PARENTALITEAndréa, trois enfants, se bat contre les clichés sur le VIH et la maternité

Journée mondiale de lutte contre le sida : Comme Andréa, on peut parfaitement être séropositive et maman

PARENTALITEA l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, l’association Aides s’attaque aux stéréotypes, notamment concernant la grossesse
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Ce mercredi, c’est la Journée mondiale de lutte contre le sida. Quarante ans après l’apparition des premiers malades du VIH, les progrès thérapeutiques ont révolutionné la vie des patients.
  • Quand le virus est connu tôt, les trithérapies permettent d’avoir une charge virale faible, voire indétectable. Et ces personnes peuvent continuer à travailler, vivre en couple et avoir des enfants. Ce que certains ignorent encore.
  • La campagne d’Aides intitulée « Le VIH n’empêche pas de vivre, les préjugés oui » donne la parole à cinq personnes sur les réseaux sociaux. Andréa, 29 ans et trois enfants, espère tordre le cou aux clichés sur le VIH et la maternité.

«Le VIH ne m’empêche pas d’avoir des enfants. Les préjugés, oui ». C’est Andréa, 29 ans, qui résume, face caméra, son combat. Certaines femmes séropositives doivent en effet éduquer leurs proches pour qu’ils comprennent que ce virus, quand il est sous contrôle, ne contrecarre pas leurs projets de grossesse.

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Les clichés sur la séropositivité et la grossesse, Andréa les bat en brèche en s’appuyant sur son histoire. A 22 ans, son compagnon de l’époque lui demande de se faire tester. Résultat positif au VIH. « Les proches de mon ex m’ont dit que je ne pourrais jamais lui donner d’enfant. Certains pensent qu’une femme séropositive n’a pas droit à la maternité. Un jour, j’ai eu un commentaire sous une vidéo publiée sur Internet d’une dame expliquant que les femmes qui ont le sida et veulent des enfants sont irresponsables. »

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Aujourd’hui, Andréa s’occupe de trois bambins de 5 ans, 2 ans et 7 mois. Et à l’occasion ce mercredi de la Journée mondiale de lutte contre le sida, elle espère faire bouger les lignes sur la grossesse et le VIH.

Des grossesses presque normales la plupart du temps

« Le VIH ne change rien à la fertilité et la grossesse n’aggrave pas la maladie », rassure d’emblée Jeanne Sibiude, gynécologue-obstétricienne à l’hôpital Louis Mourier, à Colombes (Hauts-de-Seine). Et de décrire trois situations.

La plupart du temps, la grossesse se déroule quasi normalement. « Quand on a une patiente séropositive, le risque principal est la transmission du virus au bébé, reprend la gynécologue. Elle a lieu la majorité du temps pendant l’accouchement. Au lieu de faire une prise de sang tous les six mois, ce sera tous les mois, pour vérifier que la charge virale reste indétectable [donc intransmissible] pendant la grossesse. » Ce qui a été le cas pour Andréa. « Mes trois grossesses se sont très bien passées, confirme-t-elle. Je voyais chaque mois l’infectiologue pour contrôler ma charge virale et la toxoplasmose. Et j’avais rendez-vous avec l’obstétricien chaque mois. Mon traitement n’a pas changé. » Rien d’étonnant à cela. « Beaucoup de trithérapies sont compatibles avec la grossesse, souligne Jeanne Sibiude. Si les molécules sont contre-indiquées, l’infectiologue va donner un équivalent. Ces femmes peuvent accoucher par voie basse sans problème. »

« L’annonce du VIH peut être traumatisante et difficile à assumer devant la famille »

Deuxième situation : certaines femmes découvrent leur séropositivité en cours de grossesse. En France, le dépistage du VIH est obligatoire au premier trimestre. « Dans ce cas, la charge virale est souvent élevée, souligne Jeanne Sibiude. Il faut alors que la trithérapie soit efficace avant l’accouchement. Sans compter que l’annonce du VIH peut être traumatisante et difficile à assumer devant la famille. »

Troisième cas de figure : quand une femme est non seulement séropositive, mais qu’elle a atteint le stade sida et que la trithérapie n’a pas réussi à booster son immunité. « Elles risquent d’attraper d’autres infections : tuberculose, pneumocystose [une mycose pulmonaire], sarcome de Kaposi [des lésions cutanées], reprend la gynécologue-obstétricienne. Ce qui se traduit par un cocktail de médicaments, des hospitalisations prolongées. Mais cela représente moins de 5 % de l’ensemble des femmes atteintes du VIH qu’on prend en charge. »

Soutien des parents, bienveillance des soignants

La vraie différence, qui concerne cette fois-ci toutes les mères séropositives, c’est le fait qu’elles ne peuvent pas allaiter. « En France, on contre-indique l’allaitement pour éviter un petit risque de transmission, mais ce n’est pas le cas dans tous les pays », reprend la gynécologue.

Un petit regret pour Andréa, qui se félicite en revanche d’avoir reçu un soutien sans faille de sa famille. « Mes parents étaient très contents quand ils ont su que j’étais enceinte. Si les médecins acceptaient une grossesse, c’est que tout était maîtrisé ! » De même, le personnel soignant a été « magnifique. Ils m’ont traité comme une patiente normale, avec beaucoup de douceur, d’empathie. Je n’ai pas senti de crainte de l’obstétricien à l’infirmière. Je ne m’y attendais pas… »

Seulement 0,3 % des bébés sont séropositifs

L’autre bonne surprise pour Andréa, c’est que ses trois enfants n’ont aucune trace du virus. « Avant de découvrir que j’étais porteuse du VIH, je ne savais pas qu’une femme séropositive pouvait mettre au monde un enfant séronégatif », reconnaît-elle. Un préjugé partagé. Selon une enquête d’Aides, 81 % des Françaises et Français pensent qu’une femme enceinte porteuse du VIH risque de le transmettre à son futur enfant.

Pourtant, les progrès en la matière sont édifiants. « Sans traitement, dans les années 1990, le pourcentage de transmission de la mère au nouveau-né se situait entre 20 et 40 %, retrace Jeanne Sibiude. Aujourd’hui, on est à moins de 0,3 %. Soit un enfant séropositif sur 1.000 à 1.500 femmes séropositives qui accouchent en France par an. C’est un des grands succès de la médecine moderne. »

« On devrait avoir peur du VIH, pas des personnes qui vivent avec »

Malgré tout, « les stéréotypes sont encore très forts, c’est sûr », confirme Jeanne Sibiude. Ils viennent nourrir la peur de révéler ce secret pesant. La chercheuse suit une cohorte d’environ 1.000 femmes séropositives dans 90 maternités françaises depuis des décennies. « Depuis les années 1990, le pourcentage de femmes qui gardent leur séropositivité secrète n’a pas évolué : on est autour de 50 %. »

« « Une personne séropositive sous traitement n’est pas un danger. » »

Pendant des années, Andréa a tu cette séropositivité, elle aussi. Mais il y a un an tout pile, pour la Journée mondiale contre le sida, elle a accepté de partager son vécu sur Instagram. « Ce n’était pas possible de continuer à vivre dans le secret, comme si on avait fait quelque chose de mal. Déjà qu’on prend un traitement à vie, il ne faudrait pas rajouter la culpabilité… » Avant de se lancer dans la confession sur le Toile, elle a brisé le silence auprès de ses parents, ses amis, puis ses connaissances…

« Au fur et à mesure que je le disais, ça devenait moins grave. » Voilà pourquoi elle espère aider d’autres personnes séropositives en se faisant la porte-parole d’Aides cette année. « Une personne séropositive sous traitement n’est pas un danger. Elle peut se marier, voyager, faire des enfants, vivre une vie normale. On n’est pas parias, des pestiférés, des mauvaises personnes. On devrait avoir peur du VIH, pas des personnes qui vivent avec. Parce qu’en attendant, le virus continue à circuler et la sérophobie d’exister. »