntec, employant 950.000 salariés dans le numérique, le conseil et l’événementiel, pourront elles aussi bientôt bénéficier d’un congé de deux jours.
« Ce n’est pas une seule mesure qui va résoudre le problème, nuance Paula Forteza. Il y a toute une batterie de mesures à prendre. » Au-delà de la proposition systématique d’un congé pour fausse couche, les membres du collectif demandent la remise d’une plaquette d’informations ainsi qu’un accompagnement psychologique. La proposition de loi de la députée Sandrine Josso (Modem) visant à instaurer un tel accompagnement va d’ailleurs être examinée à l’Assemblée ce mercredi, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.