Coronavirus : Le variant indien doit être « surveillé », mais ne doit pas être une source d’angoisse
PANDEMIE•Après le brésilien et le sud-africain, c’est aujourd’hui le variant indien qui est au cœur de toutes les craintesMarie De Fournas
L'essentiel
- Si les mutations d’un virus ne sont pas toujours corrélées à sa gravité, celles-ci sont à surveiller de près afin de s’assurer que les vaccins demeurent efficaces.
- Pour l’instant en Europe, c’est le variant britannique qui s’est imposé et a remplacé le virus d’origine. Il ne semble pas encore laisser la place aux autres variants.
- Si la situation en Inde est préoccupante, il est important de rappeler que le pays, très dense, ne dispose pas des mêmes conditions sanitaires que la plupart des pays d’Europe.
Qualifié de « double mutant » et accusé d’être à l’origine d’une nouvelle vague de contaminations dans le sous-continent, le variant indien du coronavirus a tout pour inquiéter les citoyens européens. Le Royaume-Uni vient d’interdire l’entrée des voyageurs depuis ce pays, à l’exception de ses résidents. Il faut dire que les chiffres sont vertigineux : plus de 260.000 personnes ont été contaminées en 24 heures ce dimanche en Inde. Si les experts recommandent de ne pas prendre le problème à la légère, ils invitent avant tout à ne pas céder à la panique.
D’abord, il n’est pas dit que ce variant déferle sur l’Europe, car « tous les virus ne franchissent pas les frontières », assure Benjamin Davido, médecin infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, dans les Hauts-de-Seine. Par exemple, le variant brésilien, qui inquiétait tant il y a deux semaines, n’a pour l’instant pas provoqué de raz de marée en Europe. « Nous avons le variant britannique qui est très implanté et nous protège dans une certaine mesure des autres variants, avec lesquels il est comme en compétition », explique le docteur.
« Tous les virus mutent »
Ensuite, le fait qu’un virus soit un mutant n’est pas forcément synonyme de danger grave. « Tous les virus mutent. Par exemple, le variant anglais comporte 19 variations importantes. Et finalement, cela ne change rien, c’est le même virus. Il y a des mutations qui ne changent rien », commente Catherine Hill, épidémiologiste et biostatisticienne. Il est en revanche nécessaire de rester vigilant face à ces évolutions.
« Le variant indien a acquis des mutations d’un deuxième type de virus. C’est donc qu’il a potentiellement une capacité de recombinaison », expose Benjamin Davido. Plus familièrement, si les variants se marient et font des enfants, cette « compétition » entre les variants évoquée plus haut par le médecin n’opère plus, et aucune version du virus ne prend le pas sur l’autre.
Encore trop peu d’informations disponibles
Si les experts invitent à ne pas s’envoler avec le vent de panique actuel, c’est aussi parce que trop peu d’informations sont disponibles pour le moment sur ce tout nouveau variant. « Il a l’air d’être particulièrement contagieux, mais les études ne disent pas si sa forme est plus grave que les autres », lance Catherine Hill. L’inquiétude pourrait plus venir de l’absence d’informations sur l’efficacité des vaccins face aux variants.
« Bien sûr, il faut surveiller, étudier les variants et vérifier que les vaccins marchent bien sur eux mais, pour l’instant, on constate que les vaccins protègent contre eux, poursuit l’épidémiologiste. Il y a juste l’Astrazeneca qui s’est montré un peu moins efficace sur le variant sud-africain. » L’experte assure par ailleurs qu’aujourd’hui on peut facilement modifier les vaccins à ARN pour les adapter aux variations du virus.
Surveillez le « risque d’échappement immunitaire »
Le vrai problème se poserait donc si le variant indien résistait aux vaccins actuels. Là encore, aucune étude n’est disponible pour le moment, mais l’hypothèse n’est pas à écarter. « Il se trouve que beaucoup de personnes en Inde qui avaient eu le Covid, l’ont attrapé à nouveau. L’une des mutations du virus a donc l’air de résister et peut laisser craindre un risque d’échappement immunitaire, détaille Benjamin Davido. Cela arrive lorsque les anticorps ne reconnaissent plus le virus et le laissent passer. »
De manière générale, ce phénomène de réinfection est rare pour le Covid-19, mais devient problématique s’il se généralise avec les variants, « car cela nous fait penser qu’il peut se produire la même chose avec le vaccin ». Le médecin invite donc à surveiller une éventuelle explosion des ré-infections, qui serait alors un signal de cet échappement.
« Couper tous les robinets »
Enfin, les experts invitent à ne pas superposer la situation des pays européens aux autres. Tout comme les variants brésilien et sud-africain, le variant indien vient d’un pays où la situation sanitaire est moins bien gérée, rendant difficile l’interprétation de la gravité de celui-ci. « L’Inde est un pays avec des conditions d’hygiène et d’accès au soin différentes [de celles que nous connaissons en Europe], avec une grande densité de population, et un pays réputé pour être un réservoir de maladies infectieuses », explique le médecin, invitant donc à la prudence.
Pour autant, ce nouveau mutant rappelle que les pays démunis ou émergents sont à risque du point de vue des variants, et qu’il devient nécessaire de s’en préoccuper pour « couper tous les robinets ». « Il faut que l’OMS adopte une politique mondiale identique et ait un plan d’action dans ces pays. Nous n’y arriverons pas en adoptant chacun nos propres politiques », recommande Benjamin Davido. Pour les experts, l’arrivée de nouveaux variants ne doit pas déplacer l’attention sur la source du problème, à savoir que c’est le Covid-19 que l’on attrape avant un variant. « La lutte doit donc continuer sur les moyens de faire chuter les contaminations », conclut le médecin.