Journée de lutte contre le sida : « L’ouverture aux généralistes, c’est la démocratisation de la PrEP »
MEDICAMENT•Si ce traitement préventif existe depuis 2016, ce n’est que depuis le 1er juin 2021 que les médecins généralistes peuvent en faire une première prescription, permettrant sa démocratisationManon Aublanc
L'essentiel
- La PrEP est traitement préventif, destiné aux séronégatifs, qui permet d’éviter d’être infecté par le virus du sida. Depuis le 1er juin 2021, tous les médecins, et notamment les généralistes, peuvent en faire la première prescription.
- Après une grosse diminution au début de la pandémie de Covid-19, l’utilisation de la PrEP a redémarré ces derniers mois, selon un rapport officiel de la structure Epi-Phare, publié ce mercredi.
- A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, 20 Minutes fait le point sur le succès de ce traitement préventif.
Après avoir fortement diminué au début de l’épidémie de coronavirus, notamment pendant la période du premier confinement, l’utilisation de la PrEP, le traitement préventif qui permet d’éviter d’être infecté par le virus du sida, remonte progressivement, révèle un rapport d’Epi-Phare, qui associe l’Assurance maladie (Cnam) et l’Agence du médicament (ANSM), publié ce mercredi.
Si les Français ont retrouvé (quasiment) « leur vie d’avant », et ont notamment renoué avec une belle activité sexuelle, c’est surtout l’ouverture de la première prescription de PrEP depuis le 1er juin à tous les médecins, dont les généralistes, qui a permis de faire remonter les chiffres des bénéficiaires. Une énorme avancée quand on sait que les généralistes ne pouvaient que renouveler l’ordonnance, la première prescription pouvait être faite que par les médecins exerçant à l’hôpital ou dans un centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD).
Une démocratisation du traitement
Après une baisse de 40 à 80 % par rapport au début de l’année 2020 en raison de l’épidémie de coronavirus, le nombre de bénéficiaires de la PrEP est reparti à la hausse au premier trimestre 2021, avec plus de 26.000 personnes sous traitement en France, soit pour la première fois soit en renouvellement. Et pour cause, depuis le 1er juin, tous les médecins, et notamment les généralistes, peuvent délivrer la première prescription de ce traitement. « L’ouverture aux généralistes, c’est la démocratisation du traitement en quelque sorte. Certains n’avaient pas d’hôpital ou de centre près de chez eux, l’accès n’était pas forcément évident », reconnaît Camille Spire, présidente d’Aides auprès 20 Minutes, qui espère que cet élargissement pourrait convaincre davantage de personnes de prendre le traitement.
Et à lire les témoignages reçus par 20 Minutes, le traitement présente de nombreux bénéfices. « La PrEP m’a permis de vivre une sexualité plus épanouie où la question du statut sérologique du partenaire n’est plus un stress », explique par exemple Mattéo, 33 ans, qui prend traitement ce préventif destiné aux personnes séronégatives pour éviter une contamination par le VIH lors de rapports sexuels sans préservatif. Pour Thomas, 34 ans, qui le prend depuis janvier 2020, c’est d’abord le fait d’être acteur de sa propre santé qui a motivé sa décision : « Ce qui a changé, c’est une certaine assurance. Sans forcément être sexuellement actif, je sais qu’avec la prise de la PreP de manière rigoureuse, je n’aurais jamais le VIH. Je suis acteur de ma propre santé, c’est moi qui choisis de me protéger ».
Avantages et efficacité
Et s’il séduit autant, c’est que le traitement est efficace à plus de 86 %. « C’est une arme de plus et toutes les armes sont bonnes à prendre. C’est une méthode extrêmement efficace, les seules exceptions sont des patients qui n’avaient pas correctement pris le traitement », détaille Charles Roncier, journaliste spécialiste des questions du VIH, co-auteur du podcast «La Bascule» et rédacteur en chef adjoint du site vih.org. C’est la raison qui a poussé Benoît, 41 ans, à prendre la PrEP, après avoir été exposé au VIH : « J’ai décidé de prendre la PrEP pour mieux me protéger après plusieurs traitements poste exposition (TPE) », raconte-t-il, précisant même prendre le temps d’expliquer les bienfaits du traitement à tous ses partenaires sexuels.
Le traitement, qui se présente sous la forme d’un cachet, « peut se prendre soit chaque jour en continu si on a des relations sexuelles régulières, soit par intermittence, si on en a besoin à un moment précis », poursuit Charles Roncier. Si le traitement est pris par intermittence, c’est-à-dire en fonction de l’activité sexuelle, « le protocole est strict, il faut le respecter à la règle, avec un comprimé avant, pendant et après le rapport », ajoute le spécialiste.
L’autre point fort de la PrEP, c’est qu’il n’est pas couplé à l’acte sexuel, comme peut l’être le préservatif. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Alexis, 40 ans, a choisi de prendre le traitement : « Ça me permet de vivre beaucoup plus librement et simplement ma sexualité, mais aussi de la développer. Le fait d’utiliser le préservatif casse un peu le rapport. Sans, je trouve ça beaucoup plus fluide ». Pour autant, pas question de se passer du préservatif, « c’est un outil complémentaire, il ne le remplace pas », met en garde la présidente d’Aides.
Encore trop peu de bénéficiaires
Car le traitement s’adresse tout le monde, femmes et hommes, mais particulièrement aux personnes qui n’utilisent pas systématiquement le préservatif lors de leurs rapports sexuels et qui ont un risque de contracter le VIH. Pour Charles Roncier, le traitement, qui est entièrement pris en charge par la Sécurité sociale à partir de 15 ans, « s’adresse à toutes les personnes qui estiment en avoir besoin ».Selon le rapport « Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH », publié en 2015, l’utilisation de la PrEP est recommandée pour « les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes) séronégatifs » et « les personnes transgenres ayant des relations sexuelles à haut risque d’acquisition du VIH ». « On aimerait que le traitement se généralise auprès de tous les publics qui ont des pratiques à risques, pas seulement les HSH », estime, de son côté Camille Spire, présidente d’Aides auprès 20 Minutes.
Selon le rapport d’Epi-Phare, publié ce mercredi, les utilisateurs de la PrEP sont « majoritairement des hommes de 35 ans en moyenne résidant en Ile-de-France » et il s’agit « principalement d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ». « Il y a encore très peu de femmes qui prennent la PrEP en France, en raison d’un manque de communication, mais on espère que ça va changer », plaide Charles Roncier.
Pour les spécialistes, si les prescriptions remontent, les chiffres restent toujours en deçà des objectifs. « On note une progression, mais ce n’est pas encore suffisant », regrette Camille Spire, qui mise sur l’ouverture aux médecins pour faire grimper les prescriptions. « Il y a eu en 2019, pour la première fois, une baisse de contamination en France. La PrEP n’est évidemment pas le seul facteur, mais il a contribué à la baisse des contaminations, c’est certain », assure la présidente d’Aides, qui ajoute : « Ça fait partie de l’arsenal des outils qui nous permettent de dire qu’on peut éradiquer l’épidémie de sida d’ici 2030 ».