Interview« Les plus de 50 ans font peu de dépistage du VIH, et le font tardivement »

Sida : « Les plus de 50 ans se font peu dépister et le font tardivement »

InterviewA l’occasion ce jeudi de la Journée mondiale de lutte contre le sida, l’association Sidaction met l’accent sur la prévention du VIH/sida chez les plus de 50 ans. Entretien avec Nicolas Gateau, membre de l’association
Anissa Boumediene

Propos recueillis par Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Ce jeudi a lieu la Journée mondiale de lutte contre le sida.
  • A cette occasion, l’association Sidaction lance la campagne « Les tubes qui protègent », une campagne en musique pour sensibiliser les personnes de plus de 50 ans à la prévention et au dépistage du VIH.
  • Nicolas Gateau, responsable thématique à Sidaction, explique à 20 Minutes les enjeux de cette communication ciblée.

VIH, sida. Ces lettres, tout le monde les connaît, tout le monde en a peur. Et tout le monde sait que pour s’en prémunir, tout commence par le geste simple de porter un préservatif. Pourtant, aujourd’hui encore, des milliers de personnes contractent le VIH chaque année en France. Pour certaines, elles ignorent l’avoir été, faute de dépistage.

Et aucune classe d’âge n’est pas épargnée. A l’occasion ce 1er décembre de la Journée mondiale de lutte contre le sida, « l’association Sidaction met l’accent sur la prévention auprès des plus de 50 ans », indique à 20 Minutes Nicolas Gateau, responsable thématique à Sidaction. Il nous dévoile les raisons de ce choix.

Pourquoi avoir choisi cette année de cibler, avec la campagne de prévention, les personnes de 50 ans et plus ?

Dans l’imaginaire collectif, on se figure qu’après 50 ans, on a une sexualité en berne, voire en sommeil. Or notre enquête montre que ce n’est pas le cas, puisque 72 % des personnes âgées de 50 à 79 ans déclarent être sexuellement actives. Parmi elles, les deux tiers indiquent être en couple, et 14 % se déclarent célibataires sexuellement actifs. Et chez les célibataires, 6 % indiquent avoir eu plusieurs partenaires au cours de l’année écoulée, en moyenne 6,6.

Pourtant, une proportion importante des 50 ans et plus se sent moins concernée par le VIH, estimant que c’est une maladie qui touche davantage les jeunes. Un sentiment que l’on retrouve aussi chez les jeunes, qui à l’inverse pensent que le VIH touche davantage les plus âgés qu’eux. Tout le monde a tendance à croire que le virus touche plutôt une autre tranche d’âge, or tous les âges sont concernés.

Mais ce qui est troublant, et problématique, c’est que si 89 % des plus de 50 ans se considèrent plutôt bien informés sur la maladie, et seulement une personne interrogée sur deux dit avoir peur du VIH/sida. Cela se traduit par des conduites à risque dont ils et elles n’ont pas forcément conscience. Les risques sont pourtant réels, puisque parmi les 6 % des 50-79 ans qui se disent multipartenaires, un quart n’a jamais recours au préservatif et deux tiers ne réalisent pas de test de dépistage.

Vous lancez donc la campagne « Les tubes qui protègent ». En quoi consiste-t-elle ?

Peut-être que si cette population se sent moins concernée, c’est aussi parce que dans les campagnes de prévention en matière de santé sexuelle, d’alerte sur le VIH et sur les infections sexuellement transmissibles (IST) en général, les plus de 50 ans sont peu ou pas représentés. Ou du moins, peu ou pas ciblés. Si on s’adresse moins à eux, forcément, le danger leur semble plus lointain.

Dans ce cadre, Sidaction souhaite sensibiliser ce public en faisant appel au vecteur émotionnel qu’est la chanson française. Avec l’opération « Les Tubes qui protègent », à laquelle participent Lio, Dave, Partenaire Particulier, Jean-Pierre Mader et Emile & Images, l’idée est d’utiliser ce potentiel de sympathie et de détourner les tubes de ces artistes pour sensibiliser les plus de 50 ans avec humour et un peu de fun.

Ces cinq artistes ont accepté de réécrire et réenregistrer leurs tubes, Banana Split, Du côté de chez Swann, Partenaire Particulier, Macumba et Les démons de Minuit en y intégrant un message de sensibilisation et prévention. Par exemple, dans sa version réécrite de Banana Split, Lio invite son partenaire à utiliser un préservatif.

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Des messages de prévention qui valent à tous les âges, alors que le dépistage n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant Covid-19…

Absolument. Il y a eu un trou d’air dans le dépistage en 2020 à cause de la pandémie. Les niveaux augmentent progressivement, mais on n’arrive pas à atteindre les chiffres pré-Covid. Ce qui soulève des questions fondamentales. Ainsi, sur les chiffres que vient de publier Santé publique France, qui recense 5.013 personnes diagnostiquées séropositives en 2021, on s’interroge : est-ce un chiffre représentatif de la réalité ou totalement sous-estimé puisqu’il y a moins de dépistage ? Autant de questions sur l’urgence de l’épidémie de VIH même si ces dernières années, les chiffres des contaminations étaient à la baisse.

Dans le même temps, il y a eu moins d’initiations à la PrEP au plus fort de la pandémie. D’une part parce qu’il était plus difficile d’avoir accès aux praticiens, d’autre part parce que, pour nombre de personnes, la crise sanitaire a empêché d’avoir des relations sexuelles, donc le recours à ce traitement préventif a pu être jugé moins nécessaire. Aujourd’hui, on retrouve des niveaux d’usage rassurants, mais pas encore suffisants au sein de certaines populations.

Par ailleurs, on constate que les 50 ans et plus, quand ils se font dépister, le font à un stade plus tardif, quand le virus a déjà entamé les défenses immunitaires, ce qui signifie une perte de chance,

Donc Sidaction est là pour continuer à transmettre un message de prévention simple : il est important d’utiliser le préservatif pour se protéger soi et ses partenaires, et de se faire dépister régulièrement pour connaître son statut, pour avoir accès aux traitements le plus tôt possible en cas de contamination. C’est le moyen de vivre en meilleure santé possible malgré le virus et de ne plus transmettre la maladie, puisque le traitement rend la charge virale indétectable.

Tout le monde connaît le Sidaction, mais en pratique, quelle est l’action de l’association tout au long de l’année ?

Notre édition annuelle du Sidaction, au printemps, permet de collecter des fonds. C’est la partie émergée de l’iceberg. L’argent collecté permet de financer la recherche – fondamentale, appliquée et clinique – pour comprendre comment fonctionne le virus, comment il évolue dans le corps, et comment trouver des voies d’accès pour le bloquer. Le Sidaction reste ainsi le premier financeur privé sur le VIH en France.

Il y a également un volet de financement de l’action associative destinée à l’accompagnement des patients en France métropolitaine, ultramarine, et aussi en Afrique. Le point commun entre les patients accompagnés en France et dans le monde, c’est la stigmatisation, la discrimination et le rejet. Le tissu associatif soutenu par Sidaction est là pour apporter de l’écoute, du soutien et de l’aide, pour favoriser et accompagner l’accès aux soins. Et toujours, favoriser la prévention et le dépistage alors que, à ce jour, on estime à 24.000 le nombre de personnes ignorant être porteuses du VIH en France.