Les sages-femmes manifestent pour plus d’effectifs et de reconnaissance

Paris : « Y’a pas que le périnée qui craque »... Les sages-femmes manifestent à nouveau

GREVECes professionnels de santé réclament des effectifs supplémentaires, davantage de reconnaissance et une 6e année d'étude
M.F avec AFP

M.F avec AFP

«Sages-femmes en voie d’extinction », « Mise à mort des sages-femmes », « Les sages-femmes se saignent – Stop à l’hémorragie » ou encore « Y’a pas que le périnée qui craque »… Lors de la manifestation des sages-femmes ce jeudi à Paris, leurs pancartes en disent long sur leur ras-le-bol. S’estimant « oubliées » et « méprisées », elles étaient quelque 3.500 selon la police à battre le pavé.

« On vient exprimer notre souffrance avant que la profession ne disparaisse » par manque d’attractivité, explique Marie Coudene Medico, sage-femme libérale à Montpellier. « Les conditions de travail se dégradent. Le métier ne fait plus rêver. Des sages-femmes démissionnent », égrène Caroline Cutuil, sage-femme libérale à Grenoble.

« Débuter à 1.600 euros… C’est juste plus possible »

A l’appel de plusieurs syndicats (ONSSF, UNSSF, ANESF, CGT, CFDT, CFTC…), les manifestantes et manifestants se sont rassemblés à Montparnasse pour gagner le ministère de la Santé aux sons de spéculums qui claquent et du slogan « Sages-femmes en colère » scandé en chœur. « Au vu de la technicité des études que nous faisons, des compétences et des responsabilités que nous avons, c’est clair que débuter à 1.600 euros… C’est juste plus possible », avait détaillé, avant la mobilisation, Anick Rabaud, sage-femme de la protection maternelle et infantile (PMI) dans le sud de la France.

La profession (97 % de femmes) a été déçue par les dernières revalorisations annoncées par le gouvernement, qui de son côté a mis en avant une hausse de 360 euros net par mois pour les sages-femmes hospitalières (les trois quarts des effectifs), si on prend en compte les augmentations liées au Ségur de la santé. Un mouvement de grève national avait été lancé le 24 septembre. Jeudi était la 6e journée de mobilisation depuis le début de l’année.

« On devient des machines »

Les effectifs et les conditions de travail sont au cœur des revendications. « Dans les maternités parisiennes, c’est catastrophique, avec parfois jusqu’à 20 postes vacants. On devient des machines », dénonce Aurélie De La Calle, sage-femme hospitalière à Port Royal. « Cette situation est dangereuse pour les sages-femmes mais aussi pour les femmes en général », poursuit Caroline Cutuil. « Pour protéger les femmes, protégez les sages-femmes », « Sexisme d’Etat : si les hommes accouchaient, le problème serait réglé » pouvait-on lire sur des pancartes.

Justine Schoeffel, sage-femme hospitalière et membre du conseil d’administration de l’ONSSF, insiste sur « la nécessité d’un vrai statut médical dans la fonction publique » pour les sages-femmes. « Métier formidable, statut fort minable », « A deux doigts de la rupture », « Sur tous les fronts pour pas un rond » flottaient au-dessus du cortège.

« Manque de reconnaissance et mépris » des pouvoirs publics

Souvent exclusivement associées à la grossesse, les sages-femmes ont vu au fil du temps leurs compétences s’élargir. Elles peuvent assurer des consultations de gynécologie préventive auprès des femmes en bonne santé ou prescrire et pratiquer des IVG médicamenteuses. Pourtant « tous les jours », dans son cabinet, Charlotte Baudet-Benzitoun, sage-femme échographiste en région Occitanie, dit entendre : « Je ne savais pas que vous pouviez faire des frottis », « Je ne savais pas que vous pouviez faire le suivi gynécologique », « et le gynéco, je le vois quand ? »

Ce « défaut d’information, imputable aux pouvoirs publics » reflète, pour elle et l’ONSSF dont elle est secrétaire générale adjointe, « le manque de reconnaissance et le mépris » qu’ils éprouvent pour la profession et pour celles qui la pratiquent.

« 7 étudiants sur 10 présentaient des symptômes dépressifs »

Les étudiantes étaient également venues en nombre. « On réclame une 6e année d’étude pour pouvoir étaler nos cours et nos stages et approfondir nos connaissances », explique Emie Jourdain de l’Association nationale des étudiants sages-femmes (ANESF), arguant que « 7 étudiants sur 10 présentaient des symptômes dépressifs » du fait de la lourdeur de la formation.

Sur twitter, des médecins ont apporté leur appui à la mobilisation : « Les gynécologues obstétriciens de Trousseau soutiennent les sages-femmes ». Même message envoyé du CHU de Lille, de la maternité de Bourges, de Port-Royal… Dans le cortège parisien avaient pris place la maire de la capitale Anne Hidalgo (PS), l’ex-candidate à la primaire écologiste Delphine Batho ou encore la conseillère de Paris Danielle Simonnet (LFI). Le cabinet du ministre de la Santé Olivier Véran devait recevoir jeudi chacun des syndicats et organisations professionnelles de sages-femmes « l’ayant souhaité », a-t-il indiqué.