Avec ce rapport sur les nitrites, bientôt la fin du jambon rose ?

Sécurité alimentaire : « Depuis des années, on sait que les nitrites sont cancérogènes »

TOUTNESTPASBONDANSLECOCHONMélissa Mialon, ingénieure en agroalimentaire et autrice de « Big food & cie » dépiaute nos tranches de jambon et revient sur le rapport confirmant le lien entre nitrites et cancer
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

L'essentiel

  • Ce mardi, l’Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses) a confirmé les risques de cancer liés à la viande transformée, notamment la charcuterie.
  • En cause ? L’utilisation de nitrites, des conservateurs alimentaires, dans le processus de transformation des produits.
  • Mais c’est quoi les nitrites ? Et pourquoi en trouve-t-on autant dans notre jambon ? Eléments de réponse avec Mélissa Mialon, ingénieure en agroalimentaire, autrice de Big food & cie et consultante auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Ras la couenne. Ce mardi, l'Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses) a publié un rapport édifiant sur le lien entre les nitrites présents dans la charcuterie et les risques de cancer. En 2015 déjà, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) avait tiré la sonnette d’alarme, relevant le lien entre jambon rose et cancer colorectal, entre autres. Et en 2020, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le cancer, l’ONG Foodwatch, l’application nutritionnelle Yuka et la Ligue contre le cancer avaient rappelé l’urgence d’interdire les nitrites dans l’alimentation. Alors que sont ces nitrites si nocifs pour notre santé ? Et ce nouveau rapport de l’Anses va-t-il changer la donne ? Eléments de réponses avec Mélissa Mialon, ingénieure en agroalimentaire et consultante auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)

Mais c’est quoi en fait les nitrites ?

« Les nitrites sont des additifs alimentaires, tout simplement », explique d’entrée de jeu Mélissa Mialon. On en dénombre quatre, qui portent tous des noms mi-mots, mi-chiffres, souvent flous pour le grand public. « Il existe du nitrite de potassium (E249), du nitrite de sodium (E250), du nitrate de sodium (E251) et du nitrate de potassium (E252) », ajoute l’ingénieure en agroalimentaire. Ces conservateurs alimentaires sont ajoutés lors du processus de transformation des produits. « Ils se présentent sous forme de poudre, comme très souvent dans la production industrielle et n’apportent donc rien de naturel dans la dégustation du produit fini », conclut l’ingénieure.

Pourquoi trouve-t-on autant de nitrites dans la charcuterie ?

Pour deux raisons. Pour la conservation d’abord : « Ce sont des agents conservateurs qui empêchent le développement de bactéries nocives pour l’homme, comme la salmonellose », explique l’autrice de Big food & cie (Ed. Thierry Souccar). Mais dans le cas de la charcuterie et plus particulièrement dans celui du jambon, les nitrites font aussi et surtout office de leurres. « Ils donnent au jambon cette couleur rose, chère aux consommateurs, explique Mélissa Mialon. Pourtant le jambon est gris voire grisâtre au naturel. »

Pourquoi les nitrites sont-ils si mauvais pour la santé ?

Si les nitrites sont utilisés dans beaucoup de produits industriels, c’est l’ajout de ces derniers [particulièrement dans la viande] qui les rend mauvais pour la santé. « Depuis des années on sait que les nitrites présents dans la charcuterie sont cancérogènes », affirme Mélissa Mialon. En effet, en 2015 déjà le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), dépendant de l’OMS, a classé la viande transformée aux additifs comme cancérogène. « On sait par exemple que les nitrites présents dans la charcuterie favorisent les cancers colorectaux et on le savait depuis des années, bien avant le rapport de l’Anses », ajoute l’experte auprès de 20 Minutes.

Comment l’industrie du jambon peut-elle rebondir après le rapport de l’Anses ?

Dans la sauce, les industriels du secteur vont-ils enfin réagir ? Pas certain si l’on en croit Mélissa Mialon : « Ils vont très probablement tenter d’envoyer des contre messages et de culpabiliser le grand public, pour qui ils ont changé la couleur du jambon… » En d’autres termes, l’industrie du jambon pourrait sortir le Joker « nous répondons à la demande ». Cependant, tout n’est pas perdu estime l’ingénieure : « Ce rapport est une véritable avancée. Cela fait des années que les lobbies industriels tentent de faire taire les avis sur les nitrites. »


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Que le Circ et l’Anses soient aujourd’hui au diapason pourrait, selon elle, aider (ou « forcer ») les géants de la charcuterie à en finir avec le jambon rose et à opter pour la nuance de gris.