PANDEMIEUn confinement d’un mois, suffisant pour freiner l’épidémie ?

Coronavirus : Un confinement d’un mois, suffisant pour freiner l’épidémie ?

PANDEMIELe président a annoncé mercredi soir un confinement national d’un mois, alors que les indicateurs s’envolent depuis plusieurs semaines
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Emmanuel Macron a annoncé un confinement national de quatre semaines à partir du 3 avril et la fermeture des écoles, crèches, collèges et lycées.
  • Car l’épidémie de coronavirus est devenue difficilement contrôlable, avec plus de 5.000 patients en réanimation.
  • Mais un mois seulement de confinement, une mesure plus légère que l’année passée, cela peut sembler court quand on sait qu’il faut deux à trois semaines pour que des effets se fassent sentir sur l’hôpital…

C’est la dernière ligne droite. Combien de fois va-t-on devoir répéter cette phrase ? Après l’annonce mercredi soir par Emmanuel Macron d’un troisième confinement national de quatre semaines, la France va replonger à partir de la semaine prochaine dans une parenthèse sans crèches, sans écoles, sans collèges, sans lycées, sans certains commerces et sans déplacements.

Mais un mois, alors que les courbes de l’incidence et des hospitalisations grimpent depuis des semaines, cela peut sembler court.

Un confinement moins strict

« L’année dernière, on avait eu huit semaines de confinement strict, rappelle Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie à Strasbourg et membre du collectif Du côté de la Science. Ce qui nous avait permis d’avoir un printemps et un été relax, avec une incidence très basse. » Cette fois, les limitations se sont clairement distendues. « La question est difficile, car ça va dépendre de l’efficacité des mesures, souligne de son côté Rémi Salomon, chef du service de néphrologie pédiatrique à l’hôpital Necker-Enfants malades et président de la Commission médicale d’établissement de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Les limitations vont commencer réellement le 5 avril et n’auront d’effet sur l’hôpital que trois semaines après. Donc vous arrivez vers le 25 avril. » Date à laquelle les écoles maternelles et primaires doivent rouvrir.

« Cela va aussi dépendre du télétravail. Sera-t-il davantage suivi qu’aujourd’hui ?, reprend le médecin. Je crains que les gens ne soient arrivés à un niveau de saturation tel qu’ils auront du mal à ne pas faire de repas avec leurs proches. J’ai peur que ces mesures n’aient pas un effet spectaculaire, et qu’on soit encore, dans un mois, avec une pression forte dans les hôpitaux. D’autant que les patients restent en réa quinze jours en moyenne, ce qui risque de faire encore beaucoup de monde dans ces services en mai. »

Peur d’une reprise en mai

« Ce confinement va aider, c’est une certitude », reprend Eric Billy. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a assuré ce jeudi matin que le pic de la troisième vague devrait être atteint « d’ici 7 à 10 jours ». « On voit sur les schémas des contaminations de 2020 que la courbe redescend moins vite qu’elle n’est montée, souligne le chercheur. On risque donc de se retrouver début mai avec à peu près la même incidence qu’aujourd’hui. C’est bien pour ça qu’il faut que la reprise se fasse dans des conditions très sécurisées. »

Notamment dans les écoles. Car pour beaucoup de soignants, les protocoles – il y en a pourtant eu une flopée - pourraient y être améliorés. Rappelons que l’année dernière, la reprise des écoliers, collégiens et lycéens s’était faite très progressivement. Avec notamment des demi-groupes. Ce qui n’est pas envisagé cette fois-ci.

« La restauration à l’école doit être sécurisée, poursuit Eric Billy. On pourrait limiter la cantine aux enfants dont les parents ne peuvent pas télétravailler ou dans des situations économiques difficiles. Un protocole avait été proposé pour que les enfants mangent toujours au même endroit pour éviter les brassages. » L’autre moyen, « c’est d’accélérer la vaccination des enseignants », complète Rémi Salomon. Normalement, ils devraient être vaccinés à partir de la mi-avril. Deux semaines, cela risque de faire un peu court pour vacciner les plus de 800.000 enseignants.

Améliorer le dépistage

Surtout, la question du dépistage reste primordiale pour éviter que les contaminations n’explosent à nouveau à la mi-mai. Comme c’est le cas actuellement en Allemagne. A partir de la mi-avril, un nouvel outil pourrait améliorer le tryptique « tester-tracer-isoler », même s’il n’a pas encore prouvé son efficacité : les autotests, disponibles uniquement en pharmacie. Avec un simple prélèvement dans le nez (moins profond que le naso-pharyngé), on peut être sûr en quinze minutes qu’on n’apportera pas le Covid-19 dans son entreprise ou sa famille.

« Il faudrait que les autotests soient aussi disponibles en grande surface, insiste Eric Billy. Leur maillage et leurs horaires permettraient de toucher un maximum de personnes. Il y a un bénéfice énorme à isoler une personne asymptomatique ou peu symptomatique, c’est cette chaîne de contamination qu’il faut arriver à couper. » Une personne infectée et sans aucun symptôme risque en effet de diffuser le Covid-19 durant 48 heures. Voilà pourquoi le chercheur imagine que réaliser un autotest deux fois chaque semaine pourrait sécuriser le retour en classe et dans les entreprises.

Un effet de la vaccination ?

Restent bien sûr les vaccinations. Pendant avril, elles devraient passer la seconde. « On espère recevoir 2 millions de doses de Pfizer par semaine, reprend Eric Billy. Accélérer la vaccination tout en ayant un semi-confinement, ça permet d’être plus efficace. » Pour deux raisons. La première est pratique : cela permet d’éviter de perdre du temps. Car s’il y a moins de déplacements, les Français risquent moins d’arriver en retard. Deuxième avantage : « En confinant, vous diminuez la circulation du virus, donc le risque d’apparition de variants, reprend l’immunologiste. »

L’accélération de la vaccination fera-t-elle baisser les contaminations plus rapidement ? « Quand on arrivera à 15 millions de personnes vaccinées [on approche actuellement des 3 millions de Français ayant reçu deux injections], on devrait voir un effet sur l’épidémie, on l’a vu avec les personnes âgées », se réjouit Rémi Salomon. Mais Eric Billy se montre plus sceptique. « C’est seulement quand on vaccinera les vecteurs principaux de diffusion, c’est-à-dire les personnes actives, qu’on va vraiment casser la diffusion », avance-t-il. Or Emmanuel Macron l’a annoncé hier : l’ouverture de la vaccination aux moins de 50 ans ne s’ouvrira pas avant la mi-juin. « Une vaccination de masse durant l’été permettra d’avoir une reprise scolaire en septembre plus sereine et un automne plus calme », espère-t-il.