EPIDEMIEPourquoi le contrôle du pass sanitaire est loin d’être infaillible

Pass sanitaire : Pourquoi son contrôle dans les lieux accueillant du public est loin d’être infaillible

EPIDEMIED’un point de vue logistique, mais également juridique, la vérification du pass sanitaire dans un bon nombre de lieux pose question
Marie de Fournas avec AFP

Marie de Fournas avec AFP

L'essentiel

  • A partir de ce lundi, il est obligatoire de présenter un pass sanitaire pour effectuer un long voyage, se rendre dans un café, restaurant, bar, musée ou encore cinéma.
  • Le contrôle du pass doit être effectué par les établissements, alors que certains manquent déjà de personnel.
  • La vérification du pass sanitaire implique aussi celle de l’identité de la personne qui le présente. Or ce contrôle est encadré par la loi et ne peut légalement pas être réalisé par n’importe qui.

Des failles et des limites. Depuis ce lundi, les bars, cafés, restaurants, TGV, cinémas ou encore musées doivent assurer le contrôle des pass sanitaires de leurs clients et visiteurs. La loi indique que toute personne de plus de 18 ans souhaitant se rendre dans ces lieux doit présenter la preuve d’un schéma vaccinal complet, ou bien un test négatif de moins de 72 heures ou encore un certificat de test positif au Covid d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois. Le texte précise que c’est aux gérants des établissements d’assurer le contrôle de la validité du précieux sésame. Sur le papier tout semble simple, mais dans la pratique, les choses le sont beaucoup moins. 20 Minutes fait le point.

Les entreprises ont-elles les moyens logistiques de contrôler leurs clients ?

Pour Christina, gérante d’un café près de la gare des Chantiers à Versailles, la réponse est non. « On contrôlera après le rush, quand les gens seront assis et qu’ils prendront vraiment le temps », indique-t-elle à l'AFP. « Cela pose des problèmes logistiques surtout en extérieur avec les terrasses où les gens peuvent entrer de partout et s’asseoir », affirme à 20 Minutes Laurent Lutse, président Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) Cafés, Brasseries et Établissements de Nuit.

Alors que l’hôtellerie-restauration manque déjà de main-d’œuvre pour la saison, « contrôler les pass sanitaires nécessite pour certains établissements l’embauche d’un nouveau salarié », affirme le président de l’Umih. « Je suis tout seul, comment voulez-vous que je serve tout le monde et que je contrôle en même temps ? », demande José, gérant d’un café versaillais interrogé par l'AFP. Si des machines avec un système de scanner permettent de remplacer un employé, « leur location revient à environ 350 euros par mois, à la charge de l’établissement bien sûr », indique Laurent Lutse. En Vendée, le syndicat a dû lancer un appel à des retraités bénévoles afin de trouver des personnes qui accepteraient d’effectuer cette tâche.

Du côté de la SNCF, les choses ont pu être mieux anticipées. Pour rappel, les personnes effectuant des trajets à bord de TGV Inoui et Ouigo, d’Intercités ou encore de trains internationaux longue distance, sont soumis au pass sanitaire. Il y a un peu plus de 10 jours, le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou avait assuré que les contrôleurs seraient prêts le 9 août pour ces vérifications. Ce dernier avait précisé que les contrôles seraient « massifs », mais pas systématiques, « parce qu’on ne sait pas faire, tout simplement ». Le PDG avait en outre indiqué que les contrôles du pass seront effectués « plutôt au sol », mais qu’il pourra « aussi y avoir des contrôles à bord ». En gare de Dijon, un employé SNCF disait ce lundi à l'AFP pourtant qu’il n’y avait pour l’instant pas de contrôle en gare « mais seulement dans les trains ».

A quelles sanctions s’exposent les entreprises en cas de non-vérification des pass ?

Sur son site internet, le gouvernement indique que « les commerçants et professionnels ne contrôlant pas le pass s’exposent à une mise en demeure et une éventuelle fermeture temporaire de l’établissement ». En cas de récidive, cela peut aller jusqu’à une peine d’un an de prison et une amende de 9.000 €. Christina, la gérante de café à Versailles interrogée par l'AFP, assure de son côté avoir peur des sanctions, mais ne pas trop s’en préoccuper tôt le matin où elle ne craint pas trop les contrôles de police.

Laurent Lutse regrette que le gouvernement n’ait pas mis en œuvre les moyens « pour former le personnel sur la posture à adopter et les réactions à avoir face à des clients récalcitrants ». Pour l’instant, chacun fait donc comme il peut. C’est le cas de Stéphane Latour, patron de la Brasserie du passage Saint-Michel de Bordeaux, qui indique à l'AFP avoir refusé de servir en terrasse une jeune femme, cliente habituelle, qui n’a pas encore reçu sa deuxième dose de vaccin, et tente de calmer son mécontentement. « A part quelques-uns, les gens comprennent. S’ils n’ont pas le pass, ils prennent des cafés à emporter », confie-t-il.

Les établissements accueillant du public ont-ils le droit de contrôler l’identité de leur client ?

Le pass sanitaire se présente sous la forme d’un QR code. Lorsqu’il est scanné, ce dernier indique l’état sanitaire de la personne ainsi que son nom et prénom. Aucune photo n’étant associée, il est donc impossible de savoir si le pass est bien celui de la personne qui le présente, à moins de vérifier également sa pièce d’identité. Une pratique déjà courante en boîte de nuit pour contrôler l’âge des clients ou dans les restaurants pour les personnes souhaitant payer par chèque. « On demande une preuve d’identité. Les établissements ont le droit de fixer leurs propres règles et de refuser des gens s’ils le souhaitent », justifie Laurent Lutse. A la SNCF, les agents assermentés peuvent eux aussi effectuer un contrôle d’identité, comme ils le font déjà pour vérifier la validité des cartes de réduction.

Sauf que selon l’article 78-2 du code pénale, seuls les gendarmes et policiers peuvent demander à une personne de décliner son identité notamment s’ils la soupçonnent d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction. Un restaurateur ou le gérant d’un bar ne peut légalement pas obliger un client à présenter une carte d’identité. Une situation qui pourrait conduire certains à la fraude.

A quelles sanctions s’exposent ces personnes ?

Le site du gouvernement indique que « l’utilisation frauduleuse d’un pass sanitaire est punie d’une amende ». Celle-ci est de 4e classe et s’élève à 750 euros, mais est abaissée à 135 € si elle est réglée rapidement. En cas de récidive dans les 15 jours, l’amende pourra monter à 1.500 euros, puis à 3.750 euros pour une troisième récidive dans le mois. Cette dernière sanction pourra s’accompagner d’une peine de six mois d’emprisonnement. Le gouvernement indique par ailleurs que « ne pas présenter son pass peut entraîner une amende d’au minimum 135 € ».