EPIDEMIEFini l’isolement des cas positifs au Covid-19, est-ce le bon moment ?

Covid-19 : La fin de l’isolement et des arrêts de travail dérogatoires, l’étape ultime du « vivre avec » le virus ?

EPIDEMIEA compter de ce mercredi 1er février, les personnes testées positives au Covid-19 ne seront plus tenues de s’isoler
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Dès ce mercredi, l’isolement obligatoire des personnes contaminées par le Covid-19 prend fin, ainsi que les arrêts de travail dérogatoires mis en place pour contenir la diffusion du virus.
  • Fini aussi le contact tracing et l’obligation – en pratique pas toujours respectée – pour les cas contacts de se faire dépister et de s’isoler.
  • La fin de ces mesures intervient-elle au bon moment ? De la bonne manière ? Aura-t-elle des conséquences sur l’épidémie et son suivi ?

La pandémie est-elle derrière nous ? Si le Covid-19 contamine encore quotidiennement des milliers de personnes en France, le gouvernement a décidé qu’il était temps de lever - presque totalement - le pied sur les mesures sanitaires. A compter du 1er février, c’en est fini des arrêts de travail dérogatoires sans jour de carence pour les personnes testées positives au Covid-19, selon un décret publié samedi au Journal officiel.

Est-ce le bon moment pour mettre fin à ces mesures ? Quelle incidence leur levée aura-t-elle sur l’épidémie et son suivi ?

« Un contexte épidémique favorable »

Dès ce mercredi, ce décret met donc « un terme » à « la délivrance d’arrêts de travail dérogatoires aux assurés se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler, y compris à distance », prévoit le décret. Ce dispositif devait prendre fin « au plus tard » à la fin de l’année. Mais avec des indicateurs repassés au vert, le gouvernement a décidé d’avancer l’échéance. Depuis le début de l’année, la situation sanitaire est en nette amélioration, avec moins de 16.000 malades hospitalisés actuellement, contre près de 25.000 fin décembre 2021. Et le nombre de contaminations a chuté lui aussi en un mois, passant de plus de 20.000 à moins de 5.000 par jour en moyenne, selon le site Covid Tracker.

Une tendance à la baisse confirmée par les derniers chiffres de Santé publique France. « Le taux d’incidence diminue (47 cas pour 100.000 habitants, - 25 %) », tout comme le taux de dépistage et le taux de positivité des tests, relève l’agence sanitaire. Côté soins, elle relève aussi « une baisse des nouvelles hospitalisations de 40 % et des nouvelles admissions en service de soins critiques (- 43 %) ». Dans ce « contexte épidémique favorable », ce mercredi, c’en est fini aussi de « l’isolement systématique » des cas positifs et de « la réalisation d’un test » au bout de deux jours pour leurs contacts. Par ailleurs, l’enregistrement des résultats de tests positifs dans le fichier informatique SI-DEP sera désormais « conditionné au recueil préalable du consentement des personnes concernées », jusqu’à l’arrêt de cet outil de suivi de l’épidémie, prévu fin juin. Le contact tracing, géré par l’Assurance maladie, prend aussi fin définitivement.

« L’étape ultime du vivre avec »

Après trois ans de pandémie et de dispositifs ad hoc pour contenir le virus, le gouvernement fait ainsi le choix de réduire les dépenses de santé liées au Covid-19 et de vraiment vivre avec le virus. « On réduit les efforts déployés pour limiter le fardeau sanitaire de cette maladie évitable, pour se diriger vers un schéma similaire à la gestion de la grippe, analyse Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’Université de Montpellier. On accepte qu’il y ait un virus qui fait plusieurs milliers de morts par an, et qui impacte la qualité de vie de plusieurs centaines de milliers personnes en France touchées par le Covid long, affection que l’on ne sait toujours pas traiter. Avec, en ligne de fond, la question de savoir si on en fait suffisamment pour éviter les conséquences de la pandémie ».

Pour ce qui est du calendrier, « la fin de ces mesures fait sens dans une logique où tous les indicateurs sont à la baisse, et l’Etat ne pouvait pas financer de telles mesures ad vitam aeternam, d'autant qu’il y a une forte lassitude de la population, commente l’épidémiologiste. Il est important de desserrer le niveau de contrainte quand la menace sanitaire est plus faible. On n’a en revanche aucun argument pour penser que le SARS-CoV2 va disparaître, mais on accepte ce risque à durée indéterminée et son impact sur notre système de soins, notre économie et notre vie quotidienne ». Une décision d’autant plus importante « qu’une fois prise, il est difficile de revenir en arrière. Les autorités font le choix de traiter le Covid-19 comme les autres viroses respiratoires, alors qu’on aurait pu espérer qu’elles en tirent les enseignements pour améliorer la gestion sur le temps long de ces maladies ».



Une meilleure anticipation possible

Or, ce décret intervient « sans qu’il ne soit corrélé à aucun seuil chiffré, déplore Mircea Sofonea. Les indicateurs sont certes à la baisse, mais la décision politique n’est pas prise sur des critères objectifs définis en amont. Ce qui la rend moins lisible et la fait relever davantage de la communication politique que d’une politique claire de santé publique. Y a-t-il une clause de revoyure ? Le gouvernement se réserve-t-il la possibilité de remettre en place ces mesures en cas de reprise épidémique ? On verra à l’automne avec le retour des virus respiratoires. Mais compte tenu de la circulation et de l’émergence de sous-variants du Covid-19, une meilleure anticipation aurait été possible : A partir de quels seuils remet-on en place ces efforts ? Quand va-t-on réellement agir sur la purification de l’air intérieur, un enjeu fondamental ? Ou améliorer la pédagogie sur les gestes barrières ? »

Face à ces inconnues, et avec une campagne de rappel de vaccination anti-Covid qui patine, Santé publique France insiste sur la conduite à tenir pour garder le virus à distance. « L’adhésion aux gestes barrières, dont le port du masque (en présence de personnes vulnérables, en cas de promiscuité dans les espaces fermés comme les transports en commun), demeure nécessaire et doit être accentuée pour préserver également le système de soin, prescrit l’agence sanitaire. Le suivi des autres mesures reste essentiel : isolement en cas de test positif ou de symptôme, lavage des mains et aération des lieux clos ». Un isolement qui, on l’a vu, ne sera plus obligatoire.

Un suivi épidémique plus difficile

Et avec la fin du contact tracing, des arrêts de travail dérogatoires et de la déclaration systématique des cas positifs dans la base SI-DEP, « le taux de dépistage va être en chute libre, prévient Mircea Sofonea. En pratique, le suivi épidémiologique va être beaucoup difficile à assurer, avec des données de moins bonne qualité puisque l’on n’aura plus un échantillonnage représentatif. Et que dans le même temps, il n’y a pas de moyens supplémentaires alloués au développement des travaux de modélisation. Donc là, on est un peu en train de casser le thermomètre ».

De son côté, le gouvernement s’en remet à la responsabilité de chacun et rappelle que malgré la fin de ces mesures, « il reste fortement recommandé aux personnes testées positives, ainsi qu’aux personnes ayant été exposées à une personne contagieuse et susceptibles de développer la maladie, de respecter les gestes d’hygiène, de se faire tester et d’éviter le contact avec les personnes fragiles ».