VIRUSPeut-on compter sur le vaccin pour éviter que la variole du singe déferle ?

Variole du singe : Peut-on compter sur le vaccin pour éviter la contagion ?

VIRUSLa Haute autorité de santé recommande ce mardi la mise en place d’une stratégie vaccinale réactive autour des cas confirmés du virus
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • En Europe comme aux Etats-Unis, les cas de variole du singe se multiplient un peu partout dans le monde.
  • Plusieurs pays confrontés au virus ont ainsi décidé de mettre en place une stratégie vaccinale.
  • En France, la Haute autorité de santé recommande ce mardi de vacciner les contacts des cas confirmés.

Royaume-Uni, Espagne, Etats-Unis, France, mais aussi Portugal, Suède, Maroc ou encore République tchèque : ces derniers jours, les cas d’orthopoxvirose simienne, plus connue sous les noms de variole du singe ou Monkeypox, se multiplient à travers le globe, faisant planer le spectre d’une nouvelle pandémie succédant à celle du Covid-19.

Si le nombre de cas, la contagiosité et la gravité de ces deux virus diffèrent grandement, les autorités sanitaires de plusieurs pays réfléchissent à la meilleure stratégie pour endiguer la propagation de cette variole du singe. Une stratégie qui repose sur l’administration du vaccin contre la variole classique. Dans un avis publié ce mardi, la Haute autorité de santé (HAS) préconise ainsi la vaccination des cas contacts. Alors, le vaccin nous épargnera-t-il une nouvelle pandémie ?

Les plus de 50 ans immunisés grâce au vaccin contre la variole classique

A ce jour, « il n’existe pas de traitements ou de vaccins spécifiques contre l’orthopoxvirose simienne, mais on peut endiguer les flambées, explique l’OMS. On a prouvé dans le passé que la vaccination antivariolique avait une efficacité de 85 % pour la prévention de l’orthopoxvirose simienne ». Car « le Monkeypox n’est pas le virus humain de la variole, ce sont deux virus proches mais différents, indique à 20 Minutes le Dr Jean-Daniel Lelièvre, chef du service immunologie et maladies infectieuses à l’hôpital Henri-Mondor. La protection conférée par le vaccin antivariolique contre le Monkeypox n’est donc logiquement pas totale, mais il offre ici une protection croisée, protégeant d’ailleurs plus contre la maladie que contre l’infection, comme on peut le voir avec le Sars-CoV2 ».

Ainsi, aujourd’hui, « on peut estimer que les personnes plus âgées seront protégées contre la variole du singe, en particulier les plus de 50 ans, poursuit le Dr Lelièvre. Celles et ceux nés dans les années 1960-1970, car c’est la dernière génération née au temps de la vaccination antivariolique obligatoire. Avec la problématique qu’en prenant de l’âge, on perd des populations immunitaires, donc on ne peut pas parler ici d’immunité collective. Pour autant, les plus âgés ne semblent pas relever des groupes à risque de contact avec cette infection ».

La vaccination des cas contacts recommandée en France

Avec au moins trois cas de variole du singe confirmés en France, d’autres devraient vraisemblablement être identifiés au cours des prochains jours dans l’Hexagone, poussant les autorités sanitaires à réfléchir à la meilleure réponse à adopter face à cette situation. Et à ressortir ce bon vieux vaccin des tiroirs. Ainsi, dans un avis publié ce mardi, la HAS valide « le principe d’une stratégie vaccinale réactive post-exposition avec le vaccin antivariolique de troisième génération ». En clair, la HAS préconise la vaccination des cas contacts au plus tôt après l’exposition au virus.

« Dès l’identification d’un cas d’infection à la suite d’une investigation de l’ARS et de la cellule régionale de Santé publique France », le vaccin devra être « administré idéalement dans les 4 jours après le contact à risque et au maximum 14 jours plus tard avec un schéma à deux doses (ou trois doses chez les sujets immunodéprimés), espacées de 28 jours », détaille la HAS. Sont concernées « les personnes adultes contacts à risque d’exposition au Monkeypox, incluant les professionnels de santé exposés sans mesure de protection individuelle ».

Une stratégie déjà appliquée

Une stratégie qui n’est pas inédite. « La vaccination des cas contacts a déjà été développée et adoptée par le passé dans le cadre de la variole, puis dans un deuxième temps pour lutter contre la propagation du virus Ebola. D’ailleurs, le premier vaccin Ebola ayant reçu une autorisation de mise sur le marché est un vaccin dont l’efficacité repose sur un essai clinique basé sur la technique de vaccination des cas contacts, ou vaccination en anneau ».

Le principe, pour une efficacité optimale, « c’est de vacciner les contacts des contacts, détaille le Dr Lelièvre. Parce qu’il y a toujours une certaine inertie à l’efficacité d’un vaccin : on l’a vu avec le vaccin anti-covid, qui est efficace à partir du quatorzième jour après l’injection. Avant, l’immunité n’a pas le temps de se mettre en place. Comme on sait que les gens qui ont été directement au contact de la personne infectée peuvent déjà être en phase d’incubation, il y a tout de même un intérêt à les vacciner, mais il est intéressant de vacciner leurs contacts à eux, pour les empêcher de transmettre à leur tour le virus autour d’eux, et ainsi casser les chaînes de contaminations. Ce type de vaccination est pertinent quand la maladie a peu diffusé, comme c’est le cas aujourd’hui avec la variole du singe, qui est beaucoup moins contagieuse que le coronavirus, avec un R0 [taux de reproduction] très faible. Dans le cas du Covid-19, le virus était déjà tellement répandu dans la population que l’on est passé directement à l’étape de la vaccination large en population générale ».

Une production mondiale de vaccins antivarioliques arrêtée

Une vaccination large contre la variole, elle, n’est plus d’actualité depuis des décennies. « L’éradication totale de la variole a été officiellement déclarée par l’OMS lors de la 33e Assemblée mondiale de la santé en 1980, rappelait en 2006 le ministère de la Santé dans son plan national actualisé de réponse à une menace de variole. En France, la vaccination contre la variole était obligatoire jusqu’en 1979. A cette date, il a été décidé de ne plus imposer de primo vaccination contre la variole avant, finalement de totalement supprimer l’obligation de vaccination en 1984, soit longtemps après la survenue du dernier cas de variole dans le monde (1977 en Somalie) et alors que tous les pays adhérant à l’OMS décidaient également d’arrêter de vacciner systématiquement contre cette maladie ».

Résultat : « Le vaccin n’est plus disponible pour le grand public après l’arrêt de sa fabrication suite à l’éradication mondiale de la variole », relève l’OMS. Alors comment appliquer cette stratégie de vaccination des cas contacts si le vaccin n’est plus produit ? La France dispose-t-elle d’un stock suffisant ? Impossible de donner un chiffre précis. « Les stocks de vaccins contre la variole relèvent quasiment du domaine de la défense nationale parce que c’est aujourd’hui un agent potentiellement bioterroriste, précise le Dr Lelièvre. Pour autant, il ne s’agit pas d’un agent pathogène nouveau, on sait fabriquer ces vaccins, et si nécessaire, la fabrication à grande échelle pourrait être relancée, à la différence du Covid-19 ». Donc pas de panique, rassure le Dr Lelièvre, « on a les doses nécessaires pour assurer la vaccination en anneau ».