Coronavirus : Contagiosité, vaccin, effets... Pourquoi les enfants souffrent davantage du variant Delta
EPIDEMIE•Les enfants semblent plus sensibles face au variant Delta que face aux souches précédentes du Covid-19Anissa Boumediene
L'essentiel
- Jusqu'à présent très peu touchés par le coronavirus, les enfants sont aujourd'hui plus fréquemment contaminés par le Covid-19.
- En cause, la progression du variant Delta, à la transmissibilité beaucoup plus élevée que les souches précédentes du virus.
- A ce jour, les enfants de moins de 12 ans ne sont pas éligibles à la vaccination anti-Covid.
Plus que quelques jours avant la rentrée des classes ! Le 2 septembre, des millions d’enfants reprendront le chemin de l’école après un été marqué par la propagation exponentielle du variant Delta. Un variant qui, à la différence des souches qui l’ont précédé, affecte davantage les enfants, comme le montrent les chiffres des contaminations chez les plus jeunes, et qui fait craindre un nouveau rebond épidémique au sein de cette jeune population non-vaccinée.
Mais pour les autorités sanitaires, s’il est nécessaire de faire progresser encore la vaccination anti-Covid chez les adolescents, celle des moins de 12 ans n’est cependant pas à l’ordre du jour.
Des taux d’incidence en hausse chez les enfants de tous âges
Désormais, le variant Delta est identifié dans « 98,7 % » des échantillons séquencés, indique Santé publique France dans son dernier bulletin épidémiologique. Un variant beaucoup plus contagieux : sa transmissibilité est « environ 2 fois plus » élevée que « les virus historiques et que les variants Alpha (environ 40 à 60 % plus transmissible), Beta (environ 60 %) et Gamma (environ 30 %) », relevait fin juillet Santé publique France dans une analyse de risque sur les variants émergents. Une haute transmissibilité associée à une charge virale démultipliée, environ « 1.260 fois plus élevée que la souche historique », pointait une étude menée par des chercheurs du Centre de contrôle et de prévention des maladies de Guangzhou en Chine, prépubliée sur le site medRxiv.
Conséquence : une explosion du nombre de malades, et, par ricochet, une hausse des contaminations observée également chez les enfants, jusqu’alors très peu contaminés. « Chez les jeunes enfants, les taux d’incidence sont en augmentation dans toutes les classes d’âge : 65 [cas] pour 100.000 habitants chez les 0-2 ans (soit +17 %), 95 chez les 3-5 ans (+15 %) et 200 chez les 6-10 ans (+14 %) », relève Santé publique France. Un variant Delta qui peut rendre malade dès les premiers jours de vie. Depuis quelques jours, des pédiatres constatent une recrudescence des cas Covid chez les nourrissons, le plus souvent contaminés par des parents non-vaccinés.
Ainsi, chez les enfants de 0 à 9 ans, les contaminations ont été multipliées par 10 en quelques semaines, passant de 856 cas recensés entre le 21 et le 27 juin à 8.516 nouveaux cas enregistrés entre le 2 et le 8 août, selon les données collectées par CovidTracker.
Peu de risques de formes graves, mais un réservoir de circulation du virus
Une hausse des contaminations qui s’accompagne d’une augmentation des hospitalisations. A ce jour, 56 enfants Covid de moins de 10 ans sont hospitalisés en France, dont 7 en réanimation. Des chiffres certes en hausse, mais faibles, attestant des risques peu élevés de formes graves de Covid-19 chez les enfants. Mais « mathématiquement, il y aura davantage d’enfants infectés, avec le risque d’être hospitalisés ou de faire des formes graves », redoute le Pr Robert Cohen, pédiatre infectiologue, et président du Conseil national professionnel de pédiatrie ; alors que depuis le début de l’épidémie, la France a déploré moins d’une dizaine de décès d’enfants pour 5.000 hospitalisations et 700 passages en réanimation.
Car si aujourd’hui, plus de 70 % de la population en France a reçu au moins une première dose de vaccin, « il reste une population vulnérable » : les moins de 12 ans et les 42 % de 12-17 ans qui ne sont pas encore vaccinés, souligne l’épidémiologiste Antoine Flahault. Une population jeune qui constitue un réservoir potentiellement important de circulation du virus dès les prochains jours avec la rentrée scolaire, et qui pourrait entraîner un nouveau rebond épidémique. « Il va y avoir un brassage, on va remettre en contact des individus qui ne se sont pas vus, venant d’endroits différents », notamment de zones touristiques où le virus a beaucoup circulé, prévient l’épidémiologiste Mircea Sofonea. Et « une fois infectés, [les enfants] trouveront facilement chez leurs proches les 5 % de population (à risque) qui suffisent à faire une vague », renchérit Antoine Flahault.
Ainsi, selon Arnaud Fontanet de l’Institut Pasteur, les modèles de son centre de recherche prévoient que « la moitié des nouvelles infections auront lieu chez les enfants à partir de l’automne ». Un scénario découlant directement des spécificités du variant Delta. Alors qu’auparavant, les enfants transmettaient moins le Covid-19 que les adultes, « avec un variant deux à trois fois plus transmissible, les enfants sont maintenant aussi contagieux que l’étaient les adultes avec les souches précédentes », souligne le Pr Cohen.
Mais pas de vaccination prévue pour les moins de 12 ans
Alors, faut-il vacciner les plus jeunes ? A ce jour, 58 % des 12-17 ans ont reçu une première dose, selon les chiffres du ministère de la Santé au 23 août. « Un chiffre très encourageant », commente le Pr Cohen, qui reçoit ces jours-ci « énormément d’appels de parents décidés à vacciner leurs enfants » avant la rentrée. « Il faut les vacciner pour limiter la circulation du virus », a-t-on indiqué mardi au ministère de la Santé, lors du briefing hebdomadaire sur la vaccination. Dès septembre, des campagnes sont ainsi programmées en milieu scolaire.
Pour autant, la vaccination n’est « pas d’actualité » pour les enfants de moins de 12 ans, a rappelé il y a quelques jours le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer. Mi-juin, les pédiatres ne la recommandaient d’ailleurs pas pour les plus jeunes. Mais ça, c’était avant la déferlante Delta. « Nous étions très mitigés et préconisions de se concentrer sur les adultes, mais Delta a changé la donne », confirme le Pr Cohen, qui craint que le Covid-19 ne se transforme en « une maladie pédiatrique », si le virus ne circule que chez les non vaccinés, donc surtout les enfants.
Des études cliniques en cours sur la vaccination des plus jeunes
Or, « la sévérité du Covid-19 n’est pas à négliger » chez les enfants, insiste Mircea Sofonea, soulignant les « 5 à 20 % » de Covid longs, susceptibles de toucher aussi les enfants, avec des symptômes « pouvant affecter leur qualité de vie voire avoir des retentissements cognitifs ». « Une étude britannique évalue de 4 à 8 % la proportion d’enfants ayant développé un Covid long », ajoute Antoine Flahault. Sans oublier le syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique (Pims), dont environ 500 cas ont été répertoriés en France depuis l’apparition du Covid-19.
Pour Mircea Sofonea, avec un variant Delta plus contagieux et virulent, selon des études canadiennes et écossaises, il y a clairement plus de bénéfices qu’auparavant à vacciner également les plus jeunes. Les laboratoires américains Pfizer et Moderna ont d’ailleurs déjà lancé des études cliniques sur la vaccination des moins de 12 ans. Des essais en phase 2 et 3 [phases sur la tolérance et l’efficacité du vaccin, préalables à toute autorisation], dont les premiers résultats sont attendus au plus tôt à la fin de l’année. Les autorisations d’utilisation, elles, ne seraient donc pas accordées avant 2022.