Avec la légalisation du CBD, « j’ai pu me débarrasser du THC »
Votre vie, votre avis•Nos lecteurs racontent comment ils ont réussi à diminuer, voire complètement arrêter, leur consommation de THC après avoir découvert l’alternative devenue légale
Cécile De Sèze
L'essentiel
- Cela fait un mois que le Conseil d’Etat a annulé l’interdiction de la vente de la fleur et de la feuille de chanvre chargée en cannabidiol. Le CBD peut-il être un substitut aux joints d’herbe pour les fumeurs de cannabis ?
- Nos lecteurs se sont confiés sur la manière dont le CBD a pu les aider à sortir d’une consommation trop régulière de cannabis et comment, pour certains, ça a changé leur vie.
«Depuis maintenant deux ou trois ans je n’ai plus touché à un joint de THC grâce au CBD », raconte à 20 Minutes Frédéric, 42 ans. Comme lui, de nombreux fumeurs de Marie-Jeanne, qui ont consommé pendant des années, voire des décennies, ont réussi à se passer des effets psychotropes du THC lorsque le CBD est apparu sur le marché. Le cannabis reste la drogue la plus consommée par les Français et les Français sont ceux qui en consomment le plus en Europe, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives. Et le CBD y ressemble beaucoup : il vient de la même plante, de la même fleur de cannabis, il a le même aspect, presque la même odeur, le même goût, mais n’a pas la concentration en THC de l’herbe vendue illégalement par les trafiquants.
Le 29 décembre dernier, l’interdiction de la vente de la fleur et de la feuille de chanvre chargée en cannabidiol (CBD), la molécule non psychotrope du cannabis, a même été levée par le Conseil d’Etat qui lui confère des « propriétés décontractantes et relaxantes et des effets anticonvulsivants, mais n’a pas d’effet psychotrope et ne provoque pas de dépendance », citant les données scientifiques à disposition.
Le CBD, le patch nicotine du joint ?
En plus de relaxer, le CBD pourrait-il servir de substitut pour les fumeurs de cannabis ? Plusieurs lecteurs en ont déjà fait l’expérience, comme Guillaume, 36 ans : « Fumeur de joints depuis l’âge de 16 ans ma consommation avait drastiquement augmenté avec l’âge (quatre à cinq par jour), j’ai pu diminuer en remplaçant certains joints par du CBD et au fur et à mesure me débarrasser du THC ».
Si certains estiment que ce n’est pas efficace, que c’est une « fumisterie », qu’on ne peut pas remplacer le THC par du CBD car cela équivaudrait à faire arrêter un alcoolique de boire avec de la bière sans alcool, comme Vincent, 33 ans, d’autres ont en tout cas trouvé dans le CBD une porte de sortie à leur addiction. Jean, 35 ans, a « arrêté le cannabis il y a 52 jours » et estime que le CBD qui remplace aujourd’hui ses joints « l’aide beaucoup ». Fumeur régulier depuis ses 20 ans, il fumait « dix joints par jour depuis le Covid-19 » mais à Noël, il a promis à son fils d’arrêter et s’est lancé dans l’épreuve.
« J’ai pu me sevrer du cannabis sans aucune sensation de manque », raconte à son tour Corentin, 40 ans. « J’ai refumé sur un joint une fois en soirée et je n’ai pas aimé les effets, j’étais pas bien. C’est fini, plus pour moi cette merde », tranche-t-il.
Un manque d’études scientifiques
Peut-on alors parler d’un produit de substitution comme certains consommateurs semblent le penser ? Pas encore, prévient Stéphanie Ladel, addictologue et préventologue contactée par 20 Minutes. « Ces personnes ont toutes mes félicitations pour l’atteinte de leurs objectifs, et ils éveillent ma curiosité, mais pour le moment les études scientifiques, notamment les suivis de parcours, avec l’usage de CBD seul sont insuffisantes pour permettre de conclure que nous pouvons recommander de consommer du CBD comme aide à l’arrêt de la consommation de cannabis », nuance l’addictologue.
Il n’y a pas assez d’études scientifiques, de recul sur cette substance, mais « ce qui compte c’est aussi que ça marche sur certaines personnes », ajoute Stéphanie Ladel. Et peut-être qu’avec cette légalisation de la fleur du CBD, davantage de scientifiques se pencheront sur la question.
Une nouvelle vie
Reste que ces témoins, et de nombreuses autres personnes, ont bien trouvé refuge dans le CBD et ont éliminé le THC de leur quotidien. Et pour certains, cela signifie une nouvelle vie, plus claire, moins sujette à la culpabilité aussi. Ainsi, depuis qu’il s’est mis au CBD, Jean se sent mieux au travail, avec ses amis et même si « les fins de journée sont compliquées », il « tient le coup » malgré « une semaine de sevrage très compliquée ». « Je me suis rendu compte douloureusement que je ne savais plus gérer mes émotions sans cannabis, surtout le stress, mais je réapprends petit à petit et ne regrette rien. » Il se dit « fier » de lui aujourd’hui d’avoir abandonné son addiction au cannabis. « Je me sens mieux même si je me trouve stupide d’avoir tant attendu », ajoute le jeune père de famille.
« Le fait de pouvoir en avoir facilement sans avoir l’impression d’être un délinquant, de ne pas avoir besoin de changer mes habitudes, ça m’a clairement changé la vie, abonde Frédéric. J’ai l’impression de m’être retrouvé. » »
« Quand je fumais du cannabis j’avais moins envie de faire des choses, je m’en rends compte aujourd’hui », témoigne Corentin. L’addictologue Stéphanie Ladel note alors que « les avantages sont là », notamment « d’un point de vue de la légalité, du mode de procuration, de l’absence d’"effet défonce", du peu de changement d’habitudes, et du regard sur soi des autres et de soi-même. » « Et bien entendu ce ne sont pas des points négligeables », ajoute-t-elle.
Fumer tue
Mais pour Guillaume, il reste le problème de regard de la société sur le CBD, encore trop associé à son cousin illicite. « Les seuls problèmes restent la vision du grand public de ce produit, que certains considèrent comme tout aussi dangereux et le fait que les tests salivaires ressortiraient positifs, regrette-t-il également. Dans les faits ce serait comme si un test d’alcoolémie était positif avec une bière sans alcool, dommage. »
Néanmoins, la fleur de CBD vendue en tabac ou en boutique spécialisée si elle est fumée, consommée à la manière d’un joint d’herbe, reste dangereuse pour la santé. « En tant que professionnels de santé, nous ne pouvons qu’encourager chacun à éviter d’inhaler de la fumée, de quelque produit que ce soit », met en garde Stéphanie Ladel.
À lire aussi