PréventionPourquoi la France peine à lutter contre les papillomavirus et le cancer

Cancer : Pourquoi la France est très en retard dans la prévention contre les papillomavirus

PréventionLa vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) permet de faire reculer certains cancers, dont celui du col de l’utérus, mais la France est très en retard
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • La France compte parmi les plus mauvais élèves sur le terrain de la vaccination contre les papillomavirus humains (HPV).
  • Des virus responsables de différents cancers, du col de l’utérus, de la vulve, de l’anus ou encore de cancers ORL.
  • Pourtant, plusieurs pays ayant déployé des campagnes massives de vaccination anti-HPV sont en passe d’éradiquer le papillomavirus et les cancers dont il est responsable.

Alors qu'Emmanuel Macron, en déplacement dans un collège en Charente ce mardi 18 février 2023, doit y annoncer une « annonce décisive » pour « éradiquer » le papillomavirus en France, « 20 Minutes » vous propose de (re)lire ce récent article sur le sujet.

Et s’il était possible d’éradiquer le papillomavirus et certains cancers ? Eh bien c’est possible, certains pays sont d’ailleurs en passe de relever ce défi. Comment ? Par la vaccination. Une vaccination encore boudée en France, qui affiche l’une des couvertures les plus faibles.

Quelles affections le papillomavirus peut-il causer ? Comment la France peut-elle en améliorer la prévention ? A l’occasion ce samedi de la Journée mondiale de lutte contre le cancer, 20 Minutes se penche sur cette question majeure de santé publique.

Le HPV à l’origine de nombreuses affections

En réalité, il faut plutôt parler des papillomavirus, ou HPV. Des virus très contagieux qui se transmettent par voie sexuelle. Il existe de nombreuses souches pouvant causer de nombreuses affections, allant des condylomes, des verrues génitales spécifiques, à différents types de cancer.

En France, « ces virus sont responsables chaque année de 100.000 cas de verrues génitales bénignes et plus de 30.000 cas de lésions précancéreuses » pouvant évoluer vers un cancer, souligne l’Académie de médecine. Et tous les ans, « 6.400 nouveaux cas de cancers sont liés aux papillomavirus humains (HPV), ajoute l’Institut national du cancer (INCa). Dans la majorité des cas, les cancers liés à l’infection par les HPV concernent le col de l’utérus (44 %), l’anus (24 %) et l’oropharynx (22 %). Si les cancers concernent en majorité les femmes, un quart touche les hommes ».

Une couverture vaccinale particulièrement basse

Autant de maladies évitables grâce à la vaccination anti-HPV, ouverte en France aux adolescentes depuis 2007 et élargie aux garçons de plus de 11 ans depuis le 1er janvier 2021. Pourtant, elle peine à atteindre sa cible. « Les jeunes Français sont parmi les Européens les moins bien vaccinés, tant chez les filles (37 % de couverture vaccinale) que chez les garçons (6 %), relève le think tank Terra Nova dans un rapport publié cette semaine. Un niveau très éloigné des objectifs fixés par la Stratégie nationale de santé sexuelle et le Plan cancer », qui visent une couverture de « 60 % chez les adolescentes âgées de 11 à 19 ans en 2023 et 80 % à horizon 2030 ».

Et la pandémie a empiré les choses. « En 2020, la vaccination chez les jeunes filles a nettement reculé : moins 274.000 doses, soit une chute d’un tiers par rapport à l’attendu », s’alarme l’Assurance maladie, qui constate « un déficit de 103.000 doses sur les quatre premiers mois de 2021. Ce recul intervient alors qu’en France la participation à cette vaccination est déjà faible si l’on se compare à nos voisins européens ».

Toutefois, « l’ouverture de la vaccination aux garçons est une très belle avancée, bâtie sur un double argument de protection individuelle des garçons, qui peuvent être confrontés à certains cancers causés par le HPV, et collective, face au risque de contagion, décrypte Mélanie Heard, responsable du pôle santé du think tank Terra Nova et autrice du rapport. Si le HPV circule chez les garçons et que la vaccination ne cible que les filles, toutes celles qui ne seront pas vaccinées risquent une contamination. On voit donc combien freiner la circulation virale est l’affaire de tous, et passe aussi par la vaccination des garçons ».



Un gros effort de pédagogie à faire

Pour l’heure, la défiance semble l’emporter, et plusieurs hypothèses peuvent l’expliquer. D’abord, « nombre de Françaises et de Français ignorent qu’il existe des cancers du vagin, de l’anus et ORL, causés par les papillomavirus, indique Mélanie Heard. Ensuite, pour les parents, l’idée que l’on vaccine des enfants de 11 ans prépubères avant leur entrée dans la sexualité peut avoir un côté un peu déroutant. Et le fait qu’il y ait deux programmes de santé publique pour un même virus peut être confusant : on a à la fois une vaccination recommandée pour les plus jeunes et un dépistage par frottis prescrit ensuite pour les femmes, l’un ne devant pas aller sans l’autre. Cela mériterait un effort de pédagogie ».

Ce qui doit être impulsé par les pouvoirs publics. « Or jusqu’à présent, il y a eu une absence manifeste de volonté politique, poursuit Mélanie Heard : pas de pédagogie dans les écoles ni de programme de vaccination scolaire, et une proposition vaccinale en médecine de ville très hésitante ». Il y a pourtant urgence : « le cancer du col de l’utérus se situe au quatrième rang des cancers les plus fréquents chez la femme et est causé dans plus de 95 % des cas par le papillomavirus humain transmis sexuellement, rappelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ».

Mais la donne pourrait changer. Début décembre, dans une vidéo sur la gratuité des préservatifs pour les jeunes postée sur TikTok, Emmanuel Macron a évoqué sa volonté « d’aller plus loin sur la vaccination face à certains virus. Je pense au papillomavirus ». Un message repris lundi par le ministre de la Santé. Dans ses vœux adressés aux forces vives de la santé, François Braun a insisté sur l’importance en 2023 de réfléchir à « l’élaboration d’une nouvelle stratégie vaccinale, avec une place (…) importante pour le développement de la vaccination contre le papillomavirus ». Des signaux politiques « favorables, estime Mélanie Heard. Je ne suis pas sûre qu’auparavant, le mot papillomavirus ait déjà été prononcé par un président ».

Un outil d’éradication

Si la France est donc en retard, d’autres pays ont lancé des campagnes massives de vaccination. « En 2020, en Europe, la couverture dépassait 75 % dans onze pays dont le Portugal, l’Espagne et le Royaume-Uni », note l’Académie de médecine. Loin devant la France, en vingt-septième position. « Dans les pays les plus en pointe, l’amélioration de la couverture vaccinale a été accompagnée de campagnes de vaccination en milieu scolaire, et c’est déterminant », insiste Mélanie Heard.

« Elles ont permis, dans certains pays, d’obtenir des taux de vaccination supérieurs à 70 % », confirmait l’Académie de médecine dans une note publiée à l’été 2022. C’est le cas du Royaume-Uni qui, avec un taux de plus de 76 %, est en passe d’éradiquer le cancer du col de l’utérus. Mais aussi de l’Australie, l’un des premiers pays à avoir déployé une campagne vaccinale mixte – filles et garçons – et massive, et qui affiche une couverture supérieure à 80 % depuis une quinzaine d’années, rapporte L’INCa. « Une modélisation permet d’envisager, grâce à l’efficacité du vaccin, la disparition quasi complète du cancer du col de l’utérus à l’horizon 2034 ».