Endométriose : Au CHU de Toulouse, les patientes prises en charge de A à Z dans le cadre d'un parcours innovant
SANTE DES FEMMES•Le CHU de Toulouse a mis en place un parcours de soins innovant des patientes atteintes d’endométriose, qui permet de faciliter l’accès à de multiples disciplines concernées par cette pathologieBéatrice Colin
L'essentiel
- En France, 10 % des femmes sont atteintes d’endométriose, ces douleurs chroniques invalidantes lors des menstruations qui peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé.
- A Toulouse, le CHU a mis en place le parcours « Fast-Track » qui permet aux patientes d’avoir un suivi par une équipe pluridisciplinaire dans le cadre d’une prise en charge globale.
- L’objectif des soignants est aussi de créer un réseau de centres référents vers lesquels les médecins généralistes pourraient orienter leurs patientes et éviter ainsi l’errance de diagnostic, problème majeur de la prise en charge de l’endométriose.
Dès ses premières règles, à l’âge de 10 ans, Alisson Soum a eu des douleurs. Une souffrance qui s’est accentuée tout au long de son adolescence jusqu’à ce qu’on lui annonce à l’âge de 19 ans qu’il s’agissait d’endométriose. «Je ne savais pas ce que c’était. On m’a fait faire des échographies et le lendemain on m’enlevait un kyste de 9 cm», se rappelle cette Toulousaine aujourd’hui âgée de 29 ans. Depuis, elle a subi neuf opérations, au niveau des ovaires, du rectum mais aussi des trompes.
Un long combat qu’elle mène contre cette maladie parfois invisible aux yeux des autres. «Pour certains c’est encore une maladie dans la tête. Elle génère beaucoup d’absentéisme, j’ai perdu plusieurs emplois à cause de ça et dans la vie de couple, c’est une maladie qui pèse beaucoup», témoigne la jeune femme qui rêve de se réveiller un jour sans cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Depuis quelque temps, elle est suivie par une équipe pluridisciplinaire du CHU de Toulouse.
Pris en charge de A à Z
Un parcours de soins innovant qui permet aux patientes de bénéficier d’une prise en charge globale dans le cadre d’un parcours baptisé «Fast-Track». «Nous cherchons à fluidifier le parcours de la patiente. Elle va avoir accès plus facilement à une prise en charge par un gastro-entérologue spécialisé si elle a une atteinte digestive, à un radiologue expert, un urologue, un psychologue et même de la chirurgie thoracique si c’est nécessaire. C’est une prise en charge adaptée et individualisée de A à Z. Tout passe par une infirmière qui va coordonner et facilité l’accès aux rendez-vous», explique Elodie Chantalat, chirurgienne gynécologue spécialisée dans cette pathologie qui touche 10 % des femmes en France.
Parmi elles, 75 % ont des douleurs chroniques qui les invalident jusqu'à leur ménopause, voire au-delà parfois. Parmi ces femmes touchées, 40 % auront du mal à avoir des enfants.
Dès le premier rendez-vous au CHU, des examens vont être réalisés qui permettront d’orienter la meilleure prise en charge possible de la patiente, quelle soit chirurgicale ou médicamenteuse. « Notre but est de conserver à tout prix la fertilité car toutes les patientes ne sont pas infertiles. Nous devons tout explorer en amont de la chirurgie et aller au-delà de cette seule solution pour enlever la maladie. La prise en charge globale est le meilleur moyen. Le premier rendez-vous est un temps d’écoute important, parfois il va nous aiguiller vers l’endroit des symptômes», enchaîne Yann Tanguy Le Gac, un autre chirurgien obstétrique qui fait partie de cette équipe pluridisciplinaire.
Prise en compte de l'avis des patientes
Pour les dossiers les plus complexes, une réunion de concertation pluridisciplinaire a lieu tous les mois. Ses membres y étudient en moyenne une soixantaine de dossiers, avec toujours le même objectif d’améliorer la qualité de vie des patientes et tout faire pour raccourcir les délais de prise en charge. Car il arrive que les lésions soient là, mais la souffrance moindre. «On ne traite pas des images mais des symptômes dans le temps», insiste Yann Tanguy Le Gac. Cette approche a permis de constater une baisse des complications post-opératoires, mais aussi un mieux-être des femmes suivies.
Des patientes qui ont leur mot à dire lors des prises de décision. Car un médicament hormonal aura un impact sur la libido, sur l’humeur ou encore le poids. Tout ça Alisson l’a vécue. «C’est une maladie imprévisible, il y a des traitements qui permettent de soulager même si on ne guérit pas. Quand on a une crise il faut accepter la douleur et travailler dessus, moi j’utilise la respiration, je fais du yoga et de la méditation», explique la jeune femme qui conseille de ne pas rester seule face à la maladie.
Créer un réseau pour un meilleur diagnostic
Et qui se bat pour une meilleure prise en charge par les médecins généralistes. Elle a mis neuf ans à être diagnostiquée, son généraliste la soignant jusqu’alors à coups d’antidouleurs. En coordination avec les autres centres spécialisés dans l’endométriose, les acteurs du parcours «Fast Track» du CHU de Toulouse planchent sur la mise en place d’un réseau afin de créer un maillage territorial.
Notre dossier sur l'endométriose
«Quand une femme dit qu’elle a mal à l’épaule pendant ses règles, on la prend pour une folle. Il y a souvent une errance de diagnostic par méconnaissance de la maladie. Pour raccourcir les délais de prise en charge, nous voulons mettre en place un réseau, des plaquettes d’informations, afin que les médecins généralistes sachent à qui s’adresser», avance le docteur Elodie Chantalat qui espère voir ce projet aboutir bientôt, en partenariat avec le corps médical mais aussi les associations de patients très actives. Un projet qui pourrait être une des réponses à la stratégie nationale évoquée en janvier par Emmanuel Macron qui a fait de l’endométriose un enjeu de santé publique.