Coronavirus : Un pass sanitaire local à l’étude par le gouvernement, une mesure sensée ou un pari risqué ?
EPIDEMIE•La possibilité de mettre en place un pass sanitaire territorialisé devrait être à l’ordre du jour du prochain Conseil de défense, ce mercrediA.B.
L'essentiel
- La territorialisation du pass sanitaire devrait être étudiée par le gouvernement ce mercredi à l’occasion d’un Conseil de défense.
- Les restrictions pourraient être allégées dans les départements où le coronavirus circule le moins.
- Mais cette mesure est-elle sans risque ?
Assouplir là où c’est possible. Renforcer là où c’est nécessaire. Et si l’heure était au pass sanitaire territorialisé ? Alors que l’épidémie de Covid-19 poursuit sa décrue en France, le gouvernement envisage d’adapter le pass sanitaire à l’échelle locale, en fonction de l’évolution de la situation dans chaque département. Emmanuel Macron s’est dit prêt jeudi dernier à « lever certaines contraintes » dans les « territoires où le virus circule moins vite ». S’il n’a pas donné d’échéancier, cette possibilité devrait être étudiée lors d’un Conseil de défense prévu ce mercredi, comme l’a indiqué le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, dimanche sur BFMTV.
« Est-ce que dans un certain nombre de territoires, on peut adapter les choses ? On espère pouvoir adapter nos règles et donc le pass sanitaire à la circulation du virus. (…) Mais je préfère qu’on garde le pass sanitaire plutôt que de devoir reconfiner », a-t-il expliqué. Mais à quoi ce pass sanitaire local pourrait-il ressembler ? Comment lâcher du lest tout en maintenant l’épidémie sous contrôle ?
L’évolution de l’épidémie permet-elle d’envisager un pass sanitaire local ?
Selon les derniers chiffres publiés dimanche, oui, estime le gouvernement, qui évoque une situation sanitaire qui « s’améliore ». Le nombre de malades atteints du Covid-19 continue de reculer, avec 8.887 patients à l’hôpital. Et le taux de positivité est au plus bas depuis la mi-juillet.
En métropole, « on a une tendance à la baisse qui est robuste », confirme l’épidémiologiste Mircea Sofonea. Et en Outre-Mer, la situation s’améliore aussi par endroits. Ainsi, la circulation du virus la semaine dernière « diminuait toujours en Martinique et en Guadeloupe », indique Santé publique France. Toutefois, malgré des admissions hospitalières en baisse, un excès de mortalité persiste. Et en Guyane, si le taux d’incidence est stabilisé, on observe « une augmentation des hospitalisations ».
Mais la couverture vaccinale dans l’Hexagone conforte le gouvernement dans l’idée d’envisager des assouplissements locaux. Vendredi, le cap des 50 millions de Français ayant reçu au moins une dose de vaccin a été franchi.
Quelles pourraient être les modalités de ce pass sanitaire local ?
« Toute la question est de savoir comment relâcher les contraintes en maintenant l’épidémie sous contrôle », synthétise Mircea Sofonea. « Il y a évidemment plus d’enjeux à maintenir le pass sanitaire au cœur d’une agglomération, en particulier dans des lieux bondés où l’air ne peut être renouvelé, que dans des territoires ruraux », précise-t-il.
« Les restrictions pourraient être allégées progressivement », à condition que la situation continue de s’améliorer, a déclaré dimanche Olivier Véran. « Lorsque vous êtes dans une période de décroissance d’une vague épidémique, que le virus circule moins, nous respectons ce principe de proportionnalité et de territorialisation des mesures, c’est-à-dire que nous devons être capables de dire "cette mesure-là n’est plus indispensable dans ce territoire à ce moment-là" », a-t-il ajouté lundi.
Gabriel Attal a quant à lui rappelé que le taux d’incidence est « très faible » dans une trentaine de départements, avec moins de 50 cas pour 100.000 habitants. Le gouvernement pourrait commencer par lâcher du lest dans ces territoires. L’épidémiologiste Antoine Flahault estime sur Twitter qu'« au-dessous de 30 cas pour 100.000 habitants d’une population sur une semaine, on entre en zone verte : pass et gestes barrières sont probablement moins nécessaires, à condition que les autorités sanitaires restent vigilantes et réinstaurent ces mesures dès le seuil dépassé ».
La couverture vaccinale locale pourrait également être étudiée, notamment dans les départements ultramarins, où le taux de vaccination est encore assez faible. Sur la forme, les jauges pourraient être révisées dans certains lieux, et du côté des restaurateurs, on nourrit l’espoir d’accueillir de nouveau en terrasse des clients sans pass sanitaire.
Quels risques le pass sanitaire local fait-il peser sur l’épidémie ?
En raison de la baisse actuelle de l’épidémie, « même s’il y avait un rebond important, cela prendrait un certain temps avant de s’observer en population générale », juge Mircea Sofonea. Mais la rentrée scolaire et l’arrivée de l’automne, qui pourraient toutes deux accélérer à nouveau la circulation du coronavirus, sont autant de risques à prendre en considération, ajoute l’épidémiologiste. Sans oublier qu’une proportion non négligeable de Français n’a à ce jour pas encore été vaccinée.
Autre facteur problématique : « L’adhésion aux mesures barrières tend à baisser, certaines d’entre elles étant moins suivies chez les vaccinés », prévient Santé publique France dans son dernier bulletin épidémiologique. Alors, ce pass sanitaire local « (serait) une énorme erreur, a déclaré l’épidémiologiste Catherine Hill dimanche sur BFMTV. Les gens vont pouvoir aller tranquillement dans le département d’à côté – s’ils n’ont pas de pass sanitaire ou ne veulent pas se faire vacciner – et vont contaminer autour d’eux dans les restaurants, les cinémas… Il reste 17 millions de gens qui ne sont pas protégés (…), c’est comme cela que le virus circule, et il va circuler partout. La régionalisation [des mesures] n’a jamais fonctionné ».
Le pass sanitaire sera-t-il abandonné après le 15 novembre ?
Pour le gouvernement, il n’en est pas question. Un projet de loi pour proroger le pass sanitaire au-delà du 15 novembre « est en cours d’élaboration et sera présenté le 13 octobre en Conseil des ministres », a annoncé ce lundi l’entourage du Premier ministre, Jean Castex.
« Il nous faut une loi qui, dans la durée, sans nous imposer d’utiliser l’outil, nous permet de l’utiliser si la situation l’exige », a ensuite justifié le ministre de la Santé, Olivier Véran. Selon lui, le gouvernement pourra aussi bien « l’actionner quand il le faut » que « l’alléger lorsque c’est possible » en fonction de la situation épidémique.