Coronavirus : Comment vont fonctionner les vaccinodromes
EPIDEMIE•La France compte déployer entre un et deux vaccinodromes par département d’ici avrilJean-Loup Delmas
L'essentiel
- Ce lundi, Olivier Véran a annoncé le déploiement de nombreux nouveaux vaccinodromes en France.
- L’Hexagone devrait compter entre un et deux vaccinodromes par département d’ici avril, afin d’accélérer massivement la campagne de vaccination.
- Ces nouvelles structures peuvent-elles permettre à la France de remplir son objectif de 20 millions de primo-injections d’ici à la mi-mai ?
Ce lundi, le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé le déploiement « d’au moins 35 » grands centres de vaccination contre le coronavirus, « pour pouvoir être capables d’utiliser » toutes les doses de vaccins livrées « à partir du mois d’avril ». A ces 35 centres s’en ajouteront d’autres, déployés « avec l’Etat et l’Assurance maladie » selon les propos du ministre. L’objectif est d’avoir en avril un à deux grands centres de vaccination, ou vaccinodromes, par département français.
20 Minutes fait le point sur ces nouveaux outils majeurs de la campagne de vaccination française.
Un vaccinodrome, concrètement, c’est quoi ?
Il s’agit d’un même lieu où sont stockés, gérés et distribués les vaccins. C’est donc à la population à vacciner de s’y rendre. En France, l’appellation vaccinodrome désigne des centres de vaccination avec un espace particulièrement grand : gymnase, palais des congrès et même stade de football (le Stade de France mais également le Vélodrome à Marseille vont être requis par exemple). Grâce à cet espace, et à la mise en place de chaises et de files d’attente, il devrait être possible de vacciner plusieurs centaines, voire plus d’un millier, de personnes par jour dans un seul vaccinodrome. Le Stade de France devrait être en capacité de vacciner 10.000 personnes par semaine – soit près de 1.500 par jour – à partir du 6 avril.
Pourquoi leur déploiement intervient-il maintenant ?
Le déploiement massif des vaccinodromes en avril s’explique par l’intensification de la livraison de vaccin à ARN messager le même mois. En avril, deux millions de doses par semaine du vaccin Pfizer sont attendues (2,5 fois plus qu’actuellement) et un million de doses de Moderna par semaine (3 fois plus qu’actuellement). Soit environ trois millions de vaccins à ARN messager par semaine. Un rythme similaire, voire encore accéléré, devrait suivre en mai. Ainsi, sur les 29,6 millions de doses de Pfizer qu’aura reçues la France au mois de mai depuis le début de sa campagne de vaccination, plus de deux tiers des doses (20 millions) seront livrées dans les seuls mois d’avril et de mai.
Si toutes les études attestent de l’efficacité de ces vaccins à ARN messager, ils souffrent néanmoins d’un défaut : ils sont difficilement transportables et stockables, car leur conservation se fait dans des frigos à – 70 degrés, qu’on ne trouve pas partout. L’idée est donc de les rassembler le plus possible dans un minimum d’endroits équipés de ces frigos, afin de les déployer plus facilement.
Au vu des échéances de la campagne de vaccination, cela ne devrait pas être un trop gros problème, comme l’atteste Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie : « On a déjà massivement vacciné les personnes les moins capables de se déplacer, on aura donc affaire à une population plus mobile et plus à l’aise sur le numérique – rendez-vous sur Doctolib notamment – et capable de se déplacer jusqu’au vaccin. » De plus, l’épidémie se concentrant principalement dans les grands centres urbains (Ile-de-France, Lyon, etc.), « avoir des structures fixes dans ces zones denses et facilement desservies semble logique », rajoute le chercheur.
Pour les populations moins à même de se déplacer, la solution devrait venir des vaccins non ARN, plus mobiles et facilement stockables et transportables. Une fois AstraZeneca livré massivement à nouveau, médecins généralistes et pharmaciens pourront livrer les personnes dans l’incapacité de se déplacer.
Quel impact ces vaccinodromes peuvent-ils avoir ?
La France s’est fixée comme objectif dix millions de personnes ayant reçu une primo-injection (première dose d’un vaccin) à la mi-avril, et 20 millions à la mi-mai. Ce lundi soir, 6,2 millions de personnes avaient reçu une première dose de vaccin en France selon les données de Santé Publique France. Il faudrait donc encore 3,8 millions de primo-vaccination d’ici mi-avril, d’ici environ 24 jours. Soit 158.000 vaccinations par jour, week-end et jour fériés compris (comme l’a souhaité Emmanuel Macron ce mardi, ne voulant aucun temps mort dans la vaccination).
Un rythme finalement peu éloigné de celui du mois de mars, avec 152.000 primo-injections par jour en moyenne (3,356 millions de personnes vaccinées du 1er au 22 mars), auquel il faut ajouter la suspension pendant quelques jours d’AstraZeneca, ayant forcément fait baisser la moyenne. Pour l’objectif de mi-mai, la vaccination doit par contre tourner en moyenne sur 330.000 primo-injections par jour entre le 15 avril et le 15 mai, soit plus du double du rythme actuel. « Dès lors que nous allons passer à plusieurs centaines de milliers d’injections par jour, nous avons besoin » des vaccinodromes, avait expliqué Olivier Véran ce lundi soir.
On n’est pas si loin d’avoir la bonne cadence au moins pour avril, même si comparaison n’est pas toujours raison. En mars, beaucoup de primo-injections ont été faites avec AstraZeneca, un vaccin peut-être moins disponible en avril et mai à cause de nombreux retards de livraison.
La vaccination via vaccinodromes a déjà fait preuve de son efficacité. Eric Billy explique : « Tous les centres de vaccination fonctionnant avec rendez-vous sur Doctolib sont des vaccinodromes en soi, et ils fonctionnent très bien. » Surtout, le pays référence en matière de vaccination contre le coronavirus – Israël – avec 60 % de la population ayant reçu une primo-injection (9 % en France), l’a fait uniquement avec des vaccins ARN messagers, et donc par vaccinodromes. « Vacciner quelqu’un prend moins d’une demi-heure en respectant tout le protocole, dont les quinze minutes de surveillance post-vaccin. Si on met les vaccinodromes dans des zones denses avec des populations prioritaires ou exposées, on va pouvoir vacciner rapidement, et relâcher la pression dans les hôpitaux », estime Eric Billy. Le chercheur ne se fait donc aucun souci pour la logistique, tant que les doses arrivent en temps et en heure. L’éternel problème de l’Union européenne dans cette campagne.