Coronavirus : Le profil des patients en réanimation a-t-il changé ?
PANDEMIE•Plusieurs facteurs expliquent la présence de plus en plus importante de patients âgés de 30 et 60 ans
Lucie Bras
L'essentiel
- Le nombre de malades du Covid-19 traités en services de réanimation ne cesse de grimper, avec plus de 4.600 patients, et se rapproche de la barre record des 4.900, atteinte lors de la deuxième vague.
- Certains soignants constatent que cette troisième vague s’accompagne d’un rajeunissement de leurs patients en unité de réanimation.
- « Dans la situation actuelle, l’épidémie a un visage un peu différent, avec des patients plus jeunes dans les services de réanimation », confirme le Pr Djillali Annane.
Depuis quelques jours, l’épidémie de Covid-19 accélère et les chiffres ne cessent d’augmenter en services de réanimation. Au point de faire dire au spécialiste Jean-François Timsit, chef de la réanimation à l’hôpital Bichat, à Paris : « Partout c’est plein, plein, plein. Plein comme un œuf (…) A ce rythme-là, on va droit dans le mur. » A l’orée cette troisième vague, qui pèse très lourd sur les hôpitaux français, nombre de médecins notent un rajeunissement des patients en réa. Un glissement de l’épidémie lié à plusieurs facteurs, décrypté par 20 Minutes.
« Dans la situation actuelle, l’épidémie a un visage un peu différent, avec des patients plus jeunes dans les services de réanimation », note le Pr Djillali Annane, chef du service de réanimation de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (AP-HP). Alors que les 60-75 ans occupaient les services de réanimation lors de la première vague, depuis le 16 juillet, cette moyenne a baissé : la tranche d’âge des 50-60 ans représente désormais 53 % des patients. Et ce « glissement » s’accélère ces dernières semaines, avec l’augmentation des cas de coronavirus. « En octobre dernier, l’âge médian des patients était aux alentours de 65-66 ans. Il est actuellement de 60 ans : en même pas trois mois, l’age médian a baissé de cinq ans », rappelle-t-il.
Entre 30 et 80 ans, des âges « très étalés »
Les plus jeunes ne sont pas épargnés : « Si on prend les cinq derniers jours, la tranche des 20-40 ans représente 10 % des patients en réanimation au niveau national. » Un rajeunissement constaté également par Francis Berenbaum, chef du service rhumatologie à l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP), qui dirige pour la première fois une unité Covid.
Elle accueille des patients hospitalisés qui n’ont pas besoin de soins en réanimation. « On entend que cette maladie touche les personnes âgées, que c’est beaucoup de comorbidités. Moi j’ai découvert une salle avec des patients qui ont une moyenne d’âge de 58 ans. Je m’attendais à ce que ce soit assez regroupé entre 60 et 70 ans mais c’est extrêmement étalé, de 30 à 80 ans », décrit-il. « Ce sont des gens plus jeunes, il y a pas mal de femmes, plus tellement de personnes avec de multiples maladies associées », a également confirmé l’infectiologue Karine Lacombe sur Franceinter.
Variant anglais
Pourquoi un tel changement ? « C’est d’abord lié à une augmentation considérable de la circulation du virus, qui entraîne une augmentation de l’incidence dans la population jeune », explique le Pr Djillali Annane, qui estime toutefois que les hommes restent fortement majoritaires dans son service. C’est mécanique : plus il y a de contaminations, plus la probabilité de faire des formes graves est élevée.
Si certains y voient également les premiers effets de la vaccination des plus âgés, le Pr Annane minimise cet impact : « La tranche de population largement vaccinée n’est pas la population qui impacte l’activité en réanimation », déclare-t-il. Une autre explication se trouve dans l’apparition du variant britannique « qui représente plus de 90 % des formes graves en Ile-de-France. Très clairement, il entraîne une forme plus sévère que la forme originelle. Elle va provoquer davantage de formes symptomatiques graves, y compris chez les sujets jeunes », ajoute le Pr Annane.
Pas « d’invulnérabilité »
Pour freiner les contagions, le gouvernement a mis en place de nouvelles mesures restrictives dans seize départements, dont toute la région parisienne, les Hauts-de-France, une partie de la Normandie et les Alpes-Maritimes. De nouvelles régions pourraient être concernées d’ici peu.
En attendant un ralentissement de l’épidémie, les soignants insistent sur le respect des règles de distanciation pour tous : « Tout le monde doit se sentir concerné. Derrière le mot comorbidités, il y a des personnes comme vous et moi. Il ne faut pas croire que ce sont des patients qui sont suivis à l’hôpital pour des maladies graves : ce sont des gens qui travaillent, qui vivent », ajoute Francis Berenbaum.
« Personne ne doit se sentir invulnérable face au Covid-19. Le fait d’être jeune ou de ne pas avoir de pathologie ne vous protège pas à coup sûr. Dans nos services de réanimation nous accueillions des gens jeunes, dans la force de l’âge, qui ne sont pas forcément malades et qui malheureusement décèdent » ajoute-t-il. En France, l’épidémie a causé plus de 93.000 décès en un an.