Strasbourg : « Ce n’est pas du Messmer »… On a assisté à une prise de sang sous hypnose
REPORTAGE•Peur de la piqûre ? Phobique à la vue du sang ? Pour faciliter la prise en charge de ces patients, un laboratoire alsacien a mis en place des séances de prélèvements sous hypnoseThibaut Gagnepain
L'essentiel
- A Strasbourg et dans d’autres laboratoires du groupe « OuiLab », il est possible de réaliser une prise de sang sous hypnose. 20 Minutes a assisté à une séance.
- Que s’y passe-t-il ? « Ce n’est pas du Messmer, il ne faut pas s’attendre à de l’hypnose spectacle », prévient l’infirmière.
- La patiente, elle, apprécie. « Avant, je vivais très mal ces prises de sang, je pleurais même, retrace l’intéressée. Et je ne supporte pas qu’on me touche les veines. Elles sont tellement petites qu’on m’avait raté un prélèvement, ça m’avait traumatisée… Mais avec Alexandra, je ne stresse plus. »
Une petite pièce, au fond d’un laboratoire de Strasbourg. A l’extérieur, l’inscription scotchée sur la porte peut paraître surprenante. « Séance hypnose en cours. Ne pas déranger svp ». A l’intérieur, aucune blouse blanche. Il y a pourtant bien une infirmière et sa patiente.
« C’est une volonté d’éviter toute référence au médical car ça peut être source de phobie. L’endroit doit être cocooning, que les gens se sentent bien », justifie Alexandra Caland, qui pratique depuis quelques mois ces prélèvements sanguins sous hypnose. Comme plusieurs de ses collègues de OuiLab (ex-Bio 67), elle a été formée « pendant trois jours en février ». « Mais j’apprends beaucoup avec l’expérience », précise l’infirmière en accueillant Anaïs pour sa séance du jour.
« Je ne supporte pas qu’on me touche les veines »
Pas la première du genre pour cette femme enceinte, obligée de réaliser des analyses sanguines régulières. « Avant, je vivais très mal ces prises de sang, je pleurais même, retrace l’intéressée. Et je ne supporte pas qu’on me touche les veines. Elles sont tellement petites qu’on m’avait raté un prélèvement, ça m’avait traumatisée… Mais avec Alexandra, je ne stresse plus. »
Comment la professionnelle de santé s’y prend-elle ? Avec une extrême douceur, déjà. « Ce n’est pas du Messmer, il ne faut pas s’attendre à de l’hypnose spectacle », prévient-elle avant justement de débuter. Pas en sortant sa seringue. Elle est posée sur la petite table à proximité. A côté de son téléphone avec lequel l’infirmière propose de la musique à Anaïs. Aujourd’hui, ce sera des battements de cœur. Un son en accord avec la teneur de la discussion en cours.
Pendant les cinq premières minutes, Alexandra Caland débriefe le prélèvement précédent et fait appel à de bons souvenirs chez sa patiente. « Alors, comment s’est passée votre dernière échographie ? Vous avez appris le sexe du bébé ? Qu’est-ce que vous avez ressenti à ce moment-là ? Et comment s’appelle votre compagnon déjà ? » Autant de questions, et leurs réponses, qui serviront quelques instants plus tard.
« Vous êtes bien. Vous profitez de chaque instant »
Cette fois, Anaïs ferme les yeux, allongée sur son siège. D’une voix posée, l’infirmière lance son monologue. « On retourne dans le cabinet de votre gynéco. Votre compagnon, Sandy, est près de vous. Vous avez l’excitation de découvrir les petits pieds et les petites mains de votre bébé. Vos yeux sont fixés sur l’écran, l’excitation monte. Vous êtes bien. Vous profitez de chaque instant. Sandy vous prend la main, elle est moite… Il vous serre dans ses bras. » Moment choisi par la professionnelle de santé pour faire le garrot. Quelques instants plus tard, le prélèvement a débuté. Sans la moindre réaction de la patiente, qui semble ailleurs et remue seulement les pieds.
Voilà, Alexandra Caland a fini la prise de sang. « Quand vous le souhaitez, vous pouvez revenir à tout moment », lance-t-elle à Anaïs, qui émerge d’un coup. « Je suis un peu dans les choux mais ça va », sourit cette dernière, qui doit encore en passer par une séance de « gym douce ». Où elle doit taper des pieds et des mains « pour ramener de l’énergie dans le corps ».
« J’ai senti deux émotions, j’étais super bien », apprécie maintenant la femme enceinte qui n’a pas senti la piqûre. « C’est passé rapidement. Je ne pars jamais complètement car j’ai quand même un petit peu peur. C’est comme si je faisais une micro-sieste où on me rappelle de bons souvenirs. » « Et sans mots invasifs ni négatifs », précise l’infirmière qui a su « broder une histoire » à partir de quelques notes. « On est un peu comme des artistes. On part d’un tableau blanc et on nous donne 2-3 couleurs ! », rigole-t-elle encore, habituée à se renouveler. « Ce n’est jamais la même chose. La première fois avec Anaïs, on avait parlé raclette ! »
D’autres ont donc suivi, à chaque fois d’une durée d’environ vingt minutes, et sans dépassement supplémentaire. « Ce serait super qu’ils fassent ça au don du sang ! », conclut Anaïs.