Coronavirus : « L’incitation à se voir dehors ne doit pas être comprise comme une absence totale de risque », juge une spécialiste des crises sanitaires
INTERVIEW•Michèle Legeas, enseignante à l’Ecole des hautes études en santé publique, rappelle que le Covid-19 se transmet principalement en intérieur, mais que le risque en extérieur n’est pas nulPropos recueillis par L. C.
L'essentiel
- Les nouvelles restrictions entrées en vigueur samedi permettent de sortir de chez soi aussi longtemps qu’on le veut, entre 6 heures et 19 heures, dans la limite de 10 km autour de son domicile.
- Le gouvernement prend en compte le fait qu’on se contamine davantage à l’intérieur que dehors.
- Mais cette permission ne doit pas faire oublier que le risque de contamination existe aussi en plein air, même de façon minime. Michèle Legas, enseignante à l’Ecole des hautes études en santé publique, rappelle à 20 Minutes quelques précautions à prendre même en plein air.
«Tout ce qu’on peut faire dehors, il faut le faire dehors », a affirmé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, vendredi au micro de RTL. Pour ce nouveau tour de vis dans 16 départements, dès samedi, l’exécutif mise en effet sur l’autorisation des sorties pour faire tenir les Français, lassés par une année de restrictions anti- Covid-19. Contrairement aux deux premiers confinements, on peut cette fois rester à l’extérieur aussi longtemps qu’on le veut, en respectant le couvre-feu de 19 heures à 6 heures Le gouvernement s’appuie sur le fait que l’on se contamine davantage à l’intérieur que dehors.
Mais le Premier ministre a posé des limites à cette possibilité. « Rendre plus facile les activités en extérieur ne doit pas être le prétexte à barbecues entre amis, à des regroupements dans l’espace public ou dans les parcs et jardins, ou encore des attroupements devant certains bars qui servent à boire ou à manger en vente à emporter », a déclaré Jean Castex jeudi. 20 Minutes a interrogé Michèle Legeas, enseignante à l’Ecole des hautes études en santé publique, spécialiste de l’analyse et de la gestion des situations à risques sanitaires, pour comprendre quels sont les bénéfices et les risques de cette stratégie.
Est-ce une bonne idée de nous inciter à sortir de chez nous dans ce contexte sanitaire ?
En intérieur, dans des espaces pas ou peu aérés, la transmission du Covid-19 est facilitée. Toutes les études internationales menées à ce jour le montrent. A contrario, en extérieur, on a moins de chances d’être contaminé. En outre, il est important que nous continuions à nous aérer, à faire de l’exercice, pour notre santé mentale et physique, surtout après un an de restrictions. Mais il faut le faire avec prudence, car le risque de contamination en extérieur existe, même s’il est minime. J’espère aussi que cette incitation à voir nos proches dehors ne sera pas interprétée par la population comme une absence totale de risque ni un moindre danger du virus, car il circule toujours.
Comment minimiser encore plus les risques en extérieur ?
Ce n’est pas parce que l’on est dehors que les gouttelettes de virus ne peuvent pas être projetées par un individu sur un autre, surtout si l’on est côte à côte, et que l’on rit, ou parle fort, ou tousse… Donc il ne faut pas relâcher notre vigilance. Si l’on se promène en extérieur avec des membres de notre foyer, cela ne pose pas de problème puisqu’on les fréquente à la maison. Mais si l’on retrouve des amis, des personnes avec qui l’on n’habite pas, alors il faut veiller à respecter les distances, d’un mètre cinquante voire deux.
Il faut aussi rester prudent sur le mélange des groupes, leur taille, et l’activité. Une partie de pétanque, en respectant les distances entre joueurs, c’est sans risque. Mais un barbecue ou un apéro en extérieur, c’est plus risqué si les gens se parlent, et sans le masque s’ils mangent ou boivent. De même, ce n’est pas souhaitable que les gens s’agglutinent dans des parcs petits, où ils vont être contraints de se croiser à moins d’un mètre, pendant une certaine durée.
Jean Castex a déclaré que les préfets pourront « interdire la fréquentation de certains espaces publics ou même les manifestations et regroupements » en cas de risque sanitaire. Est-ce justifié au regard des risques que vous décrivez ?
Je préférerais qu’il mise sur la pédagogie, l’explication. Opter pour la coercition, c’est risquer d’encourager les gens à fuir les contrôles, sur le mode « pas vu, pas pris ».