L’alimentation, une piste intéressante pour soulager l'endométriose ?

Endométriose : Et si on pouvait soulager les douleurs en changeant d’alimentation ?

MALADIEPlusieurs soignants et patientes expliquent qu’un changement radical d’alimentation peut s’avérer efficace pour soulager les douleurs liées à l’endométriose
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • L’endométriose est une maladie qui toucherait une femme sur dix en âge de procréer. Elle se caractérise par des douleurs au niveau du ventre pendant les règles, mais également pendant les rapports sexuels ou la digestion. Elle s’accompagne aussi souvent d’une grande fatigue.
  • Alors que la recherche est encore rare sur les causes de la maladie, les traitements et les médecines alternatives efficaces, certaines patientes sont soulagées par une alimentation spécifique.
  • Eviter les aliments inflammatoires : le sucre raffiné, la viande rouge, le gluten… La liste, précisée par le diététicien Fabien Piasco, spécialiste de la question, est longue. Mais le jeu en vaut la chandelle, nous expliquent deux patientes.

«J’avais l’impression qu’une armée me labourait le ventre et le dos tout le temps, résume Véronique, 43 ans, atteinte d’endométriose. Aujourd’hui, j’arrive à me faire surprendre par mes règles ! » Cette jeune femme a retrouvé sa joie de vivre, sa libido, a perdu 30 kg et peut aller travailler les jours de règles. Son secret ? Elle a totalement changé d’alimentation.

Si l’endométriose est souvent résumée à des douleurs pendant les règles, certaines femmes souffrent tout le temps et 35 % d’entre elles au moins auraient des troubles digestifs. Or, depuis quelques années, certaines patientes modifient leurs menus et voient une nette amélioration de leur quotidien. Elles n’ont plus aucun ballonnement, diarrhée et autres problèmes digestifs. D’autres ne ressentant même plus aucune douleur…

« A partir du moment où on a un bénéfice, ce n’est plus un sacrifice »

En 2017, Véronique était à cours de solution thérapeutique et souffrait le martyre, sa gynéco ayant préconisé d’arrêter la pilule en continu. C’est grâce à des forums de discussion sur l’endométriose qu’elle découvre cette piste méconnue : l’alimentation peut avoir un effet sur la maladie.

« J’ai commencé par enlever les produits laitiers, explique celle qui anime désormais le groupe facebook Endocorp’s. En trois semaines, ça a été une révolution. Puis, je me suis tournée vers les produits les plus bruts possibles, alors que je ne savais pas me faire cuire un œuf ! J’ai dû apprendre à cuisiner pour me sauver la vie. Pas besoin d’être un cordon-bleu ! Pour moi, ce qui a marché, c’est de diminuer les céréales et d’augmenter fruits, légumes, épices et bonnes huiles. »

Un régime hypersélectif que connaît bien Priscilla Saracco, 28 ans, membre d’Endomind. « Je ne mange plus du tout de sucre raffiné, plus de produits laitiers, plus de viande rouge. C’est très compliqué dans la société dans laquelle on vit ! »

« A partir du moment où on a un bénéfice, ce n’est plus un sacrifice, rassure Véronique. Entre des douleurs pendant trois semaines et un morceau de camembert, il n’y a pas photo ! Je le vis comme une délivrance. Je ne suis pas pour ou contre les médicaments, je suis pour avoir une vie. »

Comment expliquer le lien entre alimentation et endométriose ?

Modifier en profondeur son assiette, c’est une méthode alternative prônée par le diététicien nutritionniste Fabien Piasco, auteur de nombreux livres, dont L’alimentation anti-endométriose*. « Quand mon livre est paru en 2017, certaines patientes qui parlaient de l’alimentation à leur gynéco se faisaient insulter, regrette-t-il. Depuis, l’intérêt pour ce sujet a nettement avancé. Dans mes livres, j’ai expliqué point par point comment l’alimentation peut agir sur l’apparition de l’endométriose, son développement et parfois son amélioration. »

En résumé, trois axes peuvent expliquer cette amélioration de la qualité de vie. « L’endométriose est une maladie inflammatoire et l’inflammation est un promoteur de l’endométriose, insiste Fabien Piasco. Avec l’alimentation, on peut limiter fortement, et par plein de moyens l’inflammation, c’est prouvé dans plein de maladies ! On réduit ainsi un premier engrais qui favorise un terrain propice à la maladie.

Limiter les graisses animales, choisir le bio

Deuxième aspect : le stress oxydatif, lié aux radicaux libres, fait augmenter l’endométriose. On peut donc consommer des antioxydants, par exemple certaines vitamines C et E, les polyphénols [présents dans les fruits rouges, les épices, les légumes colorés] qui vont diminuer ce stress oxydatif. On enlève un deuxième engrais. D’autant plus que le stress oxydatif et l’inflammation sont un cercle vicieux : l’un entraîne l’autre. »

Troisième élément : les perturbateurs endocriniens. Car les femmes atteintes d’endométriose ont généralement trop d’œstrogènes, pas assez de progestérones. « Or, les perturbateurs endocriniens, qui miment les œstrogènes, viennent principalement de l’alimentation, reprend le diététicien. Un très grand nombre d’entre eux sont possiblement impliqués dans cette maladie : dioxines, PCB, pesticides, phtalates… Les choix alimentaires pour les réduire sont vastes : limiter les graisses animales qui les accumulent, éviter d’acheter sous plastique, ne jamais réchauffer dans un récipient en plastique, choisir du bio. »

« Aujourd’hui, il n’y a pas de recommandations officielles sur l’alimentation »

Mais est-ce que le lien entre alimentation et endométriose est scientifiquement prouvé ? « Il y a des études d’observation qui dévoilent des liens entre certains aliments et le risque de développer la maladie : viande rouge, charcuterie… Alors que les aliments riches en oméga-3, comme les fruits et légumes, sont protecteurs, souligne le diététicien spécialiste de la question. Par ailleurs, deux études d’intervention (qui mesurent l’impact d’un changement) montrent que l’arrêt du gluten soulage les douleurs pelviennes de l’endométriose : 3 femmes sur 4 n’ont plus mal. »

Mais il n’existe pas aujourd’hui d’essai clinique qui pourrait assurer qu’un régime anti-endométriose global (sans gluten, sans produits laitiers, sans viande rouge…) serait efficace pour soulager les douleurs digestives et pelviennes. « Aujourd’hui, il n’y a pas de recommandation officielle sur l’alimentation pour les patientes atteintes de cette maladie, parce que le taux de preuve n’est pas jugé suffisant, reconnaît-il. Mais certaines patientes qui mettent bout à bout tous ces conseils, disent que leur quotidien est transformé. Alors pourquoi ne pas essayer ? Sachant que la médecine moderne ne trouve pas de remède. »

Que faudrait-il privilégier ?

Le diététicien conseille de procéder d’abord par un test pour vérifier que vous n’êtes pas intolérante au gluten. Puis limiter, voire supprimer certains aliments et voir si ce régime soulage au bout de trois cycles sans pilule. L’idéal étant d’avoir une alimentation la moins industrielle possible, bio et basée sur les fruits, légumes, produits complets, volailles, poissons, œufs oméga 3 (de poules nourries aux graines de lin), fruits à coque, avocats, olives, huile olive, huile de colza, riz complet et noir, légumineuses selon la tolérance…

« C’est très différent de ce qu’on mange habituellement, mais on ne va pas mourir de faim !, rassure le diététicien. Par contre, on pourrait tomber dans des troubles alimentaires ou manquer de protéines ou de calcium. C’est donc important de se faire suivre par un diététicien. » Au mieux, formé sur cette maladie encore méconnue. « L’important, c’est que la patiente puisse analyser ce qui lui fait mal ou pas, pour pouvoir adapter, suggère Priscilla. Il y a clairement un besoin de recherche sur toutes les thérapies d’accompagnement. » Une idée pour le programme de recherche que le gouvernement vient d’annoncer ?

* Une sixième édition, actualisée, est parue en octobre 2021, Edition Testez, 27,50 €.