EPIDEMIEA Toulouse, les effets indésirables du vaccin passés au crible

Vaccination à Toulouse : De la rougeur au décès suspect, les effets indésirables passés au crible

EPIDEMIEDepuis le début de la campagne de vaccination, en janvier dernier, le centre de pharmacovigilance de Toulouse a reçu plus de 4.100 déclarations d’effets indésirables, la grande majorité n’étant pas grave
Béatrice Colin

Béatrice Colin

L'essentiel

  • Pour connaître les effets indésirables des vaccins anti-Covid, les centres de pharmacovigilance analysent les déclarations des patients et médecins, de la petite rougeur jusqu’au décès.
  • Celui de Toulouse a traité plus de 4.100 dossiers depuis le début de la campagne de vaccination, en janvier dernier.
  • Une activité qui occupe une grande partie des membres de ce service, chargé de déterminer l’imputabilité du vaccin dans les effets secondaires, au même titre que ce fut le cas durant l’affaire du Lévothyrox.

Cet après-midi-là, c’est Lucas, un étudiant en médecine, qui tient la permanence téléphonique du centre de pharmacovigilance du CHU de Toulouse. A l’autre bout du fil, des patients aux multiples questions sur les vaccins anti-Covid auxquels il apporte des réponses, mais aussi qu’il rassure souvent. « Tout a l’heure j’ai eu une personne qui se demandait s’il était normal d’avoir une rougeur sur le bras, un mois après avoir reçu sa première dose. Certaines sont inquiètes, comme là, juste avant de faire une deuxième injection », raconte le jeune homme.

Une ligne qui reçoit une dizaine d’appels par demi-journée, quasiment tous sur les vaccins anti-Covid. Au début de l’année, les interrogations portaient beaucoup sur les allergies, les syndromes pseudo-grippaux. Depuis elles se sont diversifiées. Tout comme les déclarations d’effets indésirables reçus par mail, qui occupent une bonne partie du service désormais. Plaques rouges, zona, ganglions ou encore céphalées. La majorité d’entre eux ne sont pas graves.

Evaluer l’imputabilité

« Ces déclarations proviennent directement du patient, souvent aussi du médecin traitant ou de l’infirmier. Pour la plupart, elles sont faites sur le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament, qui nous les renvoie afin que nous puissions informer le dossier et évaluer l’imputabilité entre le médicament et les effets indésirables », explique le docteur Haleh Bagheri, une des responsables du service de pharmacovigilance.

Depuis janvier, plus de 4.100 témoignages d’effets indésirables survenus chez des habitants de Midi-Pyrénées ont ainsi été réceptionnés, alors que près de la moitié des quelque trois millions d’habitants de ce territoire ont déjà reçu leur première injection.

Un flux important, mais loin de saturer le service au point qu’il ne puisse plus les traiter comme cela a pu circuler sur les réseaux sociaux en raison d’un bug informatique. « Nous gérons prioritairement les effets graves, tout en analysant les autres. Quand il s’agit de maux de tête ou de fatigue, nous n’allons pas les traiter immédiatement, mais quand il s’agit de décès nous transmettons notre évaluation dans les 24 heures », assure le professeur Agnès Sommet, cheffe du service de Pharmacologie médicale (CHU – Université).

Pour l’heure aucun décès n’a été imputé par le service au vaccin

Le cas de ce retraité mort d’une crise cardiaque moins d’un mois après sa première injection sera ainsi expertisé très rapidement. Ou de cette dame âgée décédée peut après sa vaccination mais qui avait déjà une leucémie. Sur le bureau du service, il y a aussi le dossier de cette trentenaire se plaignant des yeux rouges et douleurs oculaires. Elle sera recontactée seulement au bout d’une semaine pour savoir si ses symptômes persistent. « Selon les cas, nous demandons les comptes rendus hospitaliers. Nous enregistrons toutes les informations médicales et nous regardons s’il y a un lien chronologique, mais aussi sémiologique pour voir si d’autres causes auraient pu précéder les effets indésirables », poursuit Haleh Bagheri qui rappelle que des plaques rouges ou une faiblesse musculaire font partie des réactions classiques à l’administration d’un vaccin.

Entre 30 et 40 dossiers sont ainsi réceptionnés chaque jour par le service. Et lorsque l’enquête est achevée, le dossier remonte à l’Agence nationale de sécurité du médicament, avec une note d’imputabilité des effets indésirables dus au vaccin allant de zéro à six. Une note de 2 indiquera qu’on ne peut pas écarter un lien, alors qu’un six affirmera une causalité certifiée. Et des effets indésirables notés six il y en a, les mêmes que l’on rencontre habituellement lors d’injections, comme des rougeurs sur le bras où la dose a été administrée.

Pour l’heure aucun décès n’a été imputé par le service au vaccin. Celui-ci a peut-être joué un rôle d’accélérateur, mais il n’est jamais l’unique cause identifiée du décès. Depuis le début de la vaccination, l’ANSM a enregistré 44 cas de thrombose de localisation atypique en France avec l’AstraZeneca, dont 11 décès. Certains font désormais, en parallèle, l’objet d’une enquête judiciaire « pour recherche des causes de la mort ». C’est le cas dans le cadre de la mort d’une femme de 62 ans, survenue le dimanche 23 mai au CHU de Toulouse, ou encore de cette jeune assistante sociale décédée aussi à Toulouse le 29 mars.

Suivi des femmes enceintes

Le traitement de tous ces dossiers a pour objectif de faire avancer les connaissances sur les effets secondaires, et parfois d’infléchir la politique vaccinale comme cela a été le cas avec l’AstraZeneca, désormais réservé aux plus de 55 ans. A Toulouse, les membres du service se sont vus confier une étude spécifique sur la vaccination des femmes enceintes et leur suivi. En moins d’un mois, plus de 600 d’entre elles ont déjà accepté de répondre à un questionnaire et « les données sont plutôt rassurantes ».

Et en parallèle, ils continuent à plancher sur les effets indésirables des milliers d’autres médicaments présents sur le marché.