PROCREATIONOù se situe la loi bioéthique française par rapport au reste de l’UE ?

PMA pour toutes : Où se situe la loi bioéthique française par rapport à ses voisins européens ?

PROCREATIONLa France est devenu le 11e pays à autoriser la PMA aux femmes seules et en couple homosexuel, elle est aussi l’un des derniers à ne pas légaliser la PMA post-mortem
Marie De Fournas

Marie De Fournas

L'essentiel

  • Le Parlement a adopté définitivement le projet de loi de bioéthique, ce mardi.
  • La mesure phare de cette loi est l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, célibataires et en couple homosexuel.
  • La France devient ainsi le onzième pays de l’Union européenne à autoriser la PMA à toutes les femmes. Mais que vaut la loi française par rapport à celles de nos voisins européens ?

Après deux ans de débats, manifestations et polémiques en tout genre, la loi bioéthique a été définitivement adoptée ce mardi à l’Assemblée nationale. Si sa mesure phare est de rendre la PMA accessible à toutes les femmes, cette loi donne un cadre plus large à la procréation médicalement assistée. Des mesures très attendues par certaines Françaises qui choisissaient de faire leur parcours de procréation assistée à l’étranger plutôt que sur le territoire national en raison des difficultés rencontrées. Si la France a fait un sacré pas en avant avec cette loi, elle est loin de s’être alignée en tous points sur d’autres pays européens réputés pour leur accès à la PMA. 20 Minutes fait le point sur la situation de la France par rapport au reste de l'UE.

Quelle est l’avancée la plus marquante de cette loi bioéthique ?

Sans détour, le fait de rendre accessible la PMA à toutes les Françaises est une avancée colossale. La France devient ainsi le onzième pays parmi les 27 de l’Union européenne à autoriser la PMA à la fois pour les femmes célibataires et les couples de femmes. Elle rejoint ainsi les Pays Bas, la Belgique, le Luxembourg, le Danemark, la Suède, la Finlande, l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et Malte. Hors UE, le Royaume-Uni et l’Islande offrent ces mêmes droits.

En revanche, la PMA est autorisée pour les femmes seules et interdite aux couples de femmes en Bulgarie, Croatie, Chypre, Estonie, Grèce, Hongrie et Lettonie. L’Autriche se distingue en autorisant les couples lesbiens à recourir à la PMA mais pas les femmes célibataires. Enfin, l’Allemagne et l’Italie sont désormais les deux seuls grands pays de l’UE à n’autoriser ni les couples de femmes ni les femmes célibataires à recourir à la PMA.

Cette loi signifie-t-elle pour autant que l’accès à la PMA va être facilité, par rapport aux autres pays de l'UE ?

Rien n’est moins sûr pour Virginie Rio présidente de l’association Collectif Bamp qui regroupe des patients et ex-patients de l’AMP (Assistance médicale à la procréation), de personnes infertiles et stériles ayant recours aux techniques d’e procréation assistée. Contrairement à ce que l’association recommandait, les députés n’ont pas autorisé les Centres d’Assistance Médicale à la Procréation privés à faire des dons de gamètes ou d’ovocytes ni d’autoconservation, c’est-à-dire de congélation d’ovocytes. « Cela va concentrer toutes les demandes -celles des femmes seules, femmes lesbiennes et des couples hétérosexuels- dans les centres publics qui sont en nombre limité sur le territoire et ne sont pas présents dans toutes les régions. »

En effet, la France compte 29 CECO (Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains), dans lesquels les délais d’attente sont déjà extrêmement longs. « Il faut patienter environ deux ans pour un don de gamètes et de deux à cinq ans, voire sept pour des ovocytes », détaille Laetitia Poisson Deléglise, présidente de l’association Maïa, qui aide et soutient les personnes rencontrant des difficultés à devenir parent.

« En plus de cela, on peut parfois attendre jusqu’à 6 mois pour avoir un rendez-vous dans un centre », poursuit-elle. En comparaison, en Espagne où il existe beaucoup de centres de PMA majoritairement privés, entre la prise de rendez-vous et le transfert d’embryon, les cliniques annoncent un délai d’attente entre 3 à 9 mois.

Qu’est devenue la mesure concernant le tri des embryons, présente dans d’autres pays européens ?

Volet très polémique de la loi bioéthique, l’élargissement du diagnostic préimplantatoire à la recherche d’anomalies chromosomiques (DPI-A) n’a finalement pas été retenu par les députés. Si le diagnostic préimplantatoire (DPI) qui consiste à analyser les embryons obtenus par fécondation in vitro afin d’éviter la transmission d’une maladie génétique des parents, est légal, le DPI-A qui vise à repérer les anomalies du nombre de chromosomes de l’embryon, ne l’est pas.

« C’est un outil utilisé à l’étranger pour améliorer les taux de réussites des fécondations in vitro et éviter les fausses couches, assure Virginie Rio. Aujourd’hui en France, tout âge confondu, 60 % des embryons que l’on transfère ne sont pas viables. Cela monte à 80 % pour les femmes de plus de 35 ans, mais on les transfère quand même. »

Dans quel camp européen se situe la France sur l’anonymat des dons ?

C’est un choix du gouvernement et qui pourtant ne fait pas l’unanimité en Europe. Ainsi, l’Espagne, l’Italie, la Pologne, la Lituanie ou encore la République tchèque ont conservé l’anonymat des dons d’ovocytes et de gamètes, contrairement à la France désormais, mais aussi l’Allemagne, la Suède, la Norvège, la Finlande, ou encore le Royaume-Uni. "Certaines femmes françaises n’hésitaient pas à aller jusqu’au Danemark pour avoir un don non anonyme et des informations sur le géniteur", raconte Laetitia Poisson Deléglise, satisfaite de la mesure.

La présidente de l’association Maïa admet que cette levée d’anonymat sur les dons risque de réduire le nombre de donateurs. « C’est ce qu’on a observé dans certains pays comme en Angleterre ou en Belgique quand ils ont appliqué cette mesure. Cependant, on a aussi constaté que cela ne durait qu’un temps et que c’était ensuite revenu à la normale ».

En refusant la PMA post-mortem, la France détonne-t-elle du reste de l’Europe ?

Oui un peu, quand on sait que le transfert d’embryons après la mort du conjoint est autorisé (parfois sous conditions) dans une vingtaine de pays européens comme la Belgique, Chypre, Espagne, Estonie, Hongrie, Irlande, Lituanie, Pays Bas, Pologne, République tchèque et Royaume-Uni.*

Pour Virginie Rio, il s’agit d’une aberration de la loi bioéthique. « Cela signifie que si le conjoint décède avant le transfert d’embryons, la loi dit que vous pouvez donner ces embryons à la science, à un autre couple ou les détruire, mais que vous ne pouvez pas les utiliser pour vous-même. En revanche, vous pouvez demander un don de spermes. C’est vraiment une incohérence. »