SURCHAUFFERude fin d'année pour le 15 à Bordeaux, avec un doublement des appels

Bordeaux : « On est passés de 2.000 à 4.000 appels par jour », une période rude pour le centre 15

SURCHAUFFELa fin d’année 2022 a été très difficile pour le service de régulation du centre 15
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • La grève des médecins libéraux, puis de SOS médecins et la fermeture de certains services d’urgences de la métropole concourent à expliquer un report de la population sur le 15, en cette fin d’année 2022.
  • Débordée d’appels, le centre 15 a fait face mais il y a eu des répercussions sur les conditions de travail et la qualité des soins.
  • Le nouveau centre de formation doit permettre d’augmenter les effectifs des agents de régulation médicale, même si des problèmes subsistent aussi sur les filières d’aval (soins de suite).

«Le week-end du 2 décembre, on a eu un doublement des appels en régulation : on est passé d’une moyenne de 2.000 à 4.000, ce qui était ce qu’on avait à traiter pendant le Covid », explique le professeur Philippe Rebel, chef du pôle Urgences adultes – SAMU SMUR. La grève des médecins libéraux, puis de SOS médecins et la fermeture de certains services d’urgences de la métropole concourent à expliquer un report de la population sur le 15, qui n’avait pas pu renforcer les effectifs de sa plateforme téléphonique. Pendant trois semaines, le service de régulation médicale, déjà sous tension, a été soumis à rude épreuve dans un contexte de triple épidémie (bronchiolite, grippe, covid).

« Des délais de prise en charge intolérables »

« La qualité et les conditions de travail s’en sont retrouvées dégradées, commente Philippe Revel. On reçoit encore des plaintes, qui sont justifiées, pour des manques de prise en charge dans des délais suffisants. » Il explique que pendant cette période difficile, avec un pic le 17 décembre, des soignants sont revenus travailler malades pour faire face à l’afflux de patients. « Sur la base du volontariat, des agents de régulation médicale (ARM) sont revenus sur leur temps de repos », témoigne aussi Chaumet Sandra, superviseuse de salle au Samu 33. Le professeur Nicolas Grenier, président de la Commission Médicale d’Etablissement (CME) du CHU ne mâche pas ces mots : « On a tenu mais à un prix élevé pour les équipes et surtout pour les patients puisqu’il y a eu des délais de prise en charge intolérables. Mais les missions ont continué d’être assurées par le CHU. »

Lors des pics d’appel, les agents de régulation médicale du centre 15 n’arrivaient pas à répondre à tous les appels, sachant que le « record » d’un assistant de régulation médicale (ARM) est de 44 prises d’appel par heure. Une fois le coup de feu passé, « on a rappelé 250 appelants en moins de 2h30 pour pouvoir s’assurer que leur état de santé n’était pas grave », pointe Angélique Fresard, cadre supérieure de santé du pôle Urgences adultes – SAMU SMUR.

Les ARM, des alliés pour désengorger les urgences

A Pellegrin, la plateforme du 15 regroupe environ 70 ARM, une vingtaine de médecins régulateurs, mais aussi des sages-femmes (pour le réseau de périnatalité) des infirmiers du centre antipoison, un infirmier en psychiatrie et un chirurgien-dentiste qui vient de façon ponctuelle pour réguler certaines situations. C’est un métier très difficile et qu’il faut exercer à l’aveugle, en se fiant uniquement aux indications de l’appelant.

Alors que les textes donnent 30 secondes à l’ARM pour évaluer la gravité de la situation, « la première phrase au décroché, c’est souvent " je ne me sens pas bien " », pointe Angélique Frésard. Lorsque le pronostic vital ou potentiellement vital est en jeu, le relais est pris par des médecins régulateurs qui peuvent envoyer des moyens sur place (SDIS ou ambulances). D’autres ARM jouent un rôle en amont, en assurant un suivi de la prise en charge des patients, à l’aune des bilans des pompiers et des ambulanciers. Si l’état du patient s’est dégradé, un médecin peut envoyer une équipe du SMUR.

« Quand les patients appellent ici, on essaye d’éviter qu’ils se présentent aux urgences, explique Angélique Fresard. D’autant plus que selon une étude en date de 2017 de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) un patient sur six qui se présente aux urgences a déjà vu un médecin dans les huit jours précédents. » Ils veulent parfois un autre diagnostic ou un examen complémentaire. « Le 15 n’est pas la solution de facilité, alerte Angélique Fresard. Il faut réserver son appel pour des situations urgentes. » Les ARM ont la délicate tâche d’orienter les patients sachant que tous les services se trouvent en tension et aussi, de faire comprendre à certains des appelants que la demande qu’ils formulent n’est pas une priorité de soins immédiate et qu’elle peut être différée.

Un centre de formation des ARM a ouvert

Depuis 2019, les ARM doivent être certifiés et diplômés. Un centre de formation vient d’ouvrir à Bordeaux et doit permettre d’envisager davantage de recrutements dans les années à venir. « C’est un métier sur lequel on a porté un niveau d’exigence supplémentaire, en ne se limitant pas à un simple entretien de recrutement mais en soumettant les candidats à des questions de culture générale en lien avec la santé, à des mises en situations professionnelles et à tests psychotechniques », souligne Angélique Fresard.

Si dans les faits, le nombre de passages aux urgences baisse bien grâce à la régulation, il existe aussi un problème en aval, pointé notamment par le professeur Philippe Revel. « Parmi ceux qui viennent on en garde plus avec un taux d’hospitalisation de 60 % alors que pour un service d’urgences classique, il doit être entre 15 et 20 %. » Les services spécialisés qui devraient prendre le relais sont eux aussi engorgés.