Coronavirus à Nice : « Ne pas se faire vacciner va à l’encontre de la citoyenneté », se désole le Pr Michel Carles
INTERVIEW•Le chef du service infectiologie au CHU de Nice analyse la situation actuelle liée au Covid-19 alors que les hôpitaux font face à la double vague des variants Delta et Omicron
Propos recueillis par Fabien Binacchi
L'essentiel
- Dans le département des Alpes-Maritimes, le taux d’incidence atteint désormais 1.590 cas de Covid-19 pour 100.000 habitants.
- Au CHU de Nice, sur l’incidence du variant Omicron, « nous affichons un certain retard sur le reste de la France car il est rentré dans le pays par le nord », indique le chef du service infectiologie Michel Carles.
- « De manière générale, ne pas être vacciné aujourd’hui est vraiment incompréhensible. Ce qui est le plus choquant, c’est l’aspect incivilité de la chose », dénonce aussi le spécialiste dans une interview à 20 Minutes.
Dans son dernier point de situation, publiée ce mardi soir, l’Agence régionale de santé (ARS) Paca, fait état d’une situation plus que jamais préoccupante. Sur la dernière semaine de 2021, « la circulation virale atteint un niveau jamais observé avec une hausse sans précédent », note ainsi l’organisme. Et dans le département des Alpes-Maritimes, le taux d’incidence atteint désormais 1.590 cas de Covid-19 pour 100.000 habitants.
Avec, parallèlement, une montée en charge continue dans les services hospitaliers (dont 11 prises en charge de plus en réanimation). Résultat, selon l’ARS, d’une « propagation rapide du variant Omicron » (qui représente près de 50 % des variants en circulation selon elle) mais aussi d’une circulation « encore élevée » du variant Delta. Au CHU de Nice, le Pr Michel Carles, chef du service infectiologie, confirme la superposition de ces deux vagues et dénonce une certaine « incivilité » : « Ne pas être vacciné aujourd’hui est vraiment incompréhensible. »
Où en est-on de la part du variant Omicron au CHU de Nice ?
Elle stagne depuis deux semaines autour des 33 %. Nous affichons un certain retard sur le reste de la France car il est rentré dans le pays par le nord et puisqu’il y a également eu un délai dans les criblages la dernière semaine. Mais, vu sa très grande contagiosité, il va encore progresser et devenir vraisemblablement majoritaire dans les jours à venir.
Est-ce une bonne nouvelle ?
En ce moment, nous devons toujours faire face, parallèlement, à beaucoup de cas du variant Delta, qui est moins contagieux mais beaucoup plus agressif, plus pathogène. Avec la montée en puissance d’Omicron, on s’attend à avoir encore une augmentation du nombre de contaminations. Mais, avec lui, la fréquence des formes graves est plus faible. Alors, oui, d’une certaine manière, c’est effectivement une bonne nouvelle. Mais il fera quand même des morts parmi les personnes fragiles. Omicron va continuer à tuer. Et la pression sera toujours importante pour les hôpitaux vu la montée en flèche du taux d’incidence. C’est pour cela qu’il ne faut pas baisser la garde. Et ne surtout pas ralentir sur la vaccination. Bien au contraire.
Le CHU de Nice voit-il toujours arriver des malades du Covid-19 faussement vaccinés ?
Oui mais, désormais, ils le signalent. On a assez répété que ça compliquait leur prise en charge et que ça les mettait encore plus en danger. De manière générale, ne pas être vacciné aujourd’hui est vraiment incompréhensible. Ce qui est le plus choquant, c’est l’aspect incivilité de la chose. On sait qu’on peut attraper un germe et le transmettre, mais on fait passer son point de vue personnel, sa lubie, avant l’idée du vivre ensemble. Cette attitude va à l’encontre de la citoyenneté.
Beaucoup de soignants sont-ils également touchés dans vos hôpitaux ?
Pas trop pour l’instant. L’impact de cette vague sur les personnels n’empêche pas les services de tourner. C’est plutôt la crise structurelle dans les unités qui perdure et qui compliquent les choses pour le moment.
La généralisation des masques FFP2 devrait-elle être décidée, comme certains le préconisent, pour faire face à la contagiosité du variant Omicron ?
Je pense que c’est une fausse bonne idée. Le FFP2 peut être difficile à supporter longtemps lorsqu’il est bien utilisé. Il pourrait y avoir un mésusage généralisé ailleurs que dans les établissements de santé et pour les soignants. Il faudrait plutôt arriver à faire respecter le port du masque chirurgical pour tous là où il est nécessaire. Quand on est seul en extérieur ou dans une ambiance où les personnes sont très espacées, il n’y a pas d’intérêt à le porter, même avec ce variant beaucoup plus contagieux.
Pourrait-il, comme l’évoque notamment le ministre de la Santé Olivier Véran, former la dernière vague de l’épidémie ?
C’est une idée reprise par un certain nombre de personnes depuis un petit moment. Avec plus de 200.000 cas par jour et une gravité moindre, il devrait améliorer l’immunité globale. D’autant plus qu’il compléterait la vaccination qui est basée sur des variants différents. Petit à petit ils ont gagné en contagiosité et leur pathogénie, après un plateau, a désormais tendance à décroître. On peut penser que ça continue comme ça et que le Covid devienne, à terme, la « petite gripette » que certains évoquaient par erreur au début.