Coronavirus : Les femmes enceintes et en PMA s'inquiètent d’un élargissement du pass sanitaire sans exception
VACCINATION•Certaines femmes s’émeuvent du manque de souplesse pour le pass sanitaire, alors que les femmes enceintes ne sont censées se faire vacciner qu’à partir du 4e mois de grossesseOihana Gabriel
L'essentiel
- En France, il est fortement conseillé aux femmes enceintes de se vacciner, à partir du quatrième mois de grossesse.
- Depuis qu’Emmanuel Macron a annoncé l’élargissement du pass sanitaire à de nombreuses activités, certaines trouvent injuste que le gouvernement ne prenne pas en compte celles et ceux qui ne peuvent se vacciner pour raisons médicales.
- Pour le moment, le gouvernement n’a pas annoncé d’exception pour ce cas de figure. Et les gynécologues insistent : se faire vacciner est très important pour les femmes enceintes dès l’échographie des 12 semaines, pour les femmes en PMA ou celles qui allaitent.
Audrey Cadoret s’étonne du silence assourdissant des autorités sanitaires concernant les femmes enceintes. Cette jeune femme de 33 ans, qui entame son quatrième mois de grossesse, n’a pas vraiment apprécié qu’Emmanuel Macron oppose lundi vaccinés et non vaccinés et impose à tous le pass sanitaire… oubliant celles et ceux qui ne peuvent pas se faire vacciner pour raisons médicales.
« Il faut personnaliser en fonction des cas spécifiques »
Il est en effet conseillé en France d’attendre le deuxième trimestre de grossesse pour se faire vacciner avec de l’ARN messager. Audrey s’estime heureuse : elle vient de rentrer dans son quatrième mois et a avancé la date de sa première injection d’une semaine. Mais elle devra attendre mi-août pour obtenir son pass vaccinal. Compliqué donc, d’ici peu, d’aller au restaurant, au cinéma ou de faire ses courses sans ce sésame. « Est-ce que les femmes enceintes devront subir des tests PCR à l’infini pendant les trois premiers mois ? », s’agace-t-elle. Et donc faire la queue dans des centres de dépistage bondés avec des personnes parfois symptomatiques ? « Je pense aussi aux soignantes qui doivent être vaccinées totalement le 15 septembre sous peine de perdre leur emploi… Je suis sidérée que personne n’ait abordé le sujet ! J’ai suivi à la lettre les recommandations du gouvernement, mais il faut personnaliser en fonction des cas spécifiques. »
Les exceptions justement, Roxanne connaît. « J’ai appris que j’étais enceinte la veille de mon rendez-vous initial pour le vaccin, explique la jeune femme, enceinte de deux mois. J’attends patiemment la fin du mois pour pouvoir faire la première dose, mais c’est super frustrant ! Ma mère ne peut pas non plus se faire vacciner. Elle a développé une allergie aux antidouleurs il y a quelques années, donc le vaccin est assez risqué pour elle. »
Pas d’exception pour le moment
« Il y a eu des assouplissements pour les adolescents et les salariés des lieux accueillant du public [le passe sanitaire ne s’appliquera qu’à partir du 30 août], reprend Audrey. Pourquoi pas pour les femmes enceintes ? C’est injuste. » Un document dévoilant la date du début de grossesse pourrait-il alors les exempter de pass sanitaire pour les trois premiers mois ? Contactés par 20 Minutes, le ministère de la Santé et la Direction générale de la santé n’avaient pas répondu à nos sollicitations.
« Pour les femmes qui sont dans le premier trimestre de grossesse, il va falloir qu’il y ait des adaptations, reconnaît Joëlle Belaish Allart, présidente du Collège national des gynécologues-obstétriciens de France (CNGOF). Pour toutes les autres, il faut être vacciné dès que vous avez fait l’échographie des douze semaines. Le Covid-19 peut être grave pour les femmes enceintes. »
La vaccination recommandée dès le 4e mois de grossesse
Reste que pour beaucoup d’entre elles, les doutes et le flou persistent sur grossesse et vaccination. « Dans les autres pays, le vaccin est possible dès le début de la grossesse, précise Joëlle Belaish Allart, cheffe du service de gynéco-obstétrique à l’hôpital de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Nous avons interrogé le Pr Alain Fisher, qui a répondu qu’il n’y avait pas de risque de se faire vacciner dès le début de la grossesse. Mais pour le moment, nous suivons les recommandations de la DGS : par précaution, c’est à partir du quatrième mois que le vaccin est possible et même recommandé. »
Même timing pour le site de référence, le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (Crat), qui conseille de « débuter le protocole entre 10 et 20 semaines d’aménorrhée [absence de règle], c’est-à-dire après la fin de l’organogenèse et suffisamment tôt pour que la femme enceinte soit protégée au troisième trimestre ». Une recommandation que tous les médecins ne répercutent pas auprès de leurs patientes. « Ma fille vient d’accoucher et son pédiatre lui a déconseillé de se faire vacciner pendant qu’elle allaite, regrette la gynécologue. C’est compliqué de la convaincre… » Mais elle insiste : « il n’y a aucune conséquence du vaccin sur la grossesse, ni sur l’allaitement ». En effet, le Crat dévoile que « parmi environ 4.000 femmes vaccinées en cours d’allaitement, aucun événement particulier n’a été retenu chez leurs enfants. ». L’ARN messager ne se retrouve pas dans le lait et les enfants ne peuvent pas être infectés.
Et pour les femmes qui désirent un enfant ? La présidente du CNGOF leur conseille de se faire vacciner avant d’essayer. « Une publication de l’Inserm explique que le vaccin n’a aucune conséquence sur la fertilité. » Par ailleurs, le Crat précise qu’ « il n’y a aucun délai à respecter entre une vaccination par vaccin à ARNm contre le Covid-19 et le début d’une grossesse ».
Et pour les femmes en PMA ?
Certaines femmes en parcours de Procréation médicalement assistée (PMA) ont de leur côté remis à plus tard les injections. Pour éviter de « perdre » un mois ou davantage avant une stimulation hormonale alors que l’horloge tourne. Mais depuis lundi, c’est la panique. Joëlle Belaish Allart, qui dirige un centre d’Assistance médicale à la procréation, confirme : « Le secrétariat n’a pas arrêté de sonner, car elles s’interrogent : faut-il se faire vacciner ? On leur conseille fortement d’être vaccinées avant un prochain essai. Aujourd’hui, il n’y a que 21 jours entre les deux doses, les centres d’AMP ferment en août, donc c’est le moment d’y aller ! »
Et si l’on est au milieu d’une fécondation in vitro (Fiv) ? « Si vous avez un transfert d’embryon prévu dans une semaine, vous pouvez faire la première dose maintenant. Si l’essai ne fonctionne pas, vous pourrez faire la deuxième rapidement, et si c’est un succès, vous pourrez faire la deuxième dose après le premier trimestre. » Sans perdre en efficacité ? L’Académie de médecine s’était prononcée en avril pour un espacement de six mois pour accélérer la campagne vaccinale, précisant que les anticorps neutralisants peuvent perdurer au moins six mois.