Opposer confinement et vaccination, le non-sens du gouvernement

Coronavirus : Pourquoi opposer confinement et vaccination est-il un non sens ?

EPIDEMIELe gouvernement semble compter sur la vaccination pour empêcher ou retarder au maximum le confinement
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Depuis plusieurs jours, le gouvernement oppose confinement et vaccination, cette dernière devant être la solution miracle pour échapper au premier.
  • Une division qui ne semble en réalité pas avoir lieu d’être.
  • Entre manque de doses, vitesse et durée de vaccination et rôle différents, la vaccination et le confinement semblent plus complémentaires qu’opposés.

«Vous êtes gentils, mais tant que vous avez des vaccins dans les frigos, je ne reconfinerai pas les gens », aurait lancé Emmanuel Macron il y a dix jours en Conseil de défense sanitaire. Ce week-end, alors que la situation en Île-de-France est explosive avec des lits de réanimations occupés à 96 % par des patients Covid et une incidence de 353,1 cas pour 100.000 habitants, Jean Castex a annoncé la mise à disposition de 25.000 doses supplémentaires de vaccin Pfizer dans la région, afin d’améliorer la situation.

Comme si, pour l’exécutif, la vaccination pouvait inverser les choses dès l’instant de l’injection, et éviter des mesures plus drastiques. C’est un peu vite oublié que la vaccination contre le coronavirus des trois vaccins principaux disponibles en France, se fait en deux doses, et qu’un délai est nécessaire entre celles-ci. Trois semaines pour le vaccin Pfizer, quatre semaines pour Moderna, et entre quatre et douze semaines pour AstraZeneca. L’immunité est considérée comme maximale une semaine après la seconde dose.

Effet à retardement

« Du coup, une telle opposition entre confinement et vaccination n’a pas de sens, déclame Jérôme Marty, président du syndicat Union française pour une médecine libre (UFML). La vaccination met entre cinq et treize semaines pour atteindre son véritable effet, or quand une situation est aussi critique qu’en Ile-de-France, on ne peut se permettre d’attendre aussi longtemps. » La vaccination en Ehpad, qui est un franc succès au vu de la baisse de la mortalité de cette population (quatre fois moins de morts qu’avant le début de la campagne), aura mis entre six et huit semaines pour permettre cette chute.

Autre problème et non des moindres, le manque criant de doses de vaccin. A fortiori après les annonces de Jean Castex de ce samedi, annonçant un nouveau retard dans les livraisons d’AstraZeneca. Malgré ces péripéties, le Premier ministre veut pour le moment tenir son objectif de dix millions de personnes vaccinées à la mi-avril. Bien insuffisant pour garantir une protection sans faire chuter l’incidence. Surtout que Jérôme Marty ajoute : « Les personnes en réanimation sont de plus en plus jeunes. Or, les populations vaccinées se font par facteur d’âge en France. Les personnes vaccinées actuellement ne sont pas celles qui risquent d’aller en réanimation, donc cela règle d’autant moins le problème de saturation des hôpitaux ». 80 % des lits de réanimation en France sont occupés par des patients Covid-19 avait indiqué le ministre de la Santé Olivier Véran jeudi.

Une circulation dangereuse

L’idée de changer de catégorie d’âges à vacciner se confronte à deux difficultés majeures : les populations actuellement vaccinées sont celles les plus susceptibles de mourir du coronavirus, donc on ne ferait que changer de problème, et plus la population rajeunit, « plus elle est nombreuse », note le docteur. Et une fois encore, les doses manquent.

De toute manière, même si la France disposait de doses infinies - ce qui est très loin d’être le cas -, « aucune campagne de vaccination ne peut être plus rapide que le virus en exponentielle », prévient Franck Clarot, médecin du collectif « Du côté de la Science ». Une fois le virus hors de contrôle, on ne le rattrape pas. Voilà pourquoi le médecin plaide pour garder la circulation virale un minimum sous contrôle. Il ajoute : « Penser que la vaccination va régler tous les problèmes, c’est la mettre sur un faux piédestal. »

La vaccination et l’incidence, deux problématiques différentes

Compter sur la vaccination pour faire baisser un plateau à 20.000 cas par jour est une erreur. Pour Franck Clarot, c’est se tromper sur le rôle de la vaccination : « Elle n’a pas vocation à faire chuter l’incidence, mais la mortalité et les formes graves ». Et laisser le virus circuler sous prétexte que les populations fragiles seraient vaccinés et ne feraient plus de formes graves ou de décès est un pari dangereux selon le médecin : « Un virus qui circule beaucoup, c’est un virus qui risque de muter, et qu’un jour, un variant rende les vaccins caducs. » Sans compter les Covid longs, les cas chez les jeunes, etc.

Pour faire chuter l’incidence, il faut briser les chaînes de contamination, soit le rôle notamment d’un confinement. « Aucun pays au monde n’a fait chuter brutalement son nombre de cas avec la vaccination », note-t-il. Au contraire, Israël et le Royaume-Uni, deux pays modèles en termes de vaccination massive, l’ont fait majoritairement pendant un confinement très strict, entraînant baisse des cas et meilleure protection de la population.

Inutile d’opposer les méthodes entre elles, ou de les considérer comme exclusives. « Tous les pays qui réussissent ont adapté plusieurs mesures. Chaque mesure doit être l’un des maillons d’une défense contre le coronavirus, et on ne peut pas exclure l’un de l’autre », rappelle Franck Clarot. Ni composer avec une seule, comme l’apprend le gouvernement petit à petit, alors que ce dernier évoque de plus en plus un confinement en Île-de-France.