mystère de la créationVoici ce qu'il se passe dans le cerveau des mamans durant la grossesse

Trous de mémoire, construction du lien maternel… Que se passe-t-il dans le cerveau des mamans durant la grossesse ?

mystère de la créationAu cours de la grossesse, le cerveau des mamans connaît de nombreuses modifications
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Dans leur ouvrage Dans le cerveau des mamans, le Dr Hugo Bottemane et le Dr Lucie Joly étudient les transformations qu’opère le cerveau des futures mères au cours de la grossesse.
  • Syndrome du bébé fantôme, « mommy brain » ou encore intéroception sont autant de notions que les deux psychiatres abordent.
  • Des phénomènes un peu nébuleux qu’ils décryptent pour 20 Minutes.

Le mystère de la vie. Neuf mois durant, le corps de la femme enceinte subit de nombreuses transformations à mesure qu’il « fabrique » l’enfant à naître. Son ventre s’arrondit, mais il ne s’agit que la partie émergée de l’iceberg. Ainsi, tout au long de la grossesse, le cerveau des futures mamans est lui aussi soumis à de multiples modifications, les préparant au nouveau rôle qui les attend.

Dans leur ouvrage Dans le cerveau des mamans (éd. du Rocher), le Dr Hugo Bottemanne, psychiatre, chef de clinique à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et chercheur en neurosciences à l’Institut du Cerveau (ICM) et le Dr Lucie Joly, psychiatre, responsable de la psychiatrie adulte périnatale dans les hôpitaux Saint-Antoine, Pitié-Salpêtrière, Tenon, et Trousseau à Paris, décryptent les mystères des neurosciences périnatales et en dévoilent quelques secrets à 20 Minutes. Pourquoi les femmes enceintes sont-elles parfois un peu dans la lune ? Comment se construit le lien entre la mère et son bébé dès le début de la grossesse ?

Le « mommy brain »

Avoir l’esprit qui flotte, des trous de mémoire, être un peu étourdie sont autant de traits que l’on peut observer chez nombre de femmes enceintes. « Ce qu’on appelle le "mommy brain", ou "mamnésie", désigne ces troubles cognitifs, de mémoire ou d’inattention que l’on peut avoir durant la grossesse, explique le Dr Lucie Joly. Pendant ces neuf mois, l’architecture du cerveau se modifie : c’est la neuroplasticité périnatale. Des études ont ainsi observé une diminution de la taille du cerveau de 5 à 10 %. Cela ne veut évidemment pas dire que la femme est moins intelligente ! Son cerveau acquiert des spécificités particulières pour la préparer à l’arrivée du nourrisson et à mieux répondre à ses besoins ».

Un mommy brain qui toucherait environ quatre femmes sur cinq et qui pourrait être provoqué par une baisse de l’irrigation du cerveau en sang, associée à une diminution de son oxygénation et de son activité. Une énergie réaffectée au fœtus par l’organisme de sa mère, détaillent les deux psychiatres dans leur ouvrage. « Mais sans entraîner la moindre séquelle cérébrale », rassure le Dr Joly.

Autre effet de ce mommy brain : une zénitude presque à toute épreuve souvent observée. « C’est un mécanisme progressif qui atteint son pic au troisième trimestre, où l’on observe vraiment cette sérénité maternelle assez étonnante, comme une sensation d’être sur un nuage, dans sa bulle, décrit le Dr Hugo Bottemane. Le rapport aux choses négatives est assez lointain ».



L’intéroception et la construction du lien maternel

S’il est un moment que guettent les futures mères, c’est celui où elles sentent pour la première fois leur bébé. Et qui fait comme de petites bulles qui pétillent dans leur ventre. Des premiers mouvements in utero perçus entre la fin du troisième et le cinquième mois, avant que le bébé à naître ne grossisse et donne carrément des coups de pied. Pendant ce temps, le corps de la mère s’adapte à cette vie qui grandit en elle et provoque des sensations qui participent déjà à la construction du lien maternel, faisant naître l’amour qu’elle porte à son bébé, lequel n’a pourtant pas encore vu le jour.

« On a voulu apporter la notion d’intéroception - toutes les perceptions que l’on a de son corps, comment sont positionnés les viscères… - en périnatalité. Cela pose un regard nouveau sur le rôle de la perception des mouvements du fœtus dans la création de l’attachement maternel », expose le Dr Joly, qui mène actuellement avec son confrère une étude sur le sujet. « On a voulu étudier le tissage de cet amour maternel en termes de psychologie et de communication entre le corps et le cerveau », ajoute le Dr Bottemane. Une intéroception périnatale qui « peut se travailler avec certains outils comme l’haptonomie, pour travailler le lien prénatal et favoriser l’attachement avec le bébé », poursuit le Dr Joly.

Mais cette intéroception périnatale peut parfois jouer de drôles de tours au cerveau des mamans, et provoquer le syndrome du bébé fantôme. « C’est le fait de sentir les mouvements du bébé qui n’est plus dans le ventre, après l’accouchement, indique le Dr Joly. On l’explique par l’interoception : le corps garde la mémoire du passage du bébé, et dans ce cadre, le cortex sensoriel peut être troublé et créer l’illusion d’un mouvement fœtal, mais sans bébé ». Un phénomène « semblable à celui du membre fantôme, mais très peu décrit. Dans le cadre de notre étude portant sur 4.000 participantes, 40 % des femmes interrogées indiquent avoir ressenti des mouvements fœtaux fantômes, observe le Dr Bottemanne. Reste à découvrir si sur le plan cérébral, chez les femmes qui continuent à éprouver ces sensations, ce sont les mêmes zones du cerveau que celles qui s’activent dans la perception des mouvements durant la grossesse ».

L’activation du « mode vigilance » des mamans

Et lorsque l’enfant est né, n’avez-vous jamais remarqué comme la mère est particulièrement sensible aux pleurs d’un bébé ? « Toutes les modifications cérébrales durant la grossesse, notamment au niveau du circuit de la récompense, c’est pour préparer la mère à être plus vigilante à ces signaux », confirme le Dr Joly. Ainsi, « après l’accouchement, des études ont démontré que l’activité, dans ce circuit de la récompense, augmente lorsque les mères voient leur bébé sourire ou lorsqu’elles l’entendent pleurer », exposent les deux psychiatres.

Mais « la construction de ce lien et cette sensibilité maternelle sont progressives : la mère va d’abord être plus sensible aux pleurs des bébés, puis se focaliser progressivement et spécifiquement aux signaux émis par l’enfant », notent les Dr Joly et Bottemane. Mais cette vigilance, « l’autre parent - ou les parents adoptant - peuvent également la travailler, rassure le Dr Bottemane. C’est un apprentissage ».