Faut-il changer la communication sur la vaccination ?

Vaccination : Faut-il changer la communication en France ?

PANDEMIELe nombre de primo-injections est en chute libre en France, nécessitant de relancer une campagne de communication
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Depuis quelques semaines, gouvernement et soignants alertent : le nombre de primo-injections de vaccin baisse fortement en France.
  • La communication autour de l’importance de la vaccination semble s’essouffler dans un faux contexte de non-urgence estivale.
  • Dès lors, faut-il changer la façon de présenter la vaccination en France ?

Depuis quelques semaines, l’exécutif et le personnel soignant s’alarment d’une chute des primo-vaccinations. Pour la première fois depuis début avril, sur la semaine écoulée, le nombre de première dose de vaccin est passé sous les 200.000 injections par jour, deux fois moins qu’il y a un mois.

Face à ce ralentissement, le gouvernement rappelle l’importance de la vaccination, plus que nécessaire au moment où le variant Delta, plus transmissible et donc plus dangereux, représente 20 % des nouvelles contaminations. Mais face au plafond de verre vaccinal, aux nouveaux variants, à l’été qui change les comportements, n’est-il pas aussi temps de changer la communication autour du vaccin ?

Retrouver l’urgence

Pour Hélène Rossinot, médecin spécialiste en Santé publique, la réponse est évidente : mille fois oui. « Il faut reprendre les bases, expliquer ce qu’il se passe dans les pays voisins, notamment au Royaume-Uni et l’importance de se faire vacciner rapidement et avec deux doses. Mais Olivier Véran n’est plus audible, il parle tout le temps, le grand public n’écoute plus vraiment. Je referai une conférence de presse de Jean Castex au minimum. C’est une urgence », plaide-t-elle. C’est le constat qui domine : le sentiment d’urgence et de nécessité absolu de la vaccination a disparu, avec les projets de vacances, le déconfinement et la baisse spectaculaire des cas.

Certes, le variant Delta peut refournir un sentiment de risque, surtout au vu de la situation au Royaume-Uni. Mais le gouvernement n’aide pas à prendre conscience du danger. « On ne peut pas reprocher aux jeunes d’attendre septembre pour se faire vacciner puis entendre Olivier Véran déclarer qu’il laisse jusqu’à… septembre aux soignants des Ehpad pour se faire vacciner. Quel message on donne ? », s’étrangle Louis Novic, docteur généraliste.

Détailler le variant

Autre changement de cap à mener selon le docteur : apporter une information plus pointue et poussée. « Lorsqu’on voit les publications sur le fait que 40 % des nouveaux cas en Israël sont vaccinés, et l’incompréhension qui en résulte, on se dit qu’il est temps d’expliquer beaucoup mieux les choses », atteste-t-il. Notamment se concentrer plus sur les hospitalisations et les décès qui, au Royaume-Uni comme en Israël, ne suivent pas les courbes du nombre de nouveaux cas. Ou que 40 % de nouveaux cas vaccinés en Israël, dans un pays où 60 % de la population est vaccinée, montre malgré tout l’efficacité du vaccin.

Pour Louis Novic, l’idée – fausse – que le vaccin est inefficace contre le variant Delta doit être combattue (en réalité, deux doses de vaccin protègent à plus de 90 % contre le risque d’hospitalisation, même du variant Delta). « A chaque nouveau variant, on s’alarme en disant qu’on ne sait pas si le vaccin est efficace, avant de découvrir que si. Résultat : beaucoup ne retiennent que la première information, alors que c’est la seconde qu’il faut marteler », se désespère-t-il.

Hélène Rossinot est plus sceptique sur l’utilité de pousser des informations toujours plus pointues et complexes : « Je pense que les Français souffrent surtout d’une grande lassitude. Je ressens plutôt un gros décrochage dans l’intérêt, plus qu’une mauvaise compréhension des faits ».

Personnaliser la communication

Alors que faire, à part marteler le sentiment d’urgence et la nécessité d’une vaccination avant la rentrée ? Plus que les propos dits, c’est peut-être la forme qui doit changer. Et le support. Dans ce but, Hélène Rossinot produit par exemple des vidéos face caméra, afin de rendre le discours plus incarné et humain : « Il y a un besoin d’informations claires, précises et grand public. Il y a une envie de comprendre, mais une défiance envers les médias et les politiques, et parfois malheureusement envers les médecins aussi. Les gens cherchent des sources fiables d’information, on a besoin de faire cet effort. »

Toujours dans ce but, de nombreux médecins réclament d’avoir accès aux données de vaccination de leurs patients, afin de pouvoir en parler directement avec eux. Olivier Véran a confirmé ce mardi que cet accès serait possible prochainement, sans toutefois indiquer une date.

Un sursaut positif

De quoi changer la donne ? « On se tue à le répéter, si les gens ne vont pas au vaccin, il faut que nous – et le vaccin avec – aillions vers eux », assène Louis Novic. Ceux qui se vaccinent cette semaine devraient, entre les délais de la seconde dose et des deux semaines qui suivent pour obtenir l’immunité maximale, être considéré comme au mieux protégé à partir du 25 août seulement, soit pile avant la rentrée de septembre tant crainte sur le front sanitaire.

Tout n’est pas perdu, loin de là. Les injonctions à se faire vacciner qu’on entend depuis quelques jours semblent même porter un peu leur fruit. Olivier Véran a annoncé que cette semaine, les prises de premiers rendez-vous de vaccination repartaient à la hausse, entre + 10 à et 20 %, par rapport à la semaine précédente. Un sursaut à transformer en nette accélération.